De troisième homme à finaliste : mais quelles sont les chances réelles de Fillon et Le Maire de profiter de la panne Sarkozy ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Fillon et Bruno Le Maire lorgnent de plus en plus sur l'électorat de Nicolas Sarkozy.
François Fillon et Bruno Le Maire lorgnent de plus en plus sur l'électorat de Nicolas Sarkozy.
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Les troisièmes seront les premiers ?

A moins d'un mois de la primaire de la droite et du centre et alors que Nicolas Sarkozy stagne dans les sondages, François Fillon et Bruno Le Maire lorgnent de plus en plus sur l'électorat de l'ancien président.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy semble faire face à une "panne" sondagière dont cherchent à profiter François Fillon et Bruno Le Maire, dans le cadre de la primaire de la droite. Les deux candidats estimeraient plus simple d'arracher des voix à l'ancien président qu'au maire de Bordeaux. S'agit-il d'une possibilité à envisager ou d'une illusion ?

Bruno Jeudy : Les deux, mon général. Sur le papier, cela reste une possibilité. Les médias ont eu tendance à enfermer le match qu'est la primaire dans le duel opposant Alain Juppé à Nicolas Sarkozy. Les deux candidats s'y sont d'ailleurs fortement employés depuis l'entrée en campagne de l'ancien président de la République. Or, dans une campagne les choses sont susceptibles de se retourner assez vite. François Fillon et Bruno Le Maire sont encore entre 10 et 15 points derrière Nicolas Sarkozy, mais il n'est pas inenvisageable que ce dernier perde quelque points au profit de l'un ou de l'autre. Cela pourrait rebattre les cartes.

Il n'en reste pas moins qu'après deux mois d'intense campagne entre les deux favoris de la primaire, ni François Fillon ni Bruno Le Maire ne parviennent à affaiblir Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé. Ils n'ont pas (encore ?) trouvé les clefs pour les faire baisser, l'un ou l'autre, quand bien même les deux lorgnent activement sur l'électorat de Nicolas Sarkozy. Paradoxalement, ils espèrent sans doute une baisse du côté de l'ancien chef de l'État, davantage que du côté du maire de Bordeaux.

Si toutefois l'un d'entre eux devait réussir à voler des voix à Nicolas Sarkozy, il semblerait plus naturel que ces voix aillent à François Fillon. Dans l'absolu, encore une fois, les deux pourraient piocher des voix dans le réservoir de l'ancien président, mais Fillon présente un programme très conservateur, libéral économiquement et globalement assez homogène dans son orientation à droite. Il est très raide sur les questions régaliennes que met beaucoup en avant Nicolas Sarkozy.Quant à Bruno Le Maire, il a, au fur et à mesure de la campagne, durci ses positions. Au départ, il était plus ancré dans un modèle chiraquien. Désormais, Fillon et Le Maire se sont rapprochés d'un programme de "type Sarkozy" plus que d'un programme de "type Juppé". Ils visent nettement moins l'électorat du centre – ou au-delà – et se concentrent bien plus sur l'électorat de droite.

Pour autant, il sera plus compliqué pour Bruno Le Maire de voler des voix à Nicolas Sarkozy. Sa campagne souffre d'un manque de dynamique depuis cet été. Son projet de 1000 pages a fait ricaner, peut-être à tort. Sa prestation lors du premier débat télévisé a été jugée décevante, à raison. Depuis, il cherche un second souffle : il a du mal à relancer sa campagne. François Fillon semble un peu plus en situation de se rapprocher de la deuxième place que Bruno Le Maire. Pour autant, cela reste évidemment très complexe pour lui aussi : depuis des mois et des mois, il tourne aux alentours de 10%. Il ne parvient pas à s'arracher à ce palier, subit des critiques sur son positionnement très pro-russe, son conservatisme sociétal - son opposition ferme au mariage pour tous n'est qu'un exemple parmi d'autres -. Pourtant, son programme économique est très libéral, jugé parmi les meilleurs et les plus novateurs : les solutions ne sont pas nouvelles mais n'ont jamais vraiment été mises en application depuis que la droite en parle. Il est porté par un buzz plus positif que Bruno Le Maire. Le premier débat lui a profité, d'un point de vue médiatique. Cela ne se sent pas dans les sondages, mais il est à l'affut d'une baisse de régime de l'un des deux favoris.

L'électorat de Nicolas Sarkozy apparaît, au moins pour son cœur de cible, comme très loyal à son champion. Peut-on faire le même constat pour Alain Juppé ? Bruno Le Maire ou François Fillon peuvent-ils espérer voler des voix au maire de Bordeaux ?

Bruno Jeudy : Le noyau dur de l'électorat de Nicolas Sarkozy est effectivement très fidèle à l'ancien président de la République. Il s'agit, en un sens, d'un véritable fan club loyal. Il le suit souvent depuis sa première campagne présidentielle de 2007, et Nicolas Sarkozy a su le fidéliser au fil des années malgré la défaite de 2012. C'est une véritable communauté, comme en témoignent les réseaux sociaux, très soudée, très active, voire très réactive. Incontestablement, cela constitue un avantage considérable pour Nicolas Sarkozy, qui lui assure 20 à 25% du score qu'on lui donne aujourd'hui. Cependant, il a du mal à l'élargir. Les électeurs plus indécis semblent tentés par un autre vote, qui pourrait profiter à Alain Juppé, Bruno Le Maire ou François Fillon… L'élargissement de son fanclub représente tout l'enjeu, pour Nicolas Sarkozy, de ce premier tour.

Inversement, Alain Juppé ne dispose pas d'un fanclub. Son électorat est potentiellement important, particulièrement quand il comprend l'électorat centriste, modéré, de centre-gauche éventuellement. Il n'est pas fidèle, ni soudé pour autant. Ce n'est qu'un électorat potentiel, dont personne ne sait s'il se déplacera pour la primaire. C'est là l'enjeu d'Alain Juppé dans ce combat interne.

Jérôme Fourquet : Tout cela n'est pas impossible : on avait vu lors de la primaire de 2011 que Montebourg avait bénéficié d'une bonne prestation lors de la campagne et d'un débat télévisé pour progresser sensiblement. Il peut en être de même pour un des deux que vous citez, ou de la même façon la défaillance de l'un pourrait servir l'autre. Cela n'est pas impossible. Néanmoins, sur ce point et en ce qui concerne Fillon et Le Maire, nous observons une certaine stabilité depuis la rentrée. En dépit du premier débat télévisé, ni Fillon ni Le Maire n'ont contesté la domination des autres candidats. Certes, il reste encore un mois, mais pour l'instant leur progression s'est stabilisée.

Nicolas Sarkozy, entre autres, s'est insurgé contre la potentielle prise en otage de la primaire par des électeurs de gauche. Alain Juppé répondait en soulignant la possibilité que des électeurs FN se déplacent pour aller voter. François Fillon et Bruno Le Maire ne devraient-ils pas se concentrer sur des électeurs extérieurs à la droite plutôt que de chercher à attirer ceux de Nicolas Sarkozy ou d'Alain Juppé ? Finalement, y'a-t-il assez de place pour toutes les lignes dans cette primaire ?

Bruno Jeudy : Les deux pourraient effectivement aller chercher des voix au-delà des frontières classiques de la droite et du centre. Cela étant, cela me semble plutôt marginal. Je pense que l'électorat supposé de centre-gauche qui viendrait voter (ce qui reste à prouver) votera plutôt pour Alain Juppé ou Nathalie Kosciusko-Morizet, pour peu qu'il se déplace effectivement. De la même manière, l'électorat sympathisant Front national – ou au moins proche des différentes mouvances de la droite de la droite – se portera en priorité sur la candidature de Nicolas Sarkozy. Les positions de François Fillon sur le mariage pour tous pourraient éventuellement lui rapporter quelques voix, mais cela reste très marginal à mon sens.

Contrairement à la légende urbaine qui veut que tous les candidats de cette primaire présentent le même programme, il me semble qu'il existe de vraies différences entre les candidats, sur les options économiques, sociétales… Il y a de vraies divergences d'ordre philosophique, sur l'approche des questions d'immigration ou d'identité.

Jérôme Fourquet : Je ne pense pas. Le faire impliquerait certainement un changement de ligne difficile à assumer pour les deux candidats. Par exemple, s'il devait se tourner vers la gauche, Fillon aurait du mal à concilier sa ligne thatchérienne avec son nouvel électorat cible. De même pour le FN, et c'est exactement la même chose pour Le Maire, qui s'est aussi un peu engagé là-dessus.

Ce que je pense, c'est qu'il faut penser en dehors d'un système d'élection classique. On est sur un nombre de votants qui certes peut paraitre important (3 millions) mais qui en réalité est assez limité. Nos enquêtes montrent que seulement 1 électeur sur 5 des Républicains nous dit être sûr d'aller voter à la primaire. Je pense que pour un candidat, il est plus facile d'aller chercher un des 80% d'électeurs de droite que de convaincre des électeurs d'autres familles politique d'aller voter à cette primaire.

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