L'effet Facebook sur les élections est-il réel ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
L'effet Facebook sur les élections est-il réel ?
©

Mark Zuckerberg, c’est plus fort que toi

A Hong Kong, les électeurs ont choisi lors des élections de septembre de s'informer via leur fil d'actualité sur Facebook, au détriment des médias locaux. Le réseau social tend à prendre plus de place dans le paysage médiatique lors d'événements particuliers comme les élections. Les télévisions sont de plus en plus désertées.

Raul  Magni Berton

Raul Magni Berton

Raul Magni Berton est professeur de sciences politiques. Il a enseigné à Paris, Montréal et Bordeaux et enseigne depuis 2009 à l’Institut d’Études politiques de Grenoble. Spécialiste de politique comparée, il travaille sur les régimes, les élections et l’opinion publique, surtout dans les pays européens. Il a publié plusieurs livres et articles dont Démocraties libérales (Economica, 2012) et Que pensent les penseurs ? (PUG, 2015).

Voir la bio »

Atlantico : Alors que Hong Kong votait pour renouveler son conseil législatif en septembre dernier, Facebook enregistrait des audiences bien supérieures aux médias traditionnels concernant les contenus politiques. Si certains sites d'information attiraient 30 000 lecteurs, les contenus sur Facebook étaient lus plusieurs centaines de milliers de fois au point que certaines chaînes d'info présentes sur le réseau social comme RTHK ou encore la BBC locale diffusaient leurs émissions directement sur Facebook, sans mettre de liens vers leurs propres sites Internet. Comment expliquer cette désertion des médias traditionnels ? Et quels effets cela a-t-il pu avoir sur le résultat des élections ?

Raul Magni-Berton : Internet, et plus particulièrement Facebook, devient une chaîne politique privilégiée par les citoyens quand la méfiance vis-à-vis des médias traditionnels est très forte. Généralement, cela arrive quand les médias sont contrôlés par l'Etat, ou qu'il n'y a pas assez de concurrence entre eux, ou qu'ils sont dans les mains d'un petit nombre de grands groupes économiques. Dans les pays d'Afrique du nord, Facebook est très utilisé pour transmettre des contenus politiques et, de la même manière, lorsqu'en Italie Berlusconi avait la mainmise sur la quasi-totalité de la presse et la télévision, les recherches politiques sur Internet se sont multipliées. Aussi, en Espagne, à la suite de l'attentat de 2004, et face au faible nombre d'informations transmises par le gouvernement, le trafic sur Internet s'est multiplié par sept. Le mécanisme est toujours le même : tout est déclenché par une situation où il y a de bonnes raisons de penser que les médias classiques ne donnent pas l'information correcte. Pour cette raison, on observe dans plusieurs pays que la fréquentation régulière d'Internet est associée à une compétence politique plus grande, mais aussi à une attitude plus critique vis-à-vis des médias et, plus généralement, des pouvoirs en place.

Les contenus partagés sur Facebook sont-ils différents de ceux des médias traditionnels ? Le fait que les algorithmes du réseau social accordent une prime de visibilité aux contenus viraux notamment peut-il biaiser la réalité d'une campagne et de ses candidats ?

Lorsque la situation concernant la liberté de la presse est à peu près bonne, les contenus véhiculés par Internet reflètent ceux des médias traditionnels. Dans les études sur la campagne présidentielle de 2012, par exemple, il a été plusieurs fois remarqué que les contenus politiques les plus consultés sur Internet n'étaient pas indépendants des nouvelles diffusées par les grands médias. En revanche, c'est quand il y a un problème de liberté de la presse que les contenus diffèrent, parfois radicalement. 

Dans le cas où ils diffèrent, il y a effectivement une crainte diffuse que les contenus qui circulent sur Internet produisent de la mauvaise information ou, par exemple, des théories du complot. Mais pour le moment, aucune étude empirique ne confirme cette idée et, au contraire, les gens qui suivent l'information sur Internet s'avèrent plus compétents et informés que les autres. Je dirais donc que c'est plutôt en suivant uniquement les médias classiques que la réalité peut être biaisée. 

Peut-on imaginer, à quelques mois de l'élection présidentielle, que ce phénomène de désertion de la part des électeurs ait un effet en France ? 

Comme je le disais plus haut, pour le moment, il n'y a pas en France un écart significatif entre les contenus consultés sur Internet et l'information que transmettent les médias traditionnels. Du moins, en 2012, l'écart était négligeable. Entretemps, il n'y a pas eu de grands changements sur la situation de la presse, donc il n'y a pas de quoi s'attendre à de grands bouleversements de ce côté-là.

Néanmoins, il faut savoir qu'en France, comme dans d'autres pays de langue non-anglaise, la presse est en difficulté. A cause d'Internet, les journaux vendent moins et moins de personnes payent la redevance télé. Cela conduit les médias à vivre de moins en moins sur les revenus de leurs ventes, et de plus en plus sur les publicités ou les subventions. Cela signifie que la tendance est à une perte progressive d'indépendance des médias, donc une moins forte fiabilité. Ce qui, à son tour, va renforcer la recherche d'informations sur Internet. Mais, pour le moment, ce processus reste lent.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !