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Les limites de la régulation des institutions financières face à la crise
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La myopie des régulateurs

La structure de la régulation des institutions financières, au sens large, et les manquements de ces législations pour identifier et éviter les raisons de la crise actuelle démontrent une faible capacité à projeter les risques et à les quantifier. Extraits de "Vers de nouvelles bulles spéculatives" de Driss Lamrani (1/2).

Driss Lamrani

Driss Lamrani

Driss Lamrani a exercé pendant plus de 10 ans les métiers de banquier d'affaires, d'opérateur de marché sur les produits dérivés et d'analyste financier au sein de divers établissements bancaires. Il a aussi participé à plusieurs ouvrages, en tant que spécialiste des opérations de marché.

Il a récemment publié, aux Editions Mélibée, un ouvrage intitulé "Vers de nouvelles bulles spéculatives... Comment les éviter ?", préfacé par Jacques Attali. Il est actuellement  stratégiste et économiste au sein d'un fonds alternatif à Londres spécialisée dans le Global Macro.

Il s'exprime sur Atlantico à titre personnel, et ses propos n'engagent en aucune façon son employeur.

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S’il y a un seul constat à retenir de cette crise, il résiderait dans le retard du régulateur des institutions financières face à l’innovation. L’introduction des produits dérivés complexes (over thecounter) a été décriée au début par les régulateurs, considérant qu’ils n’avaient pas le recul nécessaire sur ces innovations pour pouvoir se prononcer et pouvoir suivre et évaluer les risques associés.

Mais la disparité du patchwork réglementaire a permis aux premières transactions de se mettre en place et a mis une pression supplémentaire sur les régulateurs pour se doter d’une analyse afin de ne pas empêcher (par équité et besoin de compétition totale) les banques dont ils avaient la supervision de profiter de cette nouvelle manne financière de profit.

Les opérateurs se sont retrouvés dans l’obligation de définir des normes de risques et d’aider le régulateur à mieux appréhender les mécanismes. Cependant, en tant que partie, l’opérateur a omis de tout expliquer ! Comment pouvons-nous imaginer demander à des opérateurs intéressés personnellement au bénéfice des opérations qu’ils réalisent, de montrer où sont le risque et les limites de leur exercice ? Cette interrogation aurait pu empêcher la conclusion des affaires (et l’attribution d’émoluments conséquents).

La solution a été de pousser les régulateurs à épouser les modèles mathématiques sophistiqués. Avec d’un côté chez les banques et assurances, des batteries de docteurs en mathématiques et statistiques (appelés des « quants ») intéressés aux résultats à travers stock-options et bonus, et de l’autre un régulateur qui a du mal à recruter ou a la même population (généralement par manque de moyens financiers).

L’Homme, ne l’oublions pas, à une propension à préférer son intérêt personnel à celui de l’intérêt général. Ceci explique le déséquilibre de connaissance scientifique et mathématique entre les assujettis et les régulateurs.

Une vision purement politique sans définition d’objectifs clairs

Les régulateurs font face à deux limites dans l’exercice de leurs mandats. La première limite est le poids de la politique, la seconde la définition d’objectifs clairs. Ces régulateurs sont des émanations de pouvoir public. Leur rôle est de garantir la stabilité et la solvabilité du système financier. Ce rôle est cadré par des codes, des législations et des directives, sur la base desquels ils doivent se prononcer.

Le poids de la politique induit une limitation dans la vision critique du régulateur des lois et des règlements qui régissent leurs travaux.

Lorsque nous avons vu les types d’arbitrages réglementaires, il semblait nécessaire de laisser une certaine marge de manœuvre au régulateur, pour interpréter et proposer des modifications des législations en cours qui pourraient être inadaptées à la nature de la transaction (ou à la sophistication et à l’innovation des montages financiers).

À la suite de la faillite d’Enron, l’administration fiscale américaine a décidé de prendre une approche de type « principles over rules ». Après avoir pris conscience de l’existence de montages financiers complexes dont le seul but était de réduire (ou éviter) le paiement de l’impôt, l’administration a décidé de traiter chaque opération selon son objectif financier et industriel, et non pas en fonction du respect des règles écrites qui peuvent être détournées par la mise en œuvre de solutions innovantes.

Ainsi la nouvelle réforme permettait à l’administration de statuer sur l’objectif des transactions : si l’objectif se limitait à réduire le poids de la fiscalité, l’administration refusait le traitement fiscal même si le montage respectait toutes les règles en vigueur.

La même règle fiscale existe en France, où l’administration fiscale fait la différence entre la Loi et l’esprit de la Loi. Un montage dont l’objectif est de réduire le paiement de l’impôt peut respecter la Loi mais violer l’esprit de la Loi : dans ce cas, l’administration fiscale se donne le droit ne pas accepter les déductibilités, etc.

Le régulateur des institutions financières ne dispose pas d’un tel champ d’interprétation de son rôle et de ses prérogatives. La disparité du patchwork de régulation rend lui aussi une interprétation de l’esprit de la Loi difficile.

L’analyse de la crise actuelle nous pousse à chercher un nouveau rôle stratégique, un objectif à assigner au régulateur, en lui donnant le droit de collaborer avec d’autres régulateurs (régionalement et sectoriellement) pour mener à bien sa mission.

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Extraits deVers de nouvelles bulles spéculatives, Melibee (21 mars 2011)

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