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Istanbul, Djakarta, Ouagadougou : l'ubiquité des attentats de Daesh sur toute la planète, signe de force ou fuite en avant pour surjouer sa puissance (et mieux cacher son affaiblissement) ?
©Reuters

Bonnes feuilles

"De la tuerie de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, à l'assassinat du père Hamel, le 26 juillet 2016, le terrorisme islamiste a causé la mort de 239 personnes en France. Et des listes de cibles incitent des "lions solitaires" à continuer le massacre. L'objectif de ces provocations meurtrières est de fracturer la société française par une guerre civile larvée dressant, au nom d'une religion dévoyée, un nouveau prolétariat d'enfants d'immigrés contre les classes moyennes". Extrait de "La fracture", de Gilles Kepel, aux éditions Gallimard 1/2

Gilles Kepel

Gilles Kepel

Gilles Kepel est politologue, spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain. Il est professeur à l'Institut d'études politiques de Paris et membre de l'Institut universitaire de France.

Il est l'auteur de Passion arabe : Journal 2011-2013, qui a reçu le Prix Pétrarque du meilleur essai de l'année, décerné par France Culture et le journal Le Monde. Plus récemment, Gilles Kepel a publié Terreur dans l'hexagone : Genèse du djihad français aux éditions Gallimard. Celui-ci vient d'être récompensé du prix de la Revue des Deux Mondes.

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— Après Istanbul et Djakarta, en Indonésie, un attentat a été perpétré à Ouagadougou, au Burkina Faso. L’ubiquité de Daech vous semble-t-elle être un signe de force ou de faiblesse ?

En apparence, c’est un signe de force puisque l’organisation terroriste djihadiste s’affiche sur toute la planète et donne le sentiment qu’elle frappe où elle veut, quand elle veut. Nous aurions pu ajouter à votre énumération cet adolescent kurde de quinze ans qui, le 11 janvier, en pleine rue à Marseille, a blessé avec une machette un homme portant une kippa, professeur dans une école juive. En réalité, la situation est plus complexe. Le terrorisme djihadiste, comme n’importe quelle autre forme de terrorisme, est doté d’une économie politique propre  : il faut non seulement qu’il terrorise ses adversaires, qu’il leur fasse mal, les sidère, les démoralise, mais qu’il permette de recruter des sympathisants. Qu’en est-­il à Djakarta, à Istanbul ou à Ouagadougou ? On a le sentiment que, pour Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique), Daech et tous ces mou‑ vements qui se réclament d’une même nébuleuse, il est primordial de commettre des attentats afin de démon‑ trer leur capacité de nuisance et, par cela, enrôler des combattants, pas nécessairement en grand nombre, mais suffisamment pour lancer de nouvelles attaques, dans l’espoir qu’un jour se produise le basculement des masses musulmanes en leur faveur.

Sur le terrain, en Irak et en Syrie, malgré les divi‑ sions au sein de la coalition, notamment entre l’Arabie saoudite et l’Iran, les frappes aériennes font la preuve d’une certaine efficacité, si bien que la zone contrô‑ lée par l’État islamique rétrécit. Le massacre perpé‑ tré à Istanbul s’est traduit par un renforcement de la pression turque sur les territoires du "califat". On a appris récemment par des fuites que les salaires versés par Daech aux gens qui travaillent pour lui ont été considérablement réduits. À Rakka, où sont concentrés tant de djihadistes français, les conditions d’existence deviennent de plus en plus difficiles. Daech empêche la diffusion de toute image de la vie dans les zones qu’il contrôle à l’exception de la propagande qu’il produit lui-­même. C’est pour cela, par exemple, que des opposants syriens au régime de Bachar el-­Assad, qui sont aussi des opposants virulents de Daech et avaient mis en ligne les exactions perpétrées sous le sigle "Raqqa se fait égorger en silence", ont été décapités dans les villes turques où ils s’étaient réfugiés. En ce sens, la multiplication des attentats donne le sentiment d’une fuite en avant. Il faut être présent, montrer que l’on peut tuer, mais est-­on réellement capable de mobiliser les masses ? Il est aujourd’hui permis d’en douter.

Extrait de "La fracture", de Gilles Kepel, publié aux éditions Gallimard, novembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

Editions Gallimard 2016

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