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Mais qui a osé dire que les Africains propageaient le Sida ?
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Le racisme, maladie transmissible

Tous seuls, vous ne trouverez pas la réponse. On va vous aider un peu.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Les propos sont les suivants. Tels que rapportés par Le Monde. "La présence des migrants et des réfugiés africains dont plusieurs localités du pays peut causer des problèmes". Cette présence expose "aux risques de la propagation du Sida ainsi que d'autres maladies sexuellement transmissibles". Et aussi : "pour éviter cette catastrophe qui nous est imposée, il faut expulser les migrants africains".

Mais qui a bien pu dire une chose pareille ? Norbert Höfer, l'affreux populiste autrichien ? Geert Wilders, le raciste en chef des Pays-Bas ? Une allumée de l'AfD, le parti anti-migrants qui cherche des noises à Angela Merkel ? Un porte-parole de Viktor Orban, le Hongrois qui ferme ses frontières ? Et en France, le représentant, la représentante, de la frange la plus xénophobe du Front national ? Même pas : de telles phrases auraient valu exclusion immédiate du mouvement de Marine Le Pen.

Alors qui ? Vous brûlez de savoir. Pour ça, il suffit de traverser la Méditerranée, ce qui n'est quand même pas bien loin de l'Europe et de l'Hexagone. L'auteur de ces phrases s'appelle Farouk Ksentini. Cet avocat algérien occupe les fonctions hautement symboliques de président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme. Vous avez bien lu ? De promotion et de protection des droits de l'homme ! Et non pas de promotion et de protection des droits des Noirs et des Africains ! Ne pas confondre svp… Peut-être même que Farouk Ksentini, quand il n'est pas en représentation, parle des "nègres"…

Quelqu'un chez nous, un ministre, une association, un député, a-t-il fait part de son indignation ? Rien. Le silence le plus total. Pourquoi ? Peut-être parce que l'Algérie n'est pas l'Europe et même pas la France ? Peut-être parce qu'on ne va pas traiter un dignitaire algérien comme un vulgaire raciste hollandais, autrichien ou hongrois ? Un peu facile…

La France a avec l'Algérie des liens autrement plus étroits que ceux qu'elle a noués avec la Hongrie, l'Autriche ou les Pays-Bas. Certes, l'Algérie n'est pas, n'est plus, la France. Mais la France – comment refuser de le voir ? – est un peu l'Algérie. Des centaines de milliers de nationaux et de binationaux votent chez nous pour les élections algériennes. Entre Paris et Alger, il y a un partenariat euro-méditerranéen, des accords de coopération culturelle et économique. L'Algérie, donc, ne peut pas nous être indifférente.

Mais au nom de la colonisation, tare inoubliable, tache indélébile, on s'interdit de juger l'Algérie. Car, paraît-il, un Algérien, un Arabe, ne peut pas être raciste puisque lui-même est une victime supposée du racisme ! La phrase de Farouk Ksentini, toute abjecte qu'elle est, ne sera donc ni commentée ni critiquée. Rappeler que pendant des siècles, les Noirs ont été les esclaves des Arabes ne se fait pas… Rappeler que le racisme anti-Noirs qui prospère en Algérie, et dans d'autres pays arabes, est l'enfant direct de cet esclavage est également tabou… Pour notre part, et étant profondément antiraciste, nous nous permettons de penser que Farouk Ksentini devrait être traité comme n'importe quel abruti européen. À moins de le considérer comme un sauvage, un barbare, un être inférieur. Ce qui pour le coup serait vraiment raciste…

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