Cette étude qui nous apprend comment les jeux vidéo entraînent notre cerveau à justifier le meurtre<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour certains des massacres médiatisés comme Columbine, celui de l'Université de Technologie de Virginie, ou d'Erfurt, le tireur, un jeune adulte a utilisé les jeux vidéo comme un espace d'entrainement.
Pour certains des massacres médiatisés comme Columbine, celui de l'Université de Technologie de Virginie, ou d'Erfurt, le tireur, un jeune adulte a utilisé les jeux vidéo comme un espace d'entrainement.
©Reuters

A mort !

Une étude réalisée par des chercheurs de l'Université du Queensland en Australie a montré que certains jeux vidéos de plus en plus réalistes dans les situations de violence auraient un impact sur le cerveau des joueurs et notamment sur la façon dont ils justifient les crimes.

Michael Stora

Michael Stora

Michael Stora est l'auteur de "Réseaux (a)sociaux ! Découvrez le côté obscur des algorithmes" (2021) aux éditions Larousse. 

Il est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel.

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Atlantico : D'après une étude menée par l'Université du Queensland en Australie, certains jeux vidéos de plus en plus réalistes dans les situations de violence auraient un impact sur le cerveau des joueurs et notamment leur justification du crime. En effet, les personnes étudiées ne ressentaient pas plus de culpabilité à "tuer" un civil innocent qu'un soldat ennemi. Quels enseignements doit-on tirer de ce constat selon vous ?

Michael StoraLe joueur doit développer de l'empathie, un sentiment de culpabilité face à une situation de sadisme. Dans le jeu vidéo, on se retrouve confronté de façon virtuelle à ce sadisme qui existe en nous. Un bon jeu dresse des barrières afin qu'il ne soit pas possible de faire n'importe quoi. Une étude sur l'impunité a été réalisée à propos des jeux vidéo : elle démontrait qu'un jeu où il y a une totale impunité n'est pas un bon jeu selon les joueurs sondés. Les joueurs aiment être confrontés à une résistance. Dans les jeux vidéo de gangsters, le joueur est confronté à la police qui arrête le personnage en cas de crime. Dans le jeu Fable par exemple, la violence gratuite est possible, mais une limite a été posée par les développeurs : les passants peuvent se retourner contre le joueur, le battre et le mettre en prison.

Le fait est que les voyous, les personnes violentes, expriment leurs pulsions de violence à travers les jeux vidéo. Si l'être humain déploie ses pulsions à travers le jeu, il sera moins sujet à de la violence dans la vraie vie. En France, on compte environ 35 millions de joueurs et aucun d'eux ne s'est retrouvé en position de commettre un acte violent. Les rares joueurs qui ont commis des meurtres n'ont pas eu de limites, de lois pour les empêcher de passer à l'acte. 

Quels sont les facteurs explicatifs de cette corrélation entre pratique de jeux vidéo violents et perception déformée de la justification d'un crime ? Cette "dérive" dépend-elle des jeux vidéos pratiqués, de l'intensité et la durée de la pratique, du contexte dans lequel l'utilisateur s'adonne à ce passe-temps, etc. ?

Le premier à évoquer cette thèse est le colonel Dave Grossman de l'armée américaine,dans les années 1995-1996. L'être humain reproduirait dans le monde réel la violence du monde virtuel. Pour certains des massacres médiatisés comme Columbine, celui de l'Université de Technologie de Virginie, ou d'Erfurt, le tireur, un jeune adulte a utilisé les jeux vidéo comme un espace d'entrainement. Mais systématiquement, ces assassins ont retourné leur arme contre eux-mêmes. Ils étaient dans un état de paranoïa schizophrénique et avaient au préalable une pathologie psychiatrique assez lourde.

Dans un autre genre, à une époque, le livre Les Trois Mousquetaires a été interdit par les autorités publiques. Elles redoutaient que les jeunes gens ne se livrent à des situations de duels comme dans le livre. Cela fait bien longtemps que l'on craint que les œuvres de fiction ne soient synonymes de passage à l'acte. Il faut évidemment mener une réflexion sur le phénomène d'identification aux avatars. L'être humain doit développer une capacité à jouer, ce qui n'est pas le cas de jeunes qui sont très violents. Pour jouer, il faut savoir accéder au symbolique. On peut aider les enfants violents en leur apprenant à jouer.

Le contexte du joueur est très important : le contexte familial, socio-économique peut favoriser le passage à l'acte de certains jeunes. Certains jeux peuvent devenir des détonateurs de la violence.   

Les limites de ce qui est moral et éthique peuvent-elles disparaître chez les joueurs au point de les inciter à passer à des actes de violence dans le monde réel ? La digue entre le réel et le virtuel peut-elle céder à terme ?

Dans quelques cas rares, la violence est déjà présente. Les jeunes sont déjà confrontés à des symptômes paranoïaques. C'est là que les passages à l'acte très violents peuvent survenir. Le jeu n'est plus un jeu dans ces cas-là. Mais ce serait généraliser que de dire que le jeu entraine un passage à l'acte. 

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