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Alexis Corbière : "Pourquoi le PS s'en prend-il grossièrement à Jean-Luc Mélenchon alors que les principaux carburants du FN sont François Hollande et la politique socialiste ?"
©AFP

Entretien politique

Campagne présidentielle, situation actuelle du Parti socialiste et de l'extrême-gauche, rapports avec le Parti communiste... Porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière revient pour Atlantico sur tous les sujets brûlants pour la formation de la France insoumise.

Alexis Corbière

Alexis Corbière

Alexis Corbière est porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. Il est également l'auteur de l'ouvrage Le piège des primaires (éditions du Cerf, septembre 2016).

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Atlantico : Alors que nous sommes désormais à moins de six mois de la présidentielle, quel regard portez-vous pour l'instant sur la campagne de Jean-Luc Mélenchon ? Comment celle-ci devrait-elle évoluer prochainement ?

Alexis Corbière : Plus que jamais, notre objectif est la victoire. Beaucoup de signaux démontrent que notre peuple est disponible pour un grand changement qui répond aux urgences sociales, écologiques et démocratiques. Chacun comprend que cela ne passe plus par les partis qui sont directement responsables de nos difficultés, enkystés dans une Ve République autoritaire avec laquelle il faut rompre. Et ce peuple ne veut pas non plus se livrer à l’extrême-droite et son programme de guerre civile. 

Nous sommes désormais une option crédible, et certainement beaucoup plus que le PS, pour l’emporter lors de l’élection qui vient. La première étape est donc d’être au deuxième tour. Notre dynamique montre que c’est atteignable. Jean-Luc Mélenchon est le mieux placé pour empêcher un duel droite-FN en mai prochain.

C’est le fruit d’un travail patient. Une force populaire s’est construite depuis le 10 février 2016, jour où Jean-Luc Mélenchon a proposé sa candidature. Une dynamique s’est engagée dans le cadre de ce mouvement inédit qu’est la France insoumise et qui se bâtit en avançant par des formes originales, que rendent notamment possibles les réseaux sociaux, inspirées de la "Révolution citoyenne" de Bernie Sanders ou de nos amis de Podemos. Près de 150 000 personnes ont appuyé la candidature Mélenchon en venant s’inscrire sur le site JLM2017.fr. Ils sont "les insoumis" et se regroupent en 1 700 groupes d’appuis.

Ce mouvement a vocation à s’élargir. Il est basé sur l’action et l’horizontalité des prises de décisions, et est ouvert à tous. Parallèlement, 300 élus nous apportent d’ores et déjà leurs parrainages pour s’assurer que nous puissions bien être candidat. D’autres arrivent tous les jours. Je ne doute pas d’ailleurs que les 500 seront atteints à la bonne date. 3 600 contributions écrites ont également permis qu’un programme nommé L’avenir en commun soit adopté par plus de 70 000 personnes qui ont voté en ligne. Mais ce n’est pas que sur Internet. Le 5 juin, près de 10 000 personnes se sont retrouvées à Paris. A ce jour, c’est le plus grand rassemblement, toutes forces confondues. Plus de 2 000 étaient à Toulouse pour notre pique-nique de rentrée. Notre première Convention nationale a réuni 1 000 "insoumis" à Lille il y a deux semaines. Ces "conventionnels" avaient été tirés au sort et étaient parfaitement paritaires. Bref, cette force se déploie et s’organise : elle s’enracine chaque jour un peu plus dans l’Hexagone !

A lire également sur notre site: "S'allier ou pas, les communistes face au dilemme Mélenchon : et si une gauche radicale unie pouvait dépasser le PS en 2017 ?"

Ce lundi, la porte-parole du PS Corine Narassiguin a déclaré à Sud Radio que "par certains côtés, Jean-Luc Mélenchon rejoint un populisme qu'on aurait habituellement associé à l'extrême droite, sur le souverainisme, sur le scepticisme par rapport à l'Europe. Mélenchon, c'est une gauche qui refuse de voir la réalité et la complexité de ce qu'est l'exercice du pouvoir". Comment réagissez-vous à une telle affirmation ?

Pourquoi le PS s'en prend-il grossièrement de la sorte à Jean-Luc Mélenchon, qui est pourtant bien seul aujourd'hui à proposer autre chose que les projets funestes de la droite ou leurs dérivés un peu plus light ? Manifestement, il y a beaucoup d’affolement dans les couloirs de Solférino et cette fébrilité fait dire n’importe quoi à certains. Je ne me souviens pas avoir entendu Mme Narassiguin quand Manuel Valls disait que les Roms étaient "inassimilables" ou quand M. Hollande dit qu’il y a "trop d’immigration" et qu’il y a "un problème avec l’islam", ou encore quand ils proposaient la déchéance de nationalité... Alors assez d’hypocrisie ! Je suis enfin stupéfait de lire que la volonté de respect de la souveraineté populaire et la critique à la construction libérale de l’Union européenne, pourtant à la base de toute pensée républicaine et sociale, soit assimilée de la sorte à l’extrême-droite… Ce n’est pas très sérieux.

Le carburant du FN, c’est François Hollande et la politique PS. L'extrême-droite n'a jamais été aussi haute. Même s’ils se coiffent d’un casque de pompier et hurlent "pin-pon, pin-pon" lors de leurs interventions publiques, les principaux pyromanes qui brûlent toute pensée progressiste et nourrissent ainsi l’extrême-droite sont au gouvernement ! Quant à la réalité et la complexité du pouvoir, elles semblent bien être tombées sur la tête des actuels ministres qui n’étaient manifestement pas préparés à diriger le pays, si ce n’est en singeant la droite. Les incompétents, c’est eux. Alors de grâce, qu’ils soient moins fanfarons !

Dans un entretien au Figaro publié mardi, Jean-Luc Mélenchon a livré un diagnostic assez sombre de la situation française aujourd'hui : "Tout est mis en doute. Il y a un lien entre la perte d'autorité de l'État, les manifestations de nuit des policiers et la décrédibilisation totale du président de la République. Alors, je rassure". Pensez-vous que la volonté de Jean-Luc Mélenchon de "rassurer" les Français puisse vraiment s'accorder avec certaines mesures assez radicales qu'il prône (Union européenne, laïcité, fiscalité…) ?

Oui. Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat à proposer un avenir positif plutôt que des sacrifices, encore des sacrifices, toujours des sacrifices. Les sept candidats LR promettent ouvertement une purge sociale, sans jamais dire un seul mot d’écologie. Marine Le Pen veut revenir sur les 35 heures, donc baisser les salaires, et évoque déjà des "sacrifices" en matière de retraite. La loi El Khomri, défendue par le gouvernement et la grande majorité des députés PS, est une précarisation inouïe des salariés. Même Arnaud Montebourg s’y met désormais et prétend qu’on ne peut pas augmenter les salaires, proposant même de remettre en cause le Code du travail. Chacun dans un registre d’intensité différent, ce sont eux les angoissants.

A l’inverse, Jean-Luc Mélenchon rassure en proposant une issue pacifique et démocratique aux urgences que rencontre aujourd'hui le pays : une Assemblée constituante pour répondre à l'urgence démocratique et passer à la VIe République, une véritable redistribution des richesses pour faire face à l'urgence sociale, une transition écologique pour prendre acte de l'urgence climatique.

Il propose d’instaurer un quota maximum de contrats précaires dans les entreprises privées fixé à pas plus de 10% dans les Pme et 5% dans les grandes entreprises, une relance de l’activité, un plan d’isolation contre la précarité énergétique, une hausse du Smic, etc. Le candidat des solutions dans la vie quotidienne, c’est Mélenchon !

Surtout, il rassure sur un point central : il défend le peuple contre l’oligarchie. Il est fidèle à ses idées. Il n’est pas achetable, il ne fait pas carrière, ne court pas à la City lever des fonds et faire allégeance aux puissances d’argent. Il n’a pas marchandé son score de 2012 contre un strapontin ou un groupe de députés. Il propose un changement profond, pas une aventure individuelle !

Avec le vote Mélenchon, le peuple peut conquérir la maîtrise de son avenir. Notre programme propose un référendum révocatoire pour donner la possibilité de renvoyer les élus en cours de mandat si le peuple le juge nécessaire. Il propose de désobéir aux traités européens quand les autres les imposent, malgré les votes populaires et les promesses électorales de renégociations. Il propose un protectionnisme solidaire quand les autres veulent imposer Ceta et Tafta, il défend l’indépendance nationale contre les aventures guerrières de l’Otan. Face à ce monde inquiétant, il est le véritable candidat qui protège et rassure.

Dans des propos rapportés par le magazine Le Point, Jean-Luc Mélenchon aurait qualifié les communistes d'"abrutis" ne voulant pas l'aider dans sa quête des 500 parrainages, propos que le candidat du Parti de Gauche a rapidement et fermement démentis sur sa page Facebook. Néanmoins, ne peut-on pas considérer que le climat actuel entre le candidat de la France insoumise et le Parti communiste reste aujourd'hui relativement conflictuel ? Quelles sont les racines de cette détérioration des relations ?

D’abord j’insiste, les propos que vous citez n’ont jamais été tenus. Pourquoi dès lors les répéter ? Et qui a intérêt à exacerber ainsi les relations avec le Pcf ? Pas nous. C’est tout l’inverse. Depuis des mois, nous serrons souvent les dents et gardons silence face à des attaques très personnalisées contre notre candidat. Fort heureusement, beaucoup de communistes sont déjà dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon et tous sont les bienvenus s’ils acceptent le cadre de la France insoumise : un mouvement hors parti qui fait place à tous ceux qui veulent agir, avec ou sans carte de parti. Nous ne voulons pas revenir au cartel de partis qui a échoué si lourdement après 2012.

Pour le reste, je n'ai pas la réponse à toutes vos questions. La direction du Pcf doit se prononcer ce week-end. J’espère que sa décision sera conforme à ce que pense l’immense majorité de ceux qui ont déjà voté Mélenchon en 2012 et s’apprêtent à le refaire en 2017 et qu’elle sera claire. Certains responsables comme MM. Chassaigne et Dartigolles ont dit dans la presse que la décision retenue pourrait être temporaire, puisqu’elle pourrait varier une nouvelle fois en fonction du résultat de la primaire du PS fin janvier. Nous verrons donc. Après tout, c’est leur affaire. Mais nous ne nous laisserons pas instrumentaliser par qui que ce soit. Nous ne sommes dépendants d’aucun parti. Jean-Luc Mélenchon sera candidat à la présidentielle, nous ne ferons aucun accord avec le PS visant à nous retirer, quel que soit son candidat. Il y aura 577 candidats de la France insoumise aux élections législatives avec le même programme, le même rattachement administratif et financier, une seule et même campagne à la présidentielle et aux législatives.

Interrogé sur le rejet par les cadres communistes ce samedi de se rallier à Jean-Luc Mélenchon pour 2017, Alexis Corbière n'a pas souhaité officiellement réagir. 

Face à une gauche de gouvernement qui s'éparpille entre François Hollande, Emmanuel Macron, Manuel Valls, Arnaud Montebourg ou d'autres, la gauche de la gauche n'a-t-elle pas devant elle une occasion énorme à saisir ? Ne trouvez-vous pas dommage qu'il soit si difficile pour l'extrême gauche de créer un vrai mouvement autour d'une candidature unique ?

De qui parlez vous au juste ? Nous ne sommes pas l'extrême-gauche. Et Jean-Luc Mélenchon est le seul réel candidat à la présidentielle parmi ceux que vous citez dans votre question. M. Montebourg est seulement candidat à la primaire PS et soutiendra son vainqueur, même s’il s’agit de MM. Valls ou Hollande.

Et puis l’époque a changé. Pour créer une dynamique majoritaire, la question n'est pas de rassembler des appareils politiques souvent rejetés en raison des trahisons, mais de fédérer le peuple. Il ne s'agit pas de réunir des patrimoines électoraux virtuels, mais d'aller convaincre le peuple des dégoûtés, et franchement, cela ne se fait pas avec des dégoûtants à ses côtés.

Olivier Besancenot a déclaré récemment qu'il ne se sentait "pas représenté" par Jean-Luc Mélenchon. Nathalie Artaud a parlé, elle, de "communisme bourgeois"… Comment réagit Jean-Luc Mélenchon à ces prises de distance ?

Chacun est libre de son opinion. Mais cela atteste de la distance que nous avons avec l'extrême-gauche. Olivier Besancenot réfléchit à "l'ancienne", enfermé en quelque sorte dans le cadre d'une démocratie représentative étriquée. Je lui répondrai donc que le problème n'est pas de "représenter" les gens, comme cela se déroule actuellement, mais de donner enfin le pouvoir au peuple. C'est ce que nous voulons faire en convoquant une Assemblée constituante pour abolir la monarchie présidentielle actuelle. Concernant Nathalie Artaud, je dirais qu' il y a un aspect un peu "farce" dans son commentaire. Peut-être que pour ne pas s'exposer à la tentation, il lui faut simplifier et caricaturer la réalité.

Un récent sondage Kantar Sofres-OnePoint pour RTL, LCI et Le Figaro place Jean-Luc Mélenchon devant François Hollande ou Manuel Valls dans les intentions de vote pour la présidentielle. Selon vous, le temps du leadership du PS à gauche arrive-t-il à sa fin ?  

D’abord, il faut regarder la réalité et non les horoscopes. Notre authentique dynamique ne se juge pas dans les sondages, souvent aléatoires. Elle est dans le succès visible de nos initiatives. C’est à cela que je juge que Jean-Luc Mélenchon est la seule chance d'avoir un candidat progressiste au second tour de l'élection présidentielle.

Dès lors, un cycle historique semble se clore. A quoi sert le PS s’il n’est plus la force dominante à gauche ? A rien, ou si peu. Il devient un poids mort qui tirera vers le fond ceux qui se l’accrocheront au pied. On risque d’être surpris par la faiblesse du score du candidat estampillé PS.

La crise qui les frappera risque d’être amplifiée car les sondages orientent le débat et essaient d’imposer des choix aux électeurs.  Ils dessinent une tendance et font l'opinion bien plus qu'ils ne la mesurent. Jusqu’ici, les sondages étaient utilisés par le PS contre nous au nom du "vote utile" et de "l’unité". Ceux qui ont cru aux sondages hier doivent être conséquents aujourd’hui. A présent, leur propre boussole leur dit de nous aider ! Pourquoi perdre avec le PS alors qu’on peut gagner avec Mélenchon ?

Dans son programme pour 2017, Jean-Luc Mélenchon a accordé une large part à l'écologie. Est-ce une conviction récente du candidat de la France insoumise ? Doit-on y voir également un signal envoyé aux électeurs écologistes, alors que la candidate à la primaire EELV, Michèle Rivasi, a affirmé la semaine dernière qu'un accord avec Jean-Luc Mélenchon n'était "pas possible" ?

Nous parlons à tout le pays, sans distinction. Notre écologie est de conviction et n’est pas une chose récente. Je rappelle, par exemple, qu’en 2012 Nicolas Hulot a voté Mélenchon en jugeant qu’il avait été le meilleur candidat écologiste. Noël Mamère a déclaré récemment que "Mélenchon a très bien intégré la dimension écologique". Ne perdons plus de temps dans des querelles vaines, la transition énergétique est vitale, il s’agit de répondre à l’intérêt général humain, face au dérèglement climatique. Notre objectif est 100% d’énergie renouvelable en 2050. Cette fois-ci, ceux qui ont l’écologie au cœur doivent nous aider : la seule façon d’élire un président écologiste en 2017 c’est de voter pour Jean-Luc Mélenchon.

Jean-Luc Mélenchon s'oppose au Ceta, le traité commercial entre l'Union européenne et le Canada. Pourtant, ce traité diffère tout de même sensiblement du Tafta et se concentre surtout sur les tarifs douaniers. Est-ce qu'il y a vraiment matière à s'y opposer selon vous ?

Ils ne diffèrent pas, le Ceta et le Tafta défendent la même logique. C’est le libéralisme le plus brutal qui cherche à briser toutes normes et à se répandre toujours plus. Il faut s’y opposer. Lancé en 2009, le Ceta vise officiellement à déréguler le commerce entre l’Union européenne et le Canada. Et, comme pour le Grand marché transatlantique (GMT), pour s’assurer du consentement des populations, tout se déroule dans le plus grand secret.

Alors, que faire face à ces offensives régulières contre nos réglementations ? Résister et faire connaître ses projets à la population. La lumière est la première arme contre ces transactions secrètes. Et si nous voulons mettre au pas les multinationales, conquérir de nouveaux droits et préserver la souveraineté populaire face aux firmes transnationales, c’est bien une politique de protectionnisme solidaire qu’il faudra mettre en œuvre. Cela fait partie du programme de la France Insoumise.

Ce jeudi soir, lors du deuxième débat télévisé de la primaire de la droite et du centre, Jean-François Copé a assuré que le Front de Gauche n'avait "rien à envier" au Front national en termes de "fréquentabilité", fustigeant les accords électoraux passés entre les différentes formations de gauche. Que vous inspire une telle déclaration ?

Pauvre Copé ! Cette banalisation de l'extrême droite est affligeante. Mais que ne ferait-il pas pour faire parler de lui ? Il est, hélas, coutumier du fait. Je précise que ces propos outrageants ont déjà donné lieu à des condamnations pénales contre ceux qui les tenaient. Il ferait mieux de s'intéresser à la vie quotidienne difficile de millions de gens et découvrir les prix des pains au chocolat, dix fois plus importants que ce qu'il croit...

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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