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Comment réussir son discours de candidat à l'élection présidentielle
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Séduction présidentielle

A l'approche de l'élection présidentielle Philippe-Joseph Salazar publie un livre sur "L'art de séduire en politique". En dix petites leçons, il explique comment les candidats peuvent convaincre leurs électeurs. Extraits (2/2).

Philippe-Joseph Salazar

Philippe-Joseph Salazar

Philosophe, ancien élève de la rue d'Ulm, Philippe-Joseph Salazar est titulaire d'une distinguished chair de rhétorique à l'université du Cap (Afrique du Sud) et enseigne cette discipline dans le monde entier.

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Comment cibler, comment ajuster le tir, comment « performer » en ciblé, bref, comment monter une performance interactive ? Je vais être, on me le pardonnera, didactique ; ceci est un jeu de guerre avec ses mouvements de troupe.

1. Toujours commencer par une déclaration d’ouverture, ce que les Américains nomment un opening statement : le « Travailler plus pour gagner plus » d’un Sarkozy en 2007, le « Pacte pour le jeunesse » d’un Hollande en 2012. Elle cadre, elle retient l’attention, elle formule ce qui devra rester dans la mémoire des gens. Bref, ne pas laisser aux journalistes ou aux interlocuteurs le soin de vous définir. Faites-le vous-mêmes. Donnez-leur les mots et les idées. Soyez abrupts et nets. Ne faites pas dans la dentelle de Malines.

2. Ne jamais accepter une question telle quelle, mais la reformuler immédiatement afin d’imposer vos mots clés et de mettre au premier plan vos sujets de focalisation. Comme Valérie Pécresse qui, interrogée au début de janvier 2012 sur la possibilité de la perte du triple A d’ici les élections, répondit que la vraie question était celle de la croissance sur le long terme.

3. Q = R + P. C’est la formule einsteinienne de performance oratoire, en rhétorique politique. Pour toute question (Q), vous répondez rapidement, en quelques mots (R) et vous ajoutez dans l’élan un point (P) qui vous tient à cœur et qui est un de vos sujets de focalisation – de sorte que, en fin de performance, vous êtes certains d’avoir couvert votre agenda de parole, quels qu’ont pu être les sujets abordés.

4. N’hésitez pas à suggérer des questions au cours de l’échange, ou à faire en sorte que votre équipe les suggère à l’avance en appâtant les interlocuteurs (du genre: « Elle a une révélation, elle n’est pas certaine de vouloir en parler, alors poussez-la un peu vers… » ; Vous serez surpris de voir à quel point ça marche), ou encore, si le contexte le permet, à planter les questions dans le public (c’est la technique dite du planting; jadis on avait des comparses, de nos jours il suffit de se servir des réseaux sociaux, et il y aura toujours quelqu’un pour relayer sur le vif ce que vous avez fait passer électroniquement sans qu’on sache que ça vient de votre équipe).

5. Si vous avez plusieurs journalistes ou passeurs d’information connus devant vous, nommez vos préférés, montrez vos préférences (de la personne ou du média qu’elle représente). C’est la technique de « distinction ». Qui distinguer ? Tout dépend des circonstances, mais vous aurez soin de distinguer ceux qui vous sont hostiles, en les flattant. La vanité est un émollient.

6. Si vous perdez pied, ne cherchez pas à jouer au plus fin : occupez le temps de parole. Allongez vos réponses en démultipliant Q = R + P + P + P + P… Comme l’horloge tourne, vous limiterez les dégâts et, si vous ne faites pas d’effet bœuf, au moins vous aurez réussi à caser vos sujets de focalisation et à réduire la casse.

La performance directive

Qu’ est-ce qu’un discours ? Une incarnation. Quand un candidat parle, il s’incarne. Il est seul, il parle. Il est là, il parle, il existe. L’existentialisme de la procédure est flagrant dans le tweet et le post : je m’exprime donc je suis, et je m’exprime sans intermédiaire qui filtre et s’interpose et interprète (au contraire de la performance type interview, conférence, «débat» radio). Je dirige la performance. Elle est directive. À propos, à quoi servent les spots publicitaires durant la campagne officielle, ces fastidieux mini - discours qui coûtent des sommes folles ? Simplement à être des discours en miniature. Spots télévisés, tweets, posts, etc. sont, avec des technologies différentes, des formes oratoires dérivées du discours. Ne vous laissez pas aveugler par les différences de supports techniques.

Comment donc exister par un discours ? En prenant garde au fait que, dans une campagne, selon les circonstances, on est appelé à parler une heure, vingt minutes, cinq minutes. La contrainte est d’horloge. Pour circonvenir cette contrainte et maintenir à niveau constant l’impact, l’effet qu’on doit obtenir sur l’électorat, tout en gardant l’œil sur le graphe à trois courbes cité plus haut et sur le timing (le premier déterminant l’intensité de ma campagne oratoire et le second son rythme d’ensemble), il faut, avec son équipe, isoler les « topos».

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Extrait de De l'art de séduire les indécisBourin Editeur (16 février 2012)

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