La crise grecque vire-t-elle à une guerre larvée entre Berlin et Athènes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En Grèce, manifestations contre l'austérité devant le Parlement à Athènes.
En Grèce, manifestations contre l'austérité devant le Parlement à Athènes.
©Reuters

Je ne t'aime pas, moi non plus

En Grèce, la rue se soulève contre Angela Merkel et le "diktat" allemand, qui infligent une nouvelle cure de rigueur drastique au pays. De son côté, l'Allemagne est à bout de patience et a prévenu que la Grèce devait cesser d'être un "puits sans fond".

Officiellement, Berlin n'a pas manqué de saluer la "bonne volonté" de la Grèce, à la suite du vote par le parlement grec du nouveau programme d'austérité Le porte-parole d'Angela Merkel, n'a pas non plus oublié d'ajouter que, pour l'Allemagne, il ne s'agissait pas d'"économiser pour économiser", mais de "libérer les forces productives" grecques.

Reste que pour les Grecs, la pilule est - une nouvelle fois - difficile à avaler :  le plan d'austérité prévoit cette fois une baisse de 22 % du salaire minimum, et de 32 % pour les jeunes de moins de 25 ans. Le prix à payer pour obtenir le déblocage d'un programme d'aide de 130 milliards d'euros de l'UE et du FMI - le deuxième depuis 2010. La Grèce doit toucher cette somme avant le 20 mars pour pouvoir rembourser un emprunt d'Etat de 14,5 milliards d'euros.

Dans les rues d'Athènes, la population se soulève contre Angela Merkel et le "diktat" allemand. L'ingérence de Berlin dans la vie politique et économique nationale a fait ressurgir des "relents anti-allemands". Les critiques fusent de toutes parts contre les potions amères de cette "chancelière de fer". "Le peuple grec laisse éclater sa colère et s’en prend au plus sévère de ses médecins", résume Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l'Institut Thomas More

"Merkel = nazi"

Dans les cortèges protestant contre ce nouveau tour de vis budgétaire, l'Allemagne est devenue l'une des cibles privilégiées des slogans et des critiques des Grecs en colère. Une banderole affichant "Merkel = nazi" est devenue l'un des symboles favoris des manifestants. Tout comme le drapeau de l'Union européenne où les étoiles jaunes forment une croix gammée...

"Je ne sais pas s’il y a un réel sentiment anti-allemand structurel et centré. Ce qui est certain c’est que l’Allemagne sert de bouc-émissaire à une société grecque  qui en a ras le bol et sent bien que le plus gros des efforts se trouvent devant elle", poursuit Jean-Thomas Lesueur. "Il est logique que l’Allemagne, en tant que meilleure élève de la classe et chef de file de l’orthodoxie budgétaire, soit la principale cible des reproches et de l’amertume des grecs", ajoute-t-il.

De son côté, l'Allemagne est lasse de remplir un puits qui lui apparaît sans fond. Dimanche, quelques heures avant le vote du Parlement grec, Berlin a de nouveau fait monter la pression pour imposer sa volonté. Comme nombre de ses partenaires, elle juge que les engagements d'Athènes sont trop souvent restés lettre morte et réclame la mise en œuvre immédiate des nouvelles mesures d'austérité. 

"Les promesses de la Grèce ne sont plus suffisantes à nos yeux", a prévenu Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand."Il est important de dire qu'elle ne peut être un puits sans fond. C'est pourquoi les Grecs vont finalement devoir obstruer ce puits. Alors, nous pourrons y mettre quelque chose. Au moins, les gens commencent maintenant à réaliser que cela ne marchera pas avec un puits sans fond."

Résultat : l'Allemagne apparaît comme le grand méchant loup venu voler les rares petits pots de beurre qui restaient à la Grèce. Or, "c’est ce que voulait éviter à tout prix l’Allemagne : ne pas apparaître comme le père fouettard de l’Europe, souligne Jean-Thomas Lesueur. C’est en partie pour cela qu’Angela Merkel est si attachée actuellement à donner des signes extérieurs de l’entente franco-allemande. L’Allemagne ne veut pas endosser seule le rôle du méchant.

Et le ressentiment envers ce voisin européen trop sévère ne date pas d'hier. Déjà en juin dernier, le quotidien allemand Die Welt expliquait : "Plutôt que de chercher des solutions, les opposants au plan de rigueur cherchent des boucs émissaires. Le peuple a besoin d'un sacrifié, et n'en avait jusque-là pas trouvé. Aujourd'hui, les méchants, les responsables, ce sont les Allemands. “Allemagne, sors de l'UE!”, scande-t-on, quand ce n'est pas ce slogan prononcé directement en allemand “Kommt, holt es euch!” – “Venez le chercher vous-mêmes !” Sous-entendu, “l'argent que l'on vous doit”."

La nomination en novembre d'un Allemand, Horst Reuchenbach, pour conduire la task-force de l'Union européenne, avait suscité de vives réactions en Grèce. Horst Reuchenbach avait rapidement été surnommé "Third Reichenbach" dans la presse hellénique, où il a été dessiné en costume d'officier de la Wehrmacht et son bureau désigné comme "les nouveaux QG de la Gestapo".

Sur le site du Irish Daily Mail, l’éditorialiste Mary Ellen Synon a critiqué ce lundi avec virulence ce qu’elle nomme "un vilain petit jeu allemand" sur le dossier grec : "Les Allemands veulent voir jusqu’où ils peuvent pousser les Grecs avant que ces derniers ne sortent de l’euro. Laissant ainsi Mme Merkel pouvoir dire, plus chagrinée qu'en colère : "Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour aider, mais ils ont décidé de s’en aller." [...] Ce que veulent les Allemands, c’est la fin de la politique en Grèce. Il n’y aura alors plus qu'une politique à proposer quelle que soit la combinaison de partis que formera le soi-disant prochain gouvernement à Athènes : ce sera la politique de Berlin."

"Ce qui est certain c’est que l’Europe politique en prend encore un coup. Cela fait encore un petit peu plus reculer le sentiment européen", estime Jean-Thomas Lesueur.

Jean-Benoît Raynaud et Marie Slavicek

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