L'angoisse de l'entrepreneur face à la perspective d'une survie du RSI même avec François Fillon<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
L'angoisse de l'entrepreneur face à la perspective d'une survie du RSI même avec François Fillon
©Reuters

Les précaires ne sont pas ceux que vous croyez

Parmi ses propositions, François Fillon propose de "réformer de fond en comble" le RSI. Pourtant, d'autres moyens plus simples permettraient de libérer les travailleurs indépendants de cette absurdité bureaucratique.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Qu’il faille supprimer le monopole du RSI, à défaut de supprimer le RSI lui-même, ne fait aucun doute pour n’importe quel entrepreneur… La question est de savoir si un Fillon devenu président de la République (hypothèse non encore vérifiée) oserait ou non envoyer ce signal essentiel aux travailleurs indépendants. Car, en matière de "libéralisme", il y a souvent loin de la coupe aux lèvres, surtout en France.

Le RSI, une arme d’asservissement de la société…

Le RSI a pris forme en 2005, sous l’impulsion des conseillers d’Etat Bas et Dutreil, alors ministres d’un gouvernement de "droite". La création de ce bastringue concluait un processus historique long. En 1945, les dangereux maniaques (conseillers d’Etat) qui inventent le régime universel de Sécurité sociale projettent d’y absorber les indépendants. Mais, en 1947, face à la mobilisation de ceux-ci, le gouvernement renonce.

Mais l’objectif tacite reste, pour le gouvernement profond, d’asservir la totalité de la société en la fondant dans un régime unique de dépendance (dont seuls les fonctionnaires seront exonérés) où des revenus aléatoires donnent quand même lieu à des cotisations fixes. Dans cette vision globale du monde, portée par quelques hauts fonctionnaires qui ne seront jamais travailleurs indépendants et qui en méprisent les problématiques, la société française doit être organisée autour d’un statut unique, celui d’assuré social.

… qui continue l’oeuvre de javellisation des indépendants

Entre les complications réglementaires et la normalisation à outrance des activités, la création du RSI ajoute une source supplémentaire de précarisation du travail indépendant en France. La précipitation avec laquelle le régime fut créé en constitue un indice: tout a été fait pour rendre la vie des indépendants impossible.

Le graphique suivant, publié par l’INSEE, montre utilement l’inquiétante évolution de la situation:

La France comptait 4,5 millions d’indépendants en France en 1970. Elle en compte 2,5 millions aujourd’hui. Parmi ceux-ci, il faut intégrer les 500.000 auto-entrepreneurs dont le statut est récent. En réalité, la France ne compte plus que 2 millions d’indépendants, hors les auto-entrepreneurs. L’invention du RSI a donc consolidé une tendance existante.

Le petit tableau suivant résume très bien la dernière situation démographique connue dans ce domaine.

Parmi les très exactement 1,924 million d’indépendants, le revenu mensuel moyen se situe à 2 600€. Ces chiffres moyens incluent les professions médicales. Mais… dès que l’on retire cette catégorie, on trouve des revenus très inférieurs.

Par exemple, dans la construction, le revenu mensuel moyen des indépendants est de 2 300€. Dans les services aux particuliers, il tombe à moins de 1 500€. Ces chiffres témoignent de la grande misère patronale qui sévit en France.

L’entrepreneur face à la précarité

L’INSEE a le bon goût de donner des éléments précis sur les dégâts infligés par la crise dans le monde des entrepreneurs. Le petit tableau ci-dessous:

Ce graphique permet de repérer facilement les groupes de population qui ont vu leurs revenus baisser entre 2006 et 2011. C’est notamment le cas de tous les artisans et des commerçants artisanaux comme les coiffeurs. Pour tous ces gens, l’arrivée du RSI a sonné le glas: non seulement ils ont dû faire face à une sévère baisse d’activité due à la crise de 2008, mais la mise en place d’un régime unique de sécurité sociale a accru leurs difficultés par un système de cotisations cycliques qui a fait couler un grand nombre d’entre eux.

Le RSI, épouvantail de l’entrepreneur

Ce qui devait arriver arriva: le RSI est devenu le repoussoir absolu pour l’entrepreneur, le symbole de la mesure technocratique absurde, aveugle, intrusive, et qui empoisonne la vie de ceux qui la subissent.

Voir cette vidéo : "Le RSI : le cauchemar des petits patrons"

Désormais, l’obsession de tous ceux qui ont une activité indépendante consiste à sortir du RSI. Là, ce sont les acteurs de l’économie collaborative qui tremblent dans leurs braies à l’idée d’y être soumis. Ici, c’est un artisan qui se bat pendant des années pour annuler un redressement du régime. Là encore, c’est une grande marche à travers la France. Pour l’entrepreneur, c’est tout sauf le RSI!

Supprimer le monopole du RSI

Une mesure salutaire, indispensable, pour limiter la pénalisation de la prise de risque par les indépendants en France est de supprimer le monopole du RSI. Il ne s’agit pas de supprimer le RSI en tant que tel. Il s’agit seulement d’offrir à ses adhérents la possibilité de s’assurer ailleurs. Simple, efficace, rapide.

Fillon osera-t-il prendre cette mesure?

Pour l’instant, Fillon propose, sur le RSI, un gloubi-boulga très loin du compte:

"Le RSI est un échec et nous allons le réformer de fond en comble. Cette réforme passera par la création de la Caisse de Protection des Indépendants."

Mais non Monsieur Fillon, il ne faut pas perdre de temps à réformer le RSI de fond en comble. C’est une machine trop lourde, trop complexe, pour être réformée. Il faut la laisser mourir de sa belle mort en permettant à tous ceux qui veulent la quitter de s’assurer ailleurs. Et pour ce faire, il suffit d’une loi comportant un seul article:

Article premier: nul n’est contraint de cotiser au régime social des indépendants.

Et le tour est joué.

François Fillon osera-t-il enjamber les technocrates rétrogrades qui l’entourent pour adopter cette mesure simple? Les entrepreneurs peuvent peser en ce sens, en s’organisant bien…

Cet article est également consultable sur le blog d'Eric Verhaeghe.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !