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Quand les dealers de cannabis de Saint-Ouen trainaient à proximité des crèches de la ville
©REUTERS/Andres Stapff

Bonnes feuilles

À deux pas du célèbre marché aux Puces, le trafic de cannabis est partout. Pas un quartier de cette ville limitrophe de Paris n'y échappe. Cette situation est unique en France par son emprise sur la population. Ce business tentaculaire qui génère régulièrement des épisodes de violence a déjà fait plusieurs morts. Une enquête édifiante et passionnante qui montre comment la vente de cannabis et sa consommation marquent d'une empreinte indélébile les esprits et le paysage urbain. Extrait de "Une ville sous emprise Saint-Ouen ou la loi du cannabis", de Claire Guédon et Nathalie Perrier, aux éditions du Rocher 2/2

Claire Guédon

Claire Guédon

Claire Guédon est journaliste au Parisien depuis vingt ans. Elle a couvert comme reporter la banlieue parisienne.

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Nathalie Perrier

Nathalie Perrier

Nathalie Perrier, journaliste au Parisien de 1998 à octobre 2016, a publié en 2008 le livre Faut-il supprimer l'accouchement sous X ? Mères et enfants du secret témoignent, aux éditions du Rocher.

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4 février 2016 Les dealers privent les enfants de la crèche de jardin

À Saint-Ouen, la vie continue et se fait une petite place, entre les dealers et les policiers. «Quand tu sors de la haltegarderie (…), que tu te retrouves avec ton fils coincé entre le flash-ball, le scooter sur le trottoir et les jeunes guetteurs, que tu évites ensuite les deux pitbulls installés sur le terrain qui devrait être relié à la crèche depuis longtemps… tu sais que tu es audonien…» Ce 4 février, Christophe, le photographe amoureux de sa ville, exprime sa colère sur Facebook. Son post suscite aussitôt une déferlante de réactions: «Franchement moi je n’y crois plus, Saint-Ouen est gangrené par le trafic, les CRS, ZSP et j’en passe. On n’a jamais vu autant de dealers et de consommateurs!» lui répond un internaute. «Combien de gamins se sont fait éclater une balle dans la tête et toujours aucune action draconienne», relance un autre. «À part légaliser, il n’y a guère de solution. Quand les premiers coffee shops ouvriront à Paris, Saint-Ouen sera déserté et on pourra respirer!» rebondit un troisième.

Quelques jours plus tard, nous accompagnons Christophe à la sortie de la Maison de la petite enfance qui propose différents modes de garde. Il est 17 heures et les parents affluent sur le trottoir pour récupérer leurs enfants. Tout ce qu’il y a de plus banal. Si ce n’est que, à quelques mètres, des policiers en tenue investissent la cité Charles Schmidt pour une opération de contrôles d’identité et d’évacuation des halls. Une à une, les petites souris du trafic sortent de leur cachette en béton. Elles n’ont pas de marchandise, elles n’ont pas lancé de cri d’alerte, elles n’ont pas le visage dissimulé, elles ne risquent pas grand chose et le savent. Un sourire narquois aux lèvres, un jeune guetteur passe la grille d’entrée avec une chaise sur le dos, celle sur laquelle il s’assoit habituellement pour surveiller le quartier. Devant notre air surpris, deux autres jeunes rigolent et commentent à voix haute, avec une pointe de provocation: «C’est comme ça, les cités du 93!»

Au fil des mois, des années, les dealers ont élargi leur toile et se sont rapprochés de la crèche. En toute discrétion d’abord. Ostensiblement aujourd’hui. Quand la police n’est pas là, ils n’hésitent plus à s’installer dans le petit bout de jardin attenant à l’établissement. Ils se perchent sur le mur à la peinture rose défraîchie, juste en dessous de la minuscule terrasse de la halte-garderie, d’où ils ont une vue plongeante sur la rue. Ce coin de verdure, envahi par les herbes folles, les canettes écrasées, n’est plus qu’une zone à l’abandon squattée par les dealers et leurs chiens. «Les trafiquants occupent l’espace, ils vendent, ils dégradent, ils se battent parfois… Il y a même eu une ou deux tentatives d’intrusion dans la crèche», déplore le maire William Delannoy. Pour éviter les ennuis, la Maison de la petite enfance a préféré fermer la fenêtre qui donne sur ce bout de terrain. La précédente municipalité travaillait sur un projet d’aménagement du site pour éviter ces intrusions. La nouvelle poursuit cette démarche et envisage de racheter la parcelle qui appartient au bailleur départemental afin de la clôturer. En attendant, les enfants restent privés de jardin et doivent se contenter d’une petite terrasse avec vue sur le trafic…

Dans l’ombre, pourtant, les policiers préparent de nouvelles ripostes.

Extrait de Une ville sous emprise Saint-Ouen ou la loi du cannabis, de Claire Guédon et Nathalie Perrier, publié aux éditions du Rocher, novembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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