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Copwatch : pourquoi la (nouvelle) suppression du site ne règle (toujours) pas la question
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Victoire à la Pyrrhus

Le tribunal de grande instance de Paris a ordonné mardi le blocage du site Copwatch, collectif qui au nom de « la transparence et l’information contre les violences policières » diffuse des informations personnelles sur des membres des forces de l’ordre. Une victoire en demi-teinte, le tribunal ayant jugé irrecevable la demande de blocage des sites miroirs qui pourraient servir de relai à Copwatch.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Lors du premier Acte, Claude Guéant avait réussi à obtenir du juge une ordonnance de référé en date du 14 octobre 2011, enjoignant aux fournisseurs d’accès à internet (FAI), le blocage de l’accès au site internet Copwatch.

Pour mémoire, ce site Internet faisait état des « violences policières ». Selon les syndicats policiers et le ministère de l’intérieur, ledit site constituait potentiellement un trouble voire une menace en ce qu’il divulguait les identités, adresses et photographies de nombreux fonctionnaires de police.

Néanmoins, non seulement le site internet Copwatch a resurgi sur le net à une nouvelle adresse, mais le lien URL menant au site interdit a été relayé par de nombreux hébergeurs créant ce qu’on nomme un « effet Streisand » qui n'a fait qu'accroître son audience.

En réaction, le ministre de l’Intérieur a une nouvelle fois saisi les tribunaux, avec pour objectif de bloquer l’accès au nouveau site « officiel » Copwatch mais également d’interdire tous les sites miroirs.

Les mêmes faits entraînant les mêmes effets, le Tribunal a logiquement ordonné en date du 10 février 2012, le blocage du nouveau site Copwatch, copie conforme du précédent.

A ce titre, l’action dirigée à l’encontre des fournisseurs d’accès à Internet fut d’abord déclarée recevable car ni le directeur de la publication, ni l’éditeur ou l’hébergeur du site n’ont pu être identifiés. En outre, le Tribunal a confirmé que le site contenait des propos diffamatoires, portait atteinte au droit à l’image des policiers et divulguait des données à caractère personnel sans autorisation de leurs titulaires. En conséquence, à l’instar de la décision d’octobre dernier, le TGI de Paris a ordonné aux FAI le blocage du site Copwatch II par tous les moyens possible et pendant une durée de six mois.

En revanche, le TGI de Paris a fait échec aux prétentions du ministre de l’intérieur relatives au blocage de 34 autres sites, miroirs du premier. En effet, le tribunal a considéré que cette demande était contraire au principe de subsidiarité prévu à l’article 6.I.8 de la LCEN. Cette disposition circonscrit la mise en cause des fournisseurs d’accès à internet à l’hypothèse où il est impossible de poursuivre directement l’hébergeur ou l’éditeur du site. Or, en l’espèce le demandeur ne justifiait pas avoir au préalable tout mis en œuvre pour identifier et mettre en demeure ces derniers.

Par ailleurs, la demande de blocage des futurs sites miroirs qui pourraient être mis en ligne, a été jugée irrecevable, toujours en application du principe de subsidiarité mais également au visa de l’article 31 du code de la procédure civile qui oblige tout demandeur à l’action, à justifier d’un intérêt à agir "né et actuel".

Enfin, le Tribunal considère que les FAI, qui ne sont en rien responsables des infractions commises et qui prêtent leur concours au respect de la loi, n’ont pas à supporter les frais d’une mesure justifiée par l’intérêt général. A cet égard, le Tribunal souligne que « s’agissant des coûts de blocage, la législation en la matière ne consacre pas de mécanisme d’indemnisation » et se fonde ainsi sur le principe de l’égalité devant les charges publiques pour contraindre le ministère de l’intérieur à rembourser aux FAI les frais engagés pour le blocage de l’accès au site.

Cette formule fait, pour ma part, directement écho à la récente promulgation du décret n°2011-2122 en date du 30 décembre 2011. En effet, ce décret dispose à ce titre de la possibilité d’enjoindre aux FAI le blocage d’un site par le système des noms de domaine (DNS) et met en place une procédure d’indemnisation régie par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Néanmoins le champ d’application de ce décret est limité aux jeux de hasard et de pari en ligne qui ne sont pas agréés par le gouvernement. Il semble par conséquent que ce soit un signal fort adressé par les magistrats au législateur dans l’espoir que le décret soit élargi à d’autres matières, telles les actions en diffamation, la violation des données personnelles ou les atteintes à la vie privée.

Dans l’attente d’une éventuelle évolution législative, il y a tout lieu de penser que cette affaire connaîtra un troisième Acte, où le gouvernement s’attaquera directement aux hébergeurs des sites miroirs, par le biais de mises en demeure les sommant de retirer les liens litigieux. A défaut de résultat probant, le Ministre de l’Intérieur sera contraint de retourner devant les tribunaux.

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