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Alain Juppé, savez-vous vraiment ce que le mot "traditionaliste" veut dire ?
©Christophe ARCHAMBAULT / POOL / AFP

Au pape de trancher

C'est ainsi qu'il a qualifié François Fillon. Une façon de faire de son adversaire un pilier de sacrifié.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Nous voilà revenus au bon vieux temps des guerres de religions. Et à lire attentivement les propos de l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, la Saint-Barthélémy est proche (à cette différence que cette fois-ci, c'est Fillon qui se fera égorger au lieu de l'amiral de Coligny). Alain Juppé y va très fort dans le but de rassembler le dernier carré vieillissant et chevrotant des laïcards de gauche. Contre Fillon, il instruit un procès où l'accusé est habillé de la chasuble maudite des réactionnaires les plus conservateurs.

Donc Fillon est "traditionaliste". Ce qui renvoie aussitôt à Saint-Nicolas-du-Chardonnet avec ses adolescents boutonneux en blazer et ces dames en loden. Plus réac, plus ringard que ça, il n'y a pas ! Et il faut bien sûr y voir un appel à la mobilisation des partisans du Mariage pour tous. Fillon – c'est toujours Juppé qui parle – aurait des positions rétrogrades et ambigües sur l'avortement, sur les droits des femmes et serait passablement (ce n'est pas dit mais susurré) homophobe. Comment, oui comment, la France pourrait-elle être gouvernée par un homme qui fera toujours passer sa fonction de chanoine de Latran avant celle de président de la République ? Peut-être même veut-il exercer de violentes pressions sur l'épiscopat français pour qu'on revienne à la messe en latin ?Sur le tableau dessiné par Juppé, on voit bien l'horizon qui se profile avec un Fillon qui s'évertuerait à refaire de la France la fille aimée de l'Église.

Au point où en sont les choses, et comme elles vont aller crescendo, on imagine bien Juppé, homme d'une belle culture historique, relisant pour s'en inspirer les discours du petit père Combes à la grande époque des combats contre l'Église catholique. On le voit très bien, criant, comme son grand ancêtre républicain et anticlérical, "à bas la calotte !". Ou mieux encore, qualifiant les curés de "corbeaux" et lançant "crôa crôa !" sur leur passage. Ne rêvons pas : le maire de Bordeaux n'ira pas, hélas, jusque-là. Hélas, parce que ce serait tout de même prodigieusement amusant. Hélas, parce qu'Alain Juppé nous ramènerait, pour le bonheur de tous, plus d'un siècle en arrière quand tout était si simple. Ce qui – merci de n'y voir qu'un constat et non pas je ne sais quelle méchante polémique – serait un comble pour un homme champion de la modernité face au "ringard" Fillon.

Alain Juppé a fait l'ENA, une prestigieuse école où l'on désapprend, entre autres, à parler et à écrire en français. C'est pour ça qu'on lui pardonnera de ne pas bien comprendre le sens du mot "traditionaliste". En revanche, un autre mot doit lui être plus familier : "fondamentaliste". Il concerne une tout autre religion que celle professée par Fillon et, peut-être aussi, par Alain Juppé.

Il s'agit de l'islam, pour lequel le maire de Bordeaux a d'infinies compréhensions grâce à son amitié avec un imam très bon genre. Ça lui a valu des quolibets de quelques identitaires qui l'ont accueilli lors d'une conférence avec une banderole "Ali Juppé, grand mufti de Bordeaux". Juppé a riposté avec humour : "Quand j'étais petit, je rêvais d'être pape : me voilà grand mufti". Le pape, parlons-en. Le maire de Bordeaux s'est revendiqué de lui en évoquant sa proximité avec son discours, alors que Fillon, etc… Et là nous abordons un domaine bien trop délicat pour trancher. Il parait donc nécessaire que le Souverain pontife convoque un concile pour décider lequel des deux hommes sera en odeur de sainteté au Vatican.

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