Le prix du pétrole : l’arme fatale de l’Iran pour ruiner l’Arabie Saoudite et renforcer son influence sur le monde arabe...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Des raisons géopolitiques et stratégiques pèsent énormément dans la fixation des prix de marché.
Des raisons géopolitiques et stratégiques pèsent énormément dans la fixation des prix de marché.
©Reuters

Atlantico Business

La violence des débats au sein de l'Opep pour réguler le marché du pétrole répond plus à des impératifs politiques et géostratégiques qu’à des considérations économiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Quoi qu'on dise au lendemain de la réunion de l'Opep, le prix du pétrole va rester durablement bas. Il était tombé à 30 dollars en 2015, il est remonté depuis six mois aux alentours de 45 dollars le baril. En réalité, il va osciller entre 30 et 40 dollars selon la banque Goldman Sachs. Certains analystes le voient même revenir aux alentours de 25 dollars en 2017. Les pays de l'Opep auront du mal à se mettre d'accord pour fermer les vannes et raréfier un peu l'or noir afin de juguler leur perte de recettes. Ils auront surtout du mal à mettre au pas les producteurs n'appartenant pas au cartel.

Le prix du pétrole va donc durablement baisser pour deux séries de raisons.

Premières raisons : économiques d'abord, compte tenu d‘un déséquilibre entre l'offre et la demande. En clair, la demande s'est ralentie partout dans le monde parce que la croissance s'est évanouie au moment de la crise, mais surtout parce que les systèmes de production, systèmes de transport ou de fabrication sont devenus plus économes en pétrole. Ajoutons à cela la préoccupation écologique qui a fait reculer les produits à base de pétrole.

Mais parallèlement, l'offre s'est considérablement accrue depuis les années 2010 avec l'arrivée sur le marché des pétroles de schistes. Les Etats-Unis et le Canada sont devenus les premiers producteurs du monde. Le marché a reçu aussi la Russie, qui est devenu l'un des grands producteurs, puis surtout l'Iran qui est, à la fin de l'embargo en 2014, revenu dans le jeu mondial. L'Iran possède des capacités de production au moins aussi importantes que l'Arabie saoudite.

L'arrivée de tous ces acteurs a fait chuter le prix du pétrole à moins de 30 dollars le baril.

Cette baisse de prix a sans doute facilité la sortie de crise en Occident en diminuant les coûts de fabrications. Ceci dit, cette baisse de prix a aussi accéléré les tensions déflationnistes difficiles à juguler. Les anticipations négatives ont été fortes et freinent encore la croissance.

L'autre effet d'ordre économique, c'est que les pays producteurs se sont retrouvés en risque d'asphyxie financière : le Venezuela, l'Algérie mais aussi l'Arabie Saoudite qui ont réagi en ouvrant les vannes pour essayer de conserver leurs parts de marché et gêner ainsi les nouveaux arrivants américains qui produisent un pétrole plus cher qu'au Moyen-Orient. A moins de 45 dollars le baril, les productions américaines ou canadiennes ne sont pas rentables. D'où un bouleversement des rapports de force.

Deuxièmes raisons : des raisons géopolitiques et stratégiques ont énormément pesé dans la fixation des prix de marché.

- Acte 1 : on a vu l'Arabie Saoudite ouvrir ses vannes pour ruiner les producteurs de pétrole de schistes, jusqu'à ce qu'elle ait elle-même des difficultés financières. En baissant le prix, elle se tirait une balle dans le pied. Or, l'Arabie Saoudite a besoin des recettes pétrolières pour tenir sa population, pour tenir les membres de la famille royale et pour tenir son influence colossale dans la région.

Acte 2 : on a vu arriver l'Iran, qui a très vite compris l'intérêt qu'il avait à affaiblir l'Arabie Saoudite. La guerre ancestrale entre les sunnites et les chiites a trouvé là un nouveau champ de bataille. L'ambition iranienne est considérable. Son projet est de ruiner l'Arabie saoudite pour récupérer le pouvoir au Moyen-Orient.

- Acte 3 : la Russie est entrée dans le jeu elle aussi, aux côtés des dirigeants irakiens (autres gros producteurs), pour restaurer son pouvoir et son influence.

Tout cela ressemble étrangement à une guerre larvée. Le monde entier souhaite un relèvement des prix du pétrole parce que c'est un levier de croissance, mais aussi un ressort puissant pour accélérer la transition écologique. Tout le monde. Les producteurs et les consommateurs. Au Moyen-Orient comme en Amérique.

Mais visiblement, les marchés attendent deux choses pour agir :

- La première serait de savoir qui, de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran, prendra le leadership politique dans la région. La "guerre" n'est pas terminée, mais elle évolue très vite au profit de l'Iran.

- La deuxième chose serait de savoir ce que va faire Donald Trump, qui a promis que l'Amérique devait retrouver son indépendance énergétique. La promesse signifie qu'il pourrait bloquer les importations, et donner de l'oxygène aux producteurs US, mais ça signifie aussi qu'il va s'exonérer des prix mondiaux et par conséquent infliger à son appareil de production une perte de compétitivité liée aux prix du pétrole plus cher que partout ailleurs sur la planète. Cela signifie qu'il va s'exonérer des contraintes écologiques. Tout cela est difficilement acceptable. C'est du moins le pari que fait Goldman Sachs puisque la banque américaine voit le pétrole à moins de 35 dollars au début de l'année prochaine.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !