Banlieues : l'échec de la fameuse « politique de la ville »<!-- --> | Atlantico.fr
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Si la politique de la ville a évolué avec le temps, l’objectif a toujours été de réduire les inégalités territoriales et d’agir de manière locale pour lutter contre l’exclusion et améliorer le quotidien des habitants.
Si la politique de la ville a évolué avec le temps, l’objectif a toujours été de réduire les inégalités territoriales et d’agir de manière locale pour lutter contre l’exclusion et améliorer le quotidien des habitants.
©Hegor

Creuset de la République

Si résoudre les problèmes des quartiers, c'est résoudre une grande partie des problèmes de notre société, comment passer du saupoudrage des moyens à la responsabilisation des acteurs. Par la « politique de la ville » ? Pas si sûr... Extraits de "Pourquoi les banlieues sont de droite" de Camille Bedin (2/2).

Avec les crises économiques, sociales, financières successives, avec la désindustrialisation et la hausse du chômage, est apparue progressivement en France, dès les années 1970, la fameuse « politique de la ville » : la principale préoccupation était, à ses débuts, l’habitat et les grands ensembles. Cette politique de la ville ne cessera, dès lors, de s’étendre : avec les émeutes des Minguettes à Vénissieux en 1981, une politique de « développement social des quartiers » et les premières zones d’éducation prioritaires (ZEP) sont initiées; en décembre1990, le ministère de la Ville est créé.

Si la politique de la ville a évolué avec le temps (avec la contractualisation, par exemple, adoptée au début des années 1990, permettant d’associer différents acteurs sur des objectifs ciblés), l’objectif a toujours été de réduire les inégalités territoriales et d’agir de manière locale pour lutter contre l’exclusion et améliorer le quotidien des habitants, dans de nombreux domaines : la sécurité et la prévention (contrats locaux de sécurité et prévention de la délinquance), l’accompagnement social (contrats urbain de cohésion sociale), l’éducation (zones d’éducation prioritaire – ZEP ; Réseaux Ambition Réus- site – RAR; Ecoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite – ECLAIR...) ou encore l’urbanisme et l’aménagement de l’habitat et du territoire (rénovation urbaine).

Par conséquent, la politique de la ville est devenue protéiforme : définie à l’échelon central, puis déléguée et répercutée à différents niveaux, avec différents objectifs et par différents moyens (agences nationales, collectivités territoriales, Etat, associations, quartiers, entreprises). Elle a abouti aujourd’hui à un mille-feuille administratif et politique de zones, de contrats et de réseaux, dont le pilotage varie selon chaque couche, mêlant systématiquement différents services publics, sans guichet unique. (...)

Tous les acteurs, quels qu’ils soient, se plaignent régulièrement de ne pas arriver à se mettre autour de la table ensemble ni, surtout, à se mettre d’accord. Ainsi, une association de quartier rencontrée récemment, organisant du soutien scolaire, me disait se sentir lasse d’épuiser ses forces dans l’organisation de coopérations efficaces avec l’école voisine, le rectorat, les dispositifs municipaux, les missions locales... Chaque acteur donne le sentiment d’avoir sa chasse gardée, d’être enfermé sur lui-même, dans une sphère d’influence qui ne devient rien de moins qu’un lieu de pouvoir comme un autre. (...)

A court terme, sur le terrain, seule la rénovation urbaine a pu avoir un impact significatif dans la vie quotidienne des habitants – même si « repeindre les cages d’escalier » reste trop superficiel. La politique de la ville n’a pas permis aux populations de retrouver un emploi stable ni de « reprendre contact » avec la société alentour.

A long terme, elle ne s’est pas suffisamment intéressée aux individus pour leur permettre de reprendre confiance en eux, ni favorisé les conditions d’une Ecole capable de remettre en route l’ascenseur social et de devenir le lieu d’espoir qu’elle est censée être. La politique de la ville n’a fait que tenter de panser les plaies. (...)

Deux hypothèses – non exclusives – peuvent expliquer cet échec : la politique de la ville ne fait que révéler le manque de volontarisme en faveur des quartiers – une partie de l’échiquier politique les tenant pour électoralement acquis, une autre les considérant comme perdus d’avance. La politique de la ville est ainsi un simple « affichage » (1). L’autre explication, plus optimiste, est que les responsables politiques préfèrent s’attaquer à des champs d’action plus directs, comme l’éducation ou l’emploi, plu- tôt qu’à une politique de la ville multiforme et ne relevant finalement d’aucun champ véritable.

Quoi qu’il en soit, il est temps de repenser cette politique en direction des quartiers pour qu’elle devienne réellement efficace. Cela passe par un pilotage national unique fort (le ministère de la Ville), puis par une décentralisation à l’échelle de la municipalité et, enfin, par un nouvel état d’esprit. (...)

Toute la politique de la ville décrite ci-dessus pour désenclaver les quartiers et remédier aux inégalités territoriales, mais aussi l’ensemble des actions de l’Etat- providence permettant d’accompagner et d’assister les populations défavorisées, fonctionnent sur un seul schéma d’action : « de haut en bas », fidèle à la tradition française de centralisation, de contrôle et de bureaucratie.

Dans ce cadre, l’implication des citoyens dans l’action des politiques publiques – qui les concerne pourtant au premier chef – est extrêmement limitée. Elle se cantonne à quelques consultations, à travers des questionnaires de satisfaction, des enquêtes, des forums participatifs... La ville de Nanterre illustre parfaitement ce schéma. A chaque décision prise pour un quartier, les habitants reçoivent des consultations, des questionnaires, des horaires de réunions d’information... Jamais les habitants eux-mêmes ne sont décideurs, quand bien même ils sont les premiers concernés.


(1)« La politique de la ville a jusqu’à présent été marquée par l’impré- cision de ses objectifs comme de sa stratégie et par une volonté d’affichage qui conduit à la mise en œuvre périodique de nouveaux dispositifs », rapport de la Cour des comptes.

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Extraits dePourquoi les banlieues sont de droite, Plon (9 février 2012)

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