Au secours, la gauche anti-austérité revient face à une droite qui ne voit pas qu’une troisième voie existe<!-- --> | Atlantico.fr
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Le summum du pire est atteint en toute décontraction quand ceux qui se présentent comme sérieux, bons pères de famille et bons comptables de l’argent public, affirment que la France est ruinée alors qu’au même moment, elle emprunte sur les marchés à 0 %.
Le summum du pire est atteint en toute décontraction quand ceux qui se présentent comme sérieux, bons pères de famille et bons comptables de l’argent public, affirment que la France est ruinée alors qu’au même moment, elle emprunte sur les marchés à 0 %.
©wikipédia

Sauve qui peut !

Sur le sujet de l'austérité, ni la droite et ni la gauche françaises n'ont saisi les véritables enjeux et les dangers des politiques menées jusqu'à présent.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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En macroéconomie, première année, on apprend qu’il faut s’adapter aux circonstances, aux hommes, aux cycles. Si la situation est grave, comme en 2008-2009 par exemple, et qu’en plus votre banquier central se moque de vous et psalmodie pendant que l’économie se zombifie (il tarde à baisser les taux, il refuse le Quantitative Easing, il donne des leçons d’économie à la Grèce plutôt que de l’aider, bref), alors il faut impérativement agir budgétairement, et peu importe au fond si la qualité de la dépense publique est douteuse (comme en France), si les baisses d’impôt sont en partie épargnées, si les dépenses supplémentaires sont financées avec des impôts distordants, si tout cela risque d’être mal calibré et irréversible et un jour pro-cyclique : il faut bien envoyer un message aux agents économiques, ne pas jouer de la lyre quand Rome brûle, et faire avec les derniers outils qui n’ont pas été transférés à Francfort.

A l’inverse, quand le cycle est plutôt clément, quand la masse monétaire progresse de 10% par an, comme à l’époque de Chirac, il faut faire un peu moins de bêtises budgétaires, défendre l’épargne nationale, envisager une réforme de l’Etat (pour voir comment ça fait d’agir pour le bien commun, pour une fois) et préparer des réserves pour les jours de pluie. Avec les politiciens français, par contre, on a souvent l’impression que le cycle économique n’existe pas, qu’il est figé, en stase cryogénique. Pile, je jette de l’huile sur le feu, face, j’aggrave le mal par des saignées, le tout en pleine bonne conscience. On raconte une histoire, bonne ou mauvaise, qui ensuite évolue en fonction du cycle politique (j’ai connu François Fillon moins favorable à l’austérité quand il était lieutenant de Philippe Seguin, par exemple), mais cette histoire ne change pas avec le cycle économique ou avec l’orientation très changeante des conditions monétaires : 2006 ou 2016, 1999 ou 2009, peu importe.

Le summum du pire est atteint en toute décontraction quand des gens qui se présentent comme sérieux, bons pères de famille et bons comptables de l’argent public, affirment que la France est "ruinée" alors qu’au même moment, elle emprunte sur les marchés à 0% : une situation où, objectivement et quand bien même cela nous embarrasse idéologiquement, il vaut mieux emprunter plus, surtout si on ne pense pas que cela va durer, comme Fillon… à moins, bien entendu, de penser que les nouvelles dépenses auront une utilité sociale négative, ce qui, avec un personnel politique d’une telle qualité, est fort peu réaliste.

Avec Trump, la porte est ouverte pour toutes les fenêtres budgétaires, c’est la dernière étape vers la japonisation. Au fond c’est idiot, avec une Fed qui, en réponse, va resserrer tous les boulons, avec un chômage à 5% (je ne dis pas que c’est le "plein emploi", loin de là, mais nous ne sommes plus en 2009). Mais c’est comme ça, la démocratie a parlé comme on dit. Etant donné que l’effet d’entrainement transatlantique est faible, ce n’est pas une raison pour activer des restrictions budgétaires en France, pays où la croissance fait 1% par an quand tout va bien et l’inflation moins que ça depuis trois ans.

Tout irait mieux si les principes archi-classiques suivants étaient mieux connus ou reconnus :

1/ L’impulsion budgétaire est toujours moins puissante que l’impulsion monétaire :

Friedman l’a dit avec éloquence pendant cinquante ans, et je ne vois rien dans les statistiques pour étayer le contraire. L’austérité budgétaire peut être expansionniste, comme en 2013 aux Etats-Unis du fait du QE3, et le laxisme budgétaire peut être contractionniste, comme dans le Japon des années 1990 (le nouveau policy-mix à la mode, un échec programmé). Le jour où on verra une détente budgétaire contrecarrer un durcissement monétaire, ou un durcissement budgétaire annihiler les effets d’une détente monétaire, ce jour là je vote Trump.  

2/ Dans un monde occidental plein de Notre-Dame-des-Landes, et plein de syndrome NYMBY, il ne faut pas s’illusionner sur la rapidité et l’efficacité des programmes d’infrastructures physiques. 

3/ Les banquiers centraux sont des filous, prêts à défendre n’importe quoi pourvu que cela diffracte le blâme et que cela assure leur indépendance.

Pendant des années, la Bce a dit de faire des restrictions budgétaires en pleine crise (et a même mis le couteau sous la gorge aux pays les plus fragiles qui faisaient mine de tenter une rébellion contre cette absurdité). Depuis quelques temps, elle nous dit que ça va mieux mais… que certains pays sont autorisés et incités à dépenser plus. Comprenne qui pourra.

Enchainée par l’euro et dominée par la Bce, la France est condamnée à mener des politiques budgétaires asymétriques, accommodantes, voire laxistes, sur le cycle, parce qu’on peut être à peu près certain que le coût de la politique monétaire "one size fits all" doit être compensé ; c’est sous-optimal, mais l’alternative est pire. Le bourgeois de droite, qui vote Fillon avec les meilleures intentions (mettre des adultes responsables aux commandes des comptes publics, ce qui n’est pratiquement jamais arrivé depuis 1981), se retrouve paradoxalement dans le mauvais camp depuis 2008 : peut-être parce qu’il est assez protégé, ou peut-être en raison de son âge, ou peut-être parce qu’il n’a pas lu Blinder et Nordhaus et tant d’autres, il se fait involontairement le complice des pires diversionnistes de Francfort. Et, à force de policy-mix défectueux, la dette publique (cette dette publique qu’il a bien raison de craindre car ses enfants devront la porter), monte, monte, monte, plus sûrement encore que le vote populiste.   

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