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S'allier ou pas, les communistes face au dilemme Mélenchon : et si une gauche radicale unie pouvait dépasser le PS en 2017 ?
©Reuters/Charles Platiau

Lutte finale

Malgré les désaccords qui les opposent, Pierre Laurent a annoncé son soutien à Jean-Luc Mélenchon pour 2017 ce vendredi. Dès le lendemain pourtant, les cadres du Pcf ont refusé ce ralliement, menaçant ainsi l'unité de l'extrême gauche même si cette option n'est pas encore à écarter.

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy est directeur du département politique & opinion d'Harris Interactive.

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Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico: Ce samedi, la conférence nationale du Pcf a refusé le ralliement à Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle de 2017 (274 voix contre, 218 pour), alors que la veille, le Secrétaire général du parti, Pierre Laurent, lui accordait son soutien. Pourrait-on assister à une scission au sein du Pcf?

Sylvain Boulouque: Cela renvoie à l’état de division dans lequel est le parti dans la mesure où au précédent suffrage interne au Pcf, la direction n’avait plus qu’une majorité relative. Ensuite, les cadres qui désavouent la direction du parti, c’est presque une première dans l’histoire du parti. Cela pose la question de savoir qui constitue la direction du Pcf aujourd’hui. Pour partie, ce sont des élus qui sont plutôt dans une optique d’alliance avec le PS. Ils privilégient donc les habitudes historiques d’un accord avec le PS et espèrent que la primaire du Parti socialiste désignera un candidat compatible pour les communistes, à l’instar d’Arnaud Montebourg. De l’autre côté de la direction, ils sont plutôt favorables à une alliance avec Jean-Luc Mélenchon. On pourrait même assister à la scission du Pcf, une partie suivant Mélenchon, et l’autre le PS. Toutefois, tant que la base –plutôt favorable à Mélenchon– n’aura pas décidé, on ne peut pas savoir ce qui adviendra. 

Jean-Daniel Lévy: Il est possible que l’on assiste à des départs, notamment vers le Front de gauche –et ce ne serait pas la première fois qu’il y en aurait. Si l’on considère un certain nombre de maires de la première couronne de l’agglomération parisienne, on retrouve des communistes qui ont quitté le Pcf sans pour autant construire une autre formation ; ou bien, dans le cas où ils ont décidé de rester au Pcf, ils restent assez critiques et peu impliqués en tant que tel. Une véritable scission au sein du Pcf est donc peu probable. 

A lire également sur notre site: "Alexis Corbière: Pourquoi le PS s'en prend-il grossièrement à Jean-Luc Mélenchon alors que les principaux carburants du FN sont François Hollande et la politique socialiste?"

Quelles sont les chances pour que les 50 000 adhérents du Pcf appelés à se prononcer sur ce ralliement lors du scrutin du 24 au 26 novembre se prononcent en faveur de celui-ci?

Sylvain Boulouque: Je pense que la base est plus radicale que les dirigeants. Ceci dit, au Pcf, ils sont légitimistes, ce qui signifie qu’ils risquent de suivre la direction. Toutefois, d’après ce que l’on a vu au cours de la précédente campagne, c’était quand même l’appareil du Pcf qui avait fait la campagne de Mélenchon. Je pense que donc la base militante du parti voudra suivre Mélenchon même si je n’en suis pas sûr.

Dans quelle mesure ce refus de ralliement à Jean-Luc Mélenchon pourrait constituer un handicap pour ce dernier en vue de 2017, et plus largement pour l'unité de l’extrême gauche ? 

Jean-Daniel Lévy: Dans ce cas, il ne disposerait pas des signatures de maires communistes, engendrant ainsi véritablement un doute quant à la possibilité qu’il puisse avoir de se présenter. Il a besoin des signatures de maires et de grands élus communistes pour cela. Face à la dynamique d’effondrement du PS, le risque de ce scénario pour Mélenchon est qu’il soit moins fédérateur d’une orientation claire en sa faveur. On pourrait également être dans la situation où une partie du mouvement communiste fasse pression pour qu’il puisse y avoir une candidature Montebourg au détriment de celle de François Hollande, et donc de Jean-Luc Mélenchon.

Dans le cas d’une gauche de la gauche éclatée, cela obère les chances de Mélenchon de dépasser le candidat PS lors du scrutin. Cela ne dépend pas que des formations d’extrême gauche, mais également du PS. 

Sylvain Boulouque: Si le Pcf ne suit pas Mélenchon, cela signifie que ce dernier ne disposera pas d’un appareil militant derrière lui. Il n’aura donc pas les mêmes capacités de mobilisation que celles de 2012. Sans ce vivier militant, la campagne risque d’être plus difficile à mener. En même temps, Jean-Luc Mélenchon dispose d’une telle aura médiatique qu’il n’a finalement, peut-être, plus besoin de ce vivier militant. Néanmoins, il reste la question des 500 parrainages – et qui auraient dû venir de l’appareil du Pcf– dans la mesure où si Mélenchon ne les obtient pas, celui-ci ne pourra pas se présenter. 

La décision prise ce samedi par la Conférence nationale du Pcf pourrait-elle réjouir le PS ?

Sylvain Boulouque: Cela dépend pour qui au PS. Dans le cas où ce dernier choisit comme candidat pour la présidentielle François Hollande, il y a peu de chances pour que le Pcf le soutienne. En revanche, si le PS choisit Montebourg, dans ce cas le PS peut se réjouir car il aura le soutien du Pcf. Encore une fois, nous sommes dans l’expectative, et tout est suspendu à ce qui se passera au PS, même pour le Pcf.

Il convient de rappeler que Jean-Luc Mélenchon est parti en campagne très tôt, empêchant le Pcf d’attendre contrairement aux souhaits de la direction. Compte tenu de la situation, je soupçonne Pierre Laurent d’avoir accordé son soutien vendredi à Jean-Luc Mélenchon, tout en sachant qu’une partie des cadres du parti allait s’y opposer. Il l’a fait pour ne pas s’aliéner Mélenchon, pouvant ainsi, comme c’est le cas compte tenu de la décision de ce jour, rejeter la faute sur les cadres et les élus. Du coup, cela leur permet de repousser l’échéancier en attendant de voir comment les choses se décantent au PS. 

Malgré la décision de hier, Pierre Laurent n'est pas revenu sur son soutien à Jean-Luc Mélenchon, qui talonne d'ores et déjà François Hollande dans les sondages. Par ailleurs, la décision officielle et définitive du Pcf de se rallier ou non à Jean-Luc Mélenchon ne sera prise qu'à l'issue du vote des militants qui aura lieu du 24 au 26 octobre. L'hypothèse de voir émerger une alliance Pcf-France insoumise, re-créant donc un Front de Gauche, n'est donc pas encore à écarter. Dans le cas où cette alliance aurait effectivement lieu, quelles seraient ses chances de passer devant le PS à la présidentielle? L'extrême gauche est-elle en mesure de prendre sa revanche?

Jean-Daniel Lévy: Le scénario qui voudrait que la gauche de gouvernement soit battue par le rassemblement des gauches anti-austérité est tout à fait possible aujourd'hui. Ce serait d'ailleurs, à ce titre, une situation historique. Elle se rapproche de ce que nous avons vécu en 1969, bien sûr, mais n'en demeure pas moins un précédent, au moins en termes d'intentions de vote. La situation actuelle constitue donc un cas très particulier, électoralement parlant.

Rappelons également que ce scénario est crédible dans de multiples configurations électorales: que le candidat du Parti socialiste soit François Hollande, Manuel Valls ou Arnaud Montebourg ne suffit pas à exclure la possibilité d'un dépassement par Jean-Luc Mélenchon.

C'est, à mon sens, la résultante de différents aspects. D'abord, on constate que les électeurs issus de la gauche du Parti socialiste sont fortement mobilisés. Ils ont, dans leur grande majorité (94%), une assez bonne image de Jean-Luc Mélenchon et pour beaucoup estiment de François Hollande qu'il n'est pas véritablement de gauche – ou au moins qu'il n'a pas mené une politique de gauche. En face, si les électeurs de François Hollande ne basculent pas réellement chez Jean-Luc Mélenchon, il apparaît très clairement qu'ils sont loin d'être satisfaits de la politique qu'a mené le président de la République tout du long de son quinquennat, mais également de la façon dont il a exercé cette présidence, dans la forme comme dans le fond. Un nombre important de ses électeurs pourraient donc se réfugier dans l'abstention.

La conséquence mécanique de ce rapport de force est simple: d'une part le président du Parti de gauche jouit d'une mobilisation conséquente, et d'autre part François Hollande souffre d'une réelle désaffection. Cette baisse pourrait, dans le contexte actuel, permettre à la gauche radicale d'emporter une forme de "match dans le match". Reste que nous sommes encore loin, très loin, du scrutin. 

Sylvain Boulouque: Sans faire de politique fiction, il apparaît très clairement que les Français sont, dans leur très forte majorité, fermement hostiles au président de la République. C'est également vrai au sein de l'électorat traditionnel socialiste et, par conséquent, une partie de celui-ci est susceptible de laisser François Hollande pour se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon qui incarne aujourd'hui l'une des oppositions de gauche au gouvernement parmi les plus crédible. On a donc un pan de l'électorat socialiste qui annonce dans le cadre de sondages d'intentions qu'ils iront voter pour le Front de Gauche.

Pour autant, rien ne dit que cela se traduira véritablement dans les urnes. Il est important de réaliser que, traditionnellement, l'électorat socialiste est très fortement légitimiste. On avait constaté le même genre de modèle, à une moindre échelle, en 2012. Jean-Luc Mélenchon était annoncé à 15% des voix dans les intentions de vote. Il n'a finalement recueilli que 11% des suffrages.

Hypothétiquement, on peut tout à fait imaginer des scénarios où le PS est devancé par un rassemblement d'extrême gauche au premier tour de l'élection présidentielle de 2017. Le risque est réel. Dans un schéma ou l'électorat socialiste est complètement effrité, il est envisageable que le PS termine finalement si bas que le Front de Gauche, en se maintenant simplement ou en progressant très peu, passe devant. Ce ne serait sans doute pas de beaucoup, cependant. Le scénario n'est d'ailleurs pas le plus probable : tout dépend en vérité de la cristallisation de l'électorat, qu'on ignore encore pour l'instant.

C'est possible, mais ce n'est pas pour autant que le développement des choses sera nécessairement celui-ci. N'oublions pas non plus que l'électorat est stratège. Il est tout à fait capable d'envoyer des signaux à ses représentants traditionnels, dans l'espoir de les amener à changer leurs approches de certaines thématiques, voire de se déporter sur leur gauche (dans le cas présent) sans véritablement envisager un vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon.

Le Pcf semble ne plus craindre les éventuelles menaces du PS. Faut-il y lire une dynamique particulière instaurée par l'extrême gauche ou s'agit-il davantage d'un effondrement du PS? Dans quelle mesure François Hollande en est-il responsable?

Sylvain Boulouque: La dynamique n'est clairement pas celle d'un progrès de l'extrême gauche. Si cette dernière avance, c'est à la marge. En vérité, on constate un véritablement effondrement du Parti socialiste qui, encore une fois, ne profite pas ou peu à Jean-Luc Mélenchon. Si ce devait être le cas, ce dernier serait beaucoup plus haut dans les intentions de vote, aux alentours de 18% à 20% et non seulement à 15%. Les voix du Parti socialiste (et de la gauche de façon générale en cas de déception) ont très largement tendance à se réfugier dans l'abstention plutôt que de se reporter sur Jean-Luc Mélenchon. C'est un électorat qui, s'il n'est pas représenter correctement, a tendance à devenir très versatile. Pour beaucoup d'individus qui se reconnaissent dans le Parti socialiste, voter pour le Front de Gauche est tout à fait hors-de-question.

François Hollande peut effectivement être tenu responsable de cette situation, au moins dans une certaine mesure. On peut lui imputer toutes les promesses (et elles sont nombreuses) qu'il a fait sans les tenir. L'une de ses déclarations les plus emblématiques, tirée du discours du Bourget, en est l'exemple le plus parlant. François Hollande déclarait alors "mon ennemi, c'est la finance !". Pourtant, aujourd'hui, la grande majorité de ses conseillers travaillent au sein de grandes banques ou de grandes multinationales. C'est loin d'être le seul engagement que le président de la République a rompu et il doit notamment composer avec des effets d'annonce déplorables. Sans oublier, évidemment, les réformes qu'il a engagé sans les avoir promises ou prévues, comme ce fut le cas de la loi El Khomri. Il s'agit de situations qui entraînent indéniablement un décalage avec l'électorat traditionnel du Parti socialiste, susceptible de le pousser dans l'abstention.

Cependant, il n'est pas impossible que l'électorat du Parti socialiste se remobilise quand débutera vraiment la phase électorale. Quand les candidats de gauche comme de droite seront déclarés, il est possible que la campagne agisse en ce sens.

Jean-Daniel Lévy: D'une manière globale, le Pcf a toujours une relation particulière avec le Parti socialiste. Dans certains cas de figures, des accords ont été passés pour qu'il puisse conserver ses élus. En cas de confrontation, on assiste régulièrement à un retrait de l'un des deux candidats de gauche au deuxième tour, quand l'un des deux est arrivé en tête.

Aujourd'hui, nous ne sommes plus forcément dans l'idée de la construction d'une nouvelle majorité. A l'inverse, il s'agit plutôt d'une réflexion sur : "comment parvenir à gérer la gauche post-défaite de 2017 ?". Le débat porte sur cet après élection présidentielle et après l'après-défaite, attendue de la part des sympathisants de gauche comme des différentes formations politiques.

La gauche est désormais face à une difficulté réelle: celle d'être fière de son bilan. Je ne sais pas si c'est seulement imputable à François Hollande, mais il est clair aujourd'hui que les électeurs de la gauche radicale ne tirent aucune fierté du fait d'avoir porté François Hollande jusqu'à l’Élysée. Ce constat est également vrai pour les électeurs de gauche dans leur globalité. En 1988, des critiques étaient formulées à l'égard de François Mitterrand mais les électeurs de 1981 nourrissaient tout de même une certaine fierté à l'égard de réformes majeures comme l'abolition de la peine de mort, le passage aux 39 heures, la cinquième semaine de congés payés... Ce n'est pas le cas aujourd'hui. 

Le Pcf ne prend-t-il pas pourtant de réels risques à envisager un rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon? Quels sont-ils?

Sylvain Boulouque: Comme dit précédemment, le PS est dans une dynamique d'effondrement. Pour autant, la question des alliances électorales demeure importante. Dans l'idée d'un effondrement complet du Parti socialiste – qui ne profitera pas nécessairement au Front de Gauche – le Pcf estime ne plus avoir grand-chose à perdre. Il est en mesure de sauver localement ses bastions et doit donc cristalliser des alliances uniquement pour les élections nationales.

Cependant, l'absence totale d'alliance avec le Parti socialiste n'est effectivement pas sans risques. Aux élections législatives, sans alliance avec le PS, le Pcf pourrait largement se retrouver sans groupe parlementaire. Il n'est pas impossible, néanmoins, qu'ils aient déjà fait une croix sur ce groupe, estimant qu'ils n'auraient de toute façon pas de députés aux prochaines élections. A partir de là, ils pourraient tout à fait favoriser une nouvelle approche, et chercher une audience nationale en suivant Jean-Luc Mélenchon.

Il n'y a plus de centralisme démocratique au Parti communiste. Cela signifie que les équipes municipales et locales peuvent agir comme elles le souhaitent dans les stratégies d'alliance. A Paris elles peuvent très bien s'allier avec le PS, comme c'est le cas aujourd'hui tout, et faire cavalier seul dans une autre municipalité où le PS local leur est insupportable. A Lyon, par exemple, on a constaté un phénomène assez surprenant. L'équipe de Collomb a fait alliance avec l'équipe municipale du PC alors que la base militante communiste votait pour une alliance avec le Front de gauche. Cela traduit clairement la schizophrénie du Pcf, qui doit composer avec une base bien plus radicale que sa direction. Nous ne sommes plus dans des logiques nationales, mais locales. Il me semble que c'est ce qu’entérine aujourd'hui Pierre Laurent, en reconnaissant qu'il ne contrôle pas ses troupes et fait ce qu'il peut.

Jean-Daniel Lévy: Il y a effectivement plusieurs risques. Cependant la vrai difficulté vient du fait que le Pcf ne parvient pas à se trouver un représentant fort, ni un acte politique marquant. Jean-Luc Mélenchon, de son côté, réussit à préempter la critique et le positionnement à la gauche du Parti socialiste. Déjà en 2012, son score n'était pas tant révélateur d'une dynamique qu'il était le signe d'une agrégation de différentes forces politiques, traditionnellement éparpillées au premier tour de l'élection présidentielle (17% en 1995, près de 19% en 2002, 9% en 2007) qui se retrouvaient derrière lui. Le Pcf n'est pas parvenu à agréger derrière lui des mouvements et composantes éparses de la société française.

Dans tous les cas, le Pcf ne peut que jouer une stratégie risquée: sa situation l'y oblige, purement et simplement. Il n'arrive pas à être entendu à travers un message suffisamment fort. N'oublions pas non plus, qu'au sein de sa structure, les tensions sont nombreuses sur la ligne à suivre. D'un côté, on trouve une orientation qui souhaite sauvegarder le parti, quitte à accepter des alliances pour le maintien des circonscriptions. De l'autre, ceux considérant que la "radicalité" et les prises de positions fortes – avec Jean-Luc Mélenchon plutôt qu'avec François Hollande – doivent l'emporter.

Enfin, si le risque est réel, le Parti communiste reste assez bien ancré localement. Même si le PS mettait ses menaces à exécution, il ne serait pas amené à disparaître immédiatement. 

Quel pourrait être le poids politique et électoral d'une extrême gauche capable de triompher du Parti socialiste à l'élection présidentielle ? Jusqu'où est-ce que cette transformation du paysage politique français pourrait mener ?

Sylvain Boulouque : Je ne suis pas sûr que cela changerait fondamentalement les choses. C'est bien sûr le rêve de l'extrême-gauche, mais encore fois, rien ne dit que cela se produise à coup sûr.

Concrètement, je pense que cela engendrerait un pôle de gauche plus radical, mais qui serait assez minoritaire. Le PS se transformerait sans doute beaucoup et perdrait une partie considérable de ses membres. Ces derniers rejoindraient l'alliance avec le Front de Gauche. La majorité, cependant, resterait autour de la direction actuelle, dans un rassemblement comparable à la "Belle Alliance populaire", le tout en étant minoritaire à gauche.

Ce ne serait pas la première fois: reprenons l'exemple de l'effondrement de la Sfio avec Guy Mollet dans les années 1960. La Sfio était en état de mort clinique, ce qui ne l'a pas empêché de renaître au congrès d'Epinay avant de prendre le pouvoir dix ans plus tard. Il peut tout à fait y avoir un état de mort clinique, qui pousserait la sociale-démocratie à évoluer et à revenir sous une forme un peu différente. Il est difficile de dire sous quelle forme précisément, dans la mesure où aucune cristallisation électorale n'a encore eu lieu. L'hypothèse d'une extrême-gauche devant le PS ne change pas les données fondamentales du problème: le divorce entre la gauche gouvernementale-réformiste et la gauche radicale est entériné. Par conséquent, si l'électorat se reporte, cela sera parce qu'en face, le candidat de droite incarnerait pour l'électorat de gauche le "mal absolu". Et même dans ces conditions, il n'est pas sûr qu'un électeur de gauche lui préfère un candidat d'extrême gauche.

Propos recueillis par Vincent Nahan et Thomas Sila

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