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L’Europe et la double responsabilité que lui confère l'élection de Donald Trump
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Les prochaines échéances électorales dans la plupart des pays européens risquent d'aveugler leurs dirigeants quant à la nécessité d'engager de sérieuses et profondes réformes de l'UE afin de répondre aux récentes évolutions mondiales.

Pierre Haas

Pierre Haas

Pierre Haas, après avoir servi comme officier dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle, a fait carrière de 1950 à 1965 comme directeur général de Continental Grain France, puis à partir de 1963 à la Banque Paribas comme directeur des affaires financières internationales, puis président de Paribas International.

Il a été membre de nombreux conseils d’administration parmi lesquels on citera : Schneider S.A., Newmont Gold à Denver, Power Corporation du Canada et Power Financial.

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Quand Disraeli, son Premier ministre, a offert à la reine Victoria le titre d’Impératrice des Indes, il n’a fait qu’entériner la situation du Royaume-Uni aux avant-postes de l’Histoire.

Cent cinquante ans plus tard, le 23 juin dernier, une grande partie des masses populaires et un segment ultra-conservateur de l’establishment, habité d’une nostalgie du passé glorieux où le Royaume n’avait d’autre allié que son courage et sa détermination, se sont retrouvés majoritairement ensemble pour décider du retrait de l’Union européenne, le Brexit.

Brexit, dont les motivations premières sont le rejet de flux migratoires incontrôlables et un ressentiment mêlé de colère chez ceux se considérant victime d’une globalisation comportant un partage inégalitaire des fruits du modèle économique dont elle est le vecteur.

Le Brexit en officialisant le courant populiste existant un peu partout dans les pays avancés, lui a offert une légitimité démocratique. Légitimité dont on ne peut douter qu’elle n’ait contribué, quelques mois plus tard, à faire d’un tribun vibrionnant, Donald Trump, l’homme politique le plus puissant de la planète.

Le renvoi d’ascenseur aux Anglais par le président récemment élu a été immédiat. Nigel Farage, le président de l’UKIP, le parti populiste britannique, a été la première personnalité britannique reçue et au grand dam de madame Teresa May, la Première ministre, Trump a suggéré que Farage ferait un excellent ambassadeur à Washington.

Suggestion révélatrice d’une vision du monde correspondant mieux à ses évolutions récentes qu’à celle du consensus Atlantique en place depuis 1945. D’où l’urgence de prendre dès maintenant au sérieux les observations et tweets du nouveau chef d’Etat américain.

D’autant qu’avant d’être aux affaires, Monsieur Trump a créé un empire immobilier couvrant une partie de la planète, dont la mise en place a nécessité un nombre considérable de passe-droits et autres faveurs dépendants d’autorités politiques et administratives. Leur négociation a permis au nouveau président de se familiariser avec les idiosyncrasies et les motivations des chefs d’entreprise, des élus locaux et nationaux et des contraintes accompagnant la prise de décisions. Enseignements absents des dépêches diplomatiques et mieux adaptés à la résolution des contraintes secrétées par un environnement où les facteurs disruptifs de caractère émotionnel rendent caducs ceux n’ayant d’autres sources que la raison, la tradition, et les habitudes.

Une nouvelle distribution des forces géopolitiques se profile dès lors que monsieur Trump est habité d’un tropisme protectionniste vecteur d’un slogan au caractère isolationniste : "Make America great again" ce qui en français se traduit par "Faire de l’Amérique à nouveau une grande puissance". En le lisant, on peut se demander si le nouveau président est conscient d’avoir, par certaines de ses prises de position, diminué l’incontestable position dominante des Etats-Unis.

Quoiqu’il en soit, ce constat crée à l’Union Européenne une double responsabilité.

En premier lieu, celle très générale de gérer ses affaires de façon à représenter un pôle dont la puissance potentielle sera un appui pour ses amis et alliés américains, seuls actuellement dans leur confrontation avec une Chine progressant à grands pas et une Russie dont le leader cherche à masquer à ses concitoyens le délabrement en utilisant la diversion d’affrontements sanglants en Syrie.

La seconde responsabilité se rapporte à la nécessité où se trouve l’Union de remédier aux dysfonctionnements affectant sa gestion dont la persistance ne lui permettrait pas d’être le socle d’un second pôle de puissance ni de représenter, pour le gouvernement britannique, une raison de ne plus poursuivre le Brexit tout en respectant la volonté populaire l’ayant décidé.

De toute manière la survie de l’Union est subordonnée à un rééquilibrage des forces centrifuges la menaçant de désintégration.

Modifier les traités n’est pas nécessaire pour satisfaire cet objectif. Il suffira d’appliquer les règles de fonctionnement définies notamment, par celui de Maastricht. Bien entendu, toute démarche dans ce sens impose à la France et à l’Allemagne un accord restituant son dynamisme au noyau dur qu’ensemble elles forment.

Il suffira alors, dans un premier temps, d’obtenir de la Commission européenne qu’elle reprenne le contrôle des pouvoirs dont elle s’est laissée déposséder par Bruxelles et de veiller à la bonne exécution de ses directives.

On évitera, de cette façon, le flux de normes abusives applicables, uniformément aux 28, bafouant les cultures et traditions nationales. Autrement dit, il s’agit de rétablir la primauté du principe de subsidiarité.

Bien sûr, beaucoup plus est nécessaire pour revitaliser l’Union européenne mais dans les mois qui viennent et en 2017, jusqu’en septembre, les contraintes électorales, en Autriche, en Italie, en France et en Allemagne, vont accaparer l’attention des chefs d’Etat et de gouvernement. Il ne sera possible que de faire des retouches ayant un impact immédiat sur le comportement de l’administration bruxelloise.

Il n’est cependant pas vain d’espérer que l’axe franco-allemand sera en mesure de poser quelques jalons donnant du temps au temps et agissant dans le sens voulu.

En attendant, le prochain phénomène inattendu, le Brexit et l’élection américaine ayant prouvé la force de l’improbable, tout exercice d’anticipation est vain dès lors que l’on se trouve confronter à une situation où pour la première fois, depuis longtemps, le politique conteste sa primauté à l’économique.

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