Einstein intouchable ? Cette nouvelle théorie de la vitesse de la lumière qui pourrait révolutionner la science<!-- --> | Atlantico.fr
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La théorie de la relativité d'Albert Einstein a 100 ans. Et beaucoup essayent de la prendre en défaut...
La théorie de la relativité d'Albert Einstein a 100 ans. Et beaucoup essayent de la prendre en défaut...
©AFP

Eurêka ?

La constance de la vitesse de la lumière pourrait bientôt faire l'objet d'une réévaluation. Joao Magueijo, chercheur de l'Imperial College de Londres, a proposé une nouvelle théorie pour vérifier si la théorie émise par Albert Einstein peut être validée ou remise en cause. Toutefois, rien de nouveau : cela fait 100 ans que cette loi est remise en cause sans succès.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Joao Magueijo, un scientifique de l'Imperial College de Londres cherche à remettre en cause la théorie de la vitesse de la lumière énoncée par Albert Einstein il y a plus de 100 ans. Quel est le sens de sa démarche ? Quel "mystère" de la science cherche-t-il à résoudre ?  

Olivier S​anguyPour être plus précis, Joao Magueijo ne remet pas en cause la vitesse de la lumière dans l’Univers actuel. Son travail concerne une phase très particulière du Big Bang appelée inflation. Le Big Bang est l'une des conséquences des équations d’Einstein sur la cosmologie. Il est à noter que le grand savant lui-même n’est pas à l’origine de la théorie du Big Bang : il avait même introduit la constante cosmologique dans ses équations afin qu’il n’y ait pas d'expansion de l’Univers et donc pas de Big Bang car il pensait que le Cosmos était statique ! Il a ensuite reconnu son erreur. Cependant, même le modèle du Big Bang garde des zones d’ombre. Ainsi, pour que l’édifice théorique tienne debout, on fait appel à ce qu’on appelle l’inflation qui veut que juste après le Big Bang (10 puissance -35 secondes après), l’Univers se soit étendu d’une façon considérable, inimaginable (d’un facteur 10 suivi de 26 zéros ! voire bien plus). Donc une expansion plus rapide que la vitesse de la lumière. Joao Magueijo a lui construit un modèle (et il travaille sur ce sujet depuis plusieurs années) où la vitesse de la lumière n’était pas la même au début de l’Univers. C’est une autre façon de résoudre certains des problèmes théoriques.

En quoi se démarque-t-elle des précédentes tentatives visant à vérifier la validité on non de la théorie d'Albert Einstein ? 

La théorie de la relativité a 100 ans. Et depuis un siècle, beaucoup ont essayé de la prendre en défaut. Cette démarche est tout à fait normale. Si la communauté scientifique suivait la théorie d’Einstein et le Big Bang comme s’ils s’agissaient de dogmes, ce ne serait plus une communauté scientifique ! Mais jusqu’à maintenant, l’édifice de la relativité reste confirmé. On notera que remettre en cause la relativité ne veut pas forcément dire tout balayer. Les équations de la gravitation de Newton restent par exemple parfaitement pertinentes, mais dès qu’on atteint certaines vitesses, il faut passer à la relativité. En revanche, il est vrai qu’une remise en cause profonde de la relativité pourrait avoir un effet domino et obliger à refondre de nombreux modèles tant les équations d’Einstein sont "fondatrices" pour ainsi dire. C’est ainsi que la science avance, en ne prenant jamais rien pour acquis définitivement. La démarche de Magueijo se distingue par son angle très précis et qui concerne l’inflation avec son idée de vitesse de la lumière qui n’est pas constante et qui fut plus rapide lors du Big Bang.

Si Joao Magueijo arrive à prouver que la vitesse de la lumière n'est pas constante contrairement à ce qu'a montré Albert Einstein, quelles en seraient les conséquences ? 

Dans le cas précis des travaux de Magueijo, il postule que les photons (la lumière) se déplaçaient plus vite que la gravité au début de l’Univers. Si tel fut le cas, cela pourrait être une indication de validité de certains modèles de gravitation quantique. Or, à l’heure actuelle, il n’existe pas d’approche satisfaisante de la gravitation quantique. Ce serait une véritable révolution pourtant. Pour simplifier, la théorie de la relativité décrit la gravitation comme une courbure de l’espace-temps proportionnelle à la masse d’un corps. De l’autre, la physique quantique "voit" (comprenez qu’il s’agit de formalisme mathématique) des particules dites de médiation (les quanta, d’où quantique) pour chaque force à l’oeuvre dans l’Univers. Ces deux approches triomphent chacune dans leur domaine respectif (classiquement l’infiniment grand pour la relativité et l’infiniment petit, les particules, pour la physique quantique), mais sont inconciliables dès qu’il s’agit de gravitation. On a donc deux approches régulièrement testées et validées par des expériences qui pourtant se contredisent, ou plus exactement semblent se contredire tant qu’on n’aura pas trouvé la solution… Voilà l’enjeu.

Le plus fascinant est que Magueijo avance que son modèle pourrait être confirmé ou invalidé en analysant certaines des données du satellite Planck de l’Agence Spatiale Européenne. Celui-ci a en effet observé la lumière émise 380 000 ans après le Big Bang et elle contient des informations sur les conditions qui régnaient alors. En fouillant les données de Planck, on parviendra peut-être à déterminer si la lumière était alors plus rapide que la gravitation. Et d’ailleurs, peu importe le résultat, la science sera gagnante ! Si tel n’est pas le cas, on élimine des pistes théoriques et on sait donc un peu plus vers quelle direction aller pour faire avancer la cosmologie. Si tel est le cas, on valide par l’observation une nouvelle approche. Ce sera un peu comme savoir quelle route prendre à un croisement.

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