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Assurance-vie : chronique d’une mort annoncée ?
©Reuters

La fin ?

L’Assemblée nationale a adopté définitivement le 8 novembre dernier, en catimini, la Loi Sapin 2 « relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

Olivier Lasmoles et Caroline Diard

Olivier Lasmoles et Caroline Diard

Olivier Lasmoles, Enseignant-chercheur en droit, École de Management de Normandie et Caroline Diard, Enseignant-Chercheur en Management des Ressources Humaines, École de Management de Normandie

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Depuis plusieurs mois, les compagnies d’assurance proposant des contrats d’assurance-vie en Euro ont revu les modalités de fonctionnement de ces types de contrat. Elles ont d’ailleurs informé leurs partenaires dans ce sens (courtiers, gestionnaires de patrimoine). Les nouveaux adhérents voulant souscrire un contrat d’assurance-vie sur un fonds en Euro ne le peuvent qu’à hauteur de 70 % du capital investi ; les 30 % restant devant l’être en unités de compte, donc sur des placements à risque. Ceci s’explique par un souci de palier la chute progressive des taux d’intérêt. Il s’agit d’un choix fait par les compagnies d’assurance ; choix dont les nouveaux adhérents auront connaissance lors de la signature du contrat. Mais qu’en est-il des anciens adhérents ?

Des pratiques contestables

Prenons l’exemple, purement hypothétique, d’un adhérent ayant souscrit il y a plusieurs années à un fonds en Euro. Il souhaite effectuer un versement via le site Internet de la compagnie. Tout se passe normalement jusqu’à l’appel téléphonique d’un conseiller de ladite compagnie qui lui explique que, dorénavant, 30 % des sommes versées devront l’être en unités de compte. Il s’en étonne, son contrat n’ayant jamais mentionné cette obligation. En outre, il n’a jamais reçu d’avenant modifiant les clauses contractuelles. Le conseiller lui rétorque qu’il a reçu des directives mais qu’il ne faut pas s’inquiéter car un avenant lui parviendra sous peu. Ce qui ne sera jamais le cas.

Ces pratiques mises en œuvre le sont au mépris du droit des obligations élémentaire. L’article 1104 du Code civil dispose en effet que

« les conventions formées tiennent lieu de loi à celles qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Cela signifie que toute modification du contrat par la compagnie d’assurance doit être agréée par l’assuré et, ce, expressément. Un silence de sa part n’aura pas valeur d’acceptation. Cela vaut également pour les mutuelles : article R 322-65 al. 1er :

« L’assemblée générale délibérant comme il est dit ci-après peut modifier les statuts dans toutes leurs dispositions. Elle ne peut, toutefois, ni changer la nationalité de la société, ni réduire ses engagements, ni augmenter les engagements des sociétaires résultant des contrats en cours ».

Ce type de pratique, déjà ancienne, risque dont de faire exploser le nombre de contentieux de la part des épargnants qui n’accepteront pas cette nouvelle politique.

Les parlementaires se sont également penchés sur la question de la baisse des taux d’intérêt et de ses répercussions sur les compagnies d’assurance.

Des parlementaires soucieux des épargnants ?

L’Assemblée nationale a adopté définitivement le 8 novembre dernier, en catimini, la Loi Sapin 2 « relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

L’article 49 de cette loi concerne les contrats d’assurance-vie et accroît les prérogatives du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) en lui donnant le pouvoir, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, de bloquer en partie les mouvements dans les assurances-vie, qu’elles soient en euros ou en unités de compte, en cas de « menace grave et caractérisée » du système financier pour une durée maximale de six mois. Sans toutefois apporter plus de précisions, là encore, sur le nombre de renouvellements autorisés, ni sur les montants en jeu.

Cet article 49 porterait atteinte aux contrats en cours. Cela pose la question la pérennité du droit de la propriété et modifie unilatéralement des contrats signés. La bagatelle de 52 Millions de comptes sont concernés.

Le 15 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a été saisi par 60 sénateurs et 60 députés Les Républicains et devrait trancher d’ici le 15 décembre. Cette saisine porte sur la constitutionnalité de 13 articles de la loi. Cette saisine nous intrigue car elle succède de près aux courriers reçus par les gestionnaires de patrimoine, et aux appels téléphoniques aux assurés dès septembre.

La volonté commune des assureurs et du gouvernement semble donc avoir été de protéger les épargnants. En effet, la perspective de taux d’intérêt négatifs obligerait les assureurs à puiser dans leur réserve obligatoire et à les fragiliser. Les nouveaux investissements, imposés en unités de compte, sont donc censés garantir le capital des fonds versés en euros.

Gageons que ces initiatives ne provoquent pas sans le vouloir la fuite des gros épargnants vers des paradis fiscaux et pour les épargnants plus modestes, un retrait massif des avoirs. Une panique généralisée est à craindre ! Ce serait dommage d’avoir provoqué (par des pratiques juridiquement contestables), l’inverse de ce qui était souhaité.

Attendons l’analyse du Conseil constitutionnel et son éventuelle censure.

The Conversation

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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