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Dans la famille Trump, je demande Ivanka, la fille qui devra trancher entre son business et la Maison Blanche
©Reuters

THE DAILY BEAST

Comment l'enfant préféré de Donald Trump peut à la fois conseiller son père, développer son propre business et éviter que les Etats-Unis ne ressemblent à une république bananière ?

Olivia Nuzzi

Olivia Nuzzi

Olivia Nuzzi est journaliste pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Olivia Nuzzi

En 77 semaines, elle a attiré 10 400 "likes" sur Instagram : une image d'Ivanka Trump debout devant un pupitre dans le hall de la Trump Tower, devant une rangée de drapeaux américains. Avec ses cheveux blonds rassemblés par un chignon, son corps sculptural drapé dans une robe fourreau blanc et ses talons aiguilles plantés dans un tapis bleu ciel, elle illustre l’équilibre naturel et le pouvoir, le genre de femme qui pourrait jouer le président des Etats-Unis dans un film sur une invasion extraterrestre.

Et dans un sens, l'image était un peu décalée le jour où elle s’est affichée, le 16 juin 2015, jour où Donald Trump est entré dans la course à la présidentielle, qu’il allait finalement gagner. Jusque-là, les réseaux sociaux étaient pour Ivanka la vitrine de sa florissante marque, toute rose pastel avec des citations inspirantes et des publicités chics, pour de l’habillement à prix modique !

Mais pendant les 18 mois de campagne qui ont suivi, puis le soir de l'élection victorieuse, et pendant la période de transition vers la Maison Blanche, elle est devenue quelque chose de beaucoup plus complexe.

Le texte de présentation qui accompagne l'image prise au moment exact où tout a commencé à changer, dit : "Mon père m'a toujours appris à avoir de l’ambition. Aujourd'hui, il affiche des ambitions plus élevées que jamais. J'ai été très honorée de prononcer le discours d’introduction précédent son incroyable annonce. @realdonaldtrump #MakeAmericaGreatAgain".

Par ce seul discours, Ivanka s’est transformée. En un seul discours, elle est passée du statut de simple célébrité à celui de symbole politique : pour les fans de son père, elle est l'exemple vivant de l'efficacité de leur candidat ; pour ses détracteurs, c'est une comédienne cynique, qui déguise ses opinions politiques néfastes derrière une charmante apparence.

La question est maintenant pour Ivanka de plaire à tout le monde, et surtout au nouveau président, sans mettre en danger son business personnel, sans risquer un conflit d'intérêt face à la loi, ni manœuvrer dans une zone grise qui ferait que les États-Unis commencent à ressembler à une république bananière.

"Je pense qu'ils veulent maintenir l'apparence de la bienséance", dit Richard Painter, un avocat qui était chargé des questions éthiques à la Maison Blanche sous George W. Bush.

"La question est : 'qu'est-ce que le nouveau président attend de sa fille ?' Elle peut faire ce qu'elle veut dans son entreprise, elle peut commercialiser son nom de famille, mais il doit contrôler ses interactions avec l'administration présidentielle. Tout va bien pendant la période de transition, quand tout est un peu flou. Le problème, à mes yeux, se pose, quand Trump dit que ses enfants vont diriger ses entreprises, puis ensuite quand les enfants s'impliquent dans l'administration présidentielle. Je voudrais entendre un message clair sur ce que ses enfants vont vraiment faire".

Ivanka, qui n'a pas répondu à une demande d'interview, a toujours attiré l’attention depuis qu’elle est née. Elle est blonde et jolie, comme une princesse Disney, et pendant son adolescence, elle a été modèle, comme beaucoup de filles de gens privilégiés. Mais Ivanka a désormais prouvé qu'elle n’est pas comme les autres enfants de riches, au moins pas exactement. Elle a évité de conduire en état d’ivresse, de suivre une cure de désintoxication après s’être droguée, et n’a pas fait le bonheur des journaux à scandale qui se régalent du comportement de ses pairs. Quand elle est apparue dans le documentaire Born Rich consacré aux enfants de milliardaires, elle était la seule qui paraissait lucide et sympathique. Puis, elle a commencé à vraiment travailler pour son père.

En 2007, à 25 ans, elle est apparue sur le plateau d'une célèbre émission télévisée, le Late Show de David Letterman, en sa qualité officielle de vice-président du développement de la Trump Organization : "Vous avez un rôle crucial, central dans l'organisation de cette entreprise", lui a dit Letterman à propos de son titre officiel. "Cela semble très important mais à la fin de la journée, mon père - même si nous n’avons pas besoin qu’on nous le redise - nous rappelle que c’est lui le patron".


Selon son entourage, Ivanka voulait devenir une femme qui soit un mélange entre Martha Stewart (animatrice télé, fondatrice d'un magazine qui porte son nom, auteure de livres de cusine, etc.) et Sheryl Sandberg (gourou pour les femmes qui veulent tout avoir : la réussite professionnelle et familiale, tout en gardant la forme et en restant glamour 24 heures par jour, sans effort).

Ivanka voulait connaître le succès par elle-même, ne pas rester à l’ombre de son père. Elle voulait devenir quelqu’un qui soit aimé par les femmes américaines comme l'incontournable Oprah Winfrey. Mais contrairement à Oprah, ou comme la référence moderne que représente l’actrice Gwyneth Paltrow, Ivanka voulait le faire de manière plus intelligente : en proposant des produits adaptés au style de vie des femmes, et pas seulement en leur donnant des conseils et en les dirigeant vers des marques qu'elle avait sélectionnées. Ivanka a développé une ligne de vêtements et une ligne de chaussures. Elle était tellement attachée à développer sa marque que la bague de fiançailles offerte par celui qui est devenu son mari, Jared Kushner (autre enfant de la fortune immobilière), n’est pas signée Tiffany ou Cartier, mais de sa propre marque de bijoux, Ivanka Trump Fine Jewelry.

"Elle est probablement aussi calculatrice que son mari", dit quelqu’un qui a déjà travaillé avec Ivanka, "et, sans être vouloir être misogyne, elle couche efficace".

Elle n’avait pas prévu que sa carrière ferait un détour par la Maison Blanche, mais qui pouvait le prévoir ? Pendant la campagne des primaires, le nouveau rôle de son père en tant que politicien n'a pas changé le comportement d’Ivanka qui a continué à se comporter comme une redoutable vendeuse. Tout en postant des messages sur les débats entre les candidats républicains, elle a continué à partager des selfies, des photos glamour et des photos de vacances en famille. Elle a fait la promotion de ses chaussures, de ses vêtements et de ses bijoux. Quand elle a prononcé un discours lors de la Convention nationale républicaine, vêtue d'une robe rose pâle, elle a annoncé sur Twitter : "Offrez-vous le look Ivanka lors de son discours devant la convention républicaine disponible pour 138$ dans les magasins Macy’s". La robe a été rapidement épuisée.

Donald Trump lui-même a passé une grande partie de sa campagne à faire la promotion de ses terrains de golf et de ses hôtels, y compris dans une rue proche de la Maison Blanche (souvent avec l'aide d'Ivanka). Il semblait, à certains moments, que tout était juste un exercice de marketing. Mais ensuite, il a gagné la présidence, et les conflits d'intérêts potentiels sont apparus.

Ses enfants, dit-il, vont diriger son entreprise et il leur fait une "confiance aveugle", même si le régime légal qu'il a choisi, une fiducie gérée par les membres de la famille, ne peut pas, par définition, être aveugle. Et les mélanges n'arrêtent pas. Ivanka a fait la promotion du bracelet en or avec diamants à 10 000 dollars qu’elle portait dans l’émission 60 Minutes. Puis Donald Trump a nommé ces mêmes enfants, chargés de son entreprise, à des postes au sein de son équipe de transition. Puis Ivanka a assisté à une réunion avec le Premier ministre du Japon dans la Trump Tower, tout en concluant un contrat avec Sanei International, dont la société-mère, la Banque de développement du Japon, est détenue par le gouvernement japonais. Puis Donald lui a tendu le téléphone pour qu'elle puisse parler à Nancy Pelosi, grande personnalité politique démocrate. Puis on a appris qu'Ivanka et son mari Jared couraient les agences immobilières pour s’installer à Washington (contrairement à Melania, la propre femme de Donald Trump). Rien d’illégal, probablement, mais…

"Elle est dans une bulle", selon une personne de son entourage. "Si elle avait des doutes, vous ne pensez pas qu'elle aurait pu refuser de rencontrer le Premier ministre japonais ? Personne ne l’oblige à faire cela, elle est entièrement autonome".

Une autre source proche d'Ivanka a un jugement plus sympathique : "Personne n'a jamais vraiment connu ce genre de situation avant elle. Ce sont des circonstances qui n’ont pas connu de précédent... Il n'y a pas de modèle spécifique. Les bonnes nouvelles offrent beaucoup de possibilités, mais représentent aussi des défis".

Profiter d’un nom politiquement célèbre n’est pas tout à fait nouveau, bien sûr. Billy Carter a déposé la bière "Billy Beer" en 1977, l'année où son frère, Jimmy, a été nommé 39ème président des Etats-Unis. Tony et Hugh Rodham, frères d'Hillary, ont fait toutes sortes de trucs bizarres, comme cultiver des noisettes dans la République de Géorgie, ce qui a provoqué des maux de tête au président Clinton.

La différence, c’est le niveau d'influence d’Ivanka sur le nouveau Président. Elle a été l'arme politique la plus fiable de son père, plus qu’une fille, une femme politique qui l’a vendu à certaines parties du public américain qui, sinon, auraient pu le trouver désagréable. Donald Trump lui a fait confiance, selon son propre témoignage et selon des sources proches, il lui a fait confiance plus qu’à quiconque. Il l’a formée pour qu’elle reprenne l'entreprise familiale, mais maintenant que la situation a changé, il semble peu probable que Donald Trump sera en mesure ou désireux de gouverner sans l’avoir en permanence à ses côtés

"Si la loi sur les conflits d'intérêt s’applique et que vous êtes un employé du gouvernement, même un employé très spécial du gouvernement", dit Painter "alors c’est une infraction pénale de participer à toute action gouvernementale qui a un impact direct sur votre bien-être financier".

Si Ivanka était simplement un conseiller informel, ou à la tête d'un groupe de travail sans rapport avec sa marque à elle ou avec l'entreprise de son père, elle serait en mesure d’éviter de négocier son influence si elle le jugeait bon. "Elle doit se concentrer sur un domaine de la politique qui n'a vraiment rien à voir avec ce qu'elle essaie de vendre", a déclaré Painter.

Une source proche d’Ivanka dit qu'elle est consciente du fait qu'elle doit faire preuve de prudence tout en ayant un pied dans le monde de son entreprise et un pied dans l'administration naissante : "Elle le sait, elle essaie de régler cette situation. C’est un processus en cours".

A la fin du mois dernier, Ivanka a franchi une première étape en séparant ses comptes personnels de ceux de sa marque de style de vie sur les réseaux sociaux, bien que la différence entre les comptes soit minime. Mais immédiatement après avoir annoncé cette séparation, elle a commencé à partager sur son compte Twitter personnel des tweets postés sur le compte de sa marque pour promouvoir ses produits.

"Ce n'est pas une affaire", selon une source proche. "Elle est simplement un peu perdue".

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