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Coup de froid dans les sondages : le glas a-t-il déjà sonné pour Emmanuel Macron ?
©PASCAL GUYOT / AFP

Feu de paille

Les sondages le montrent depuis plusieurs semaines : Emmanuel Macron ne décolle pas, et est même de plus en plus distancé dans le cas où Alain Juppé serait le candidat de la droite.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Une étude réalisée pour Orange et menée en collaboration avec la presse régionale met de nouveau en avant une tendance constatée depuis plusieurs semaines à travers différents sondages : les faibles résultats d'Emmanuel Macron. Dans l'étude mentionnée publiée ce matin, celui-ci est crédité de 11% d'intentions de vote dans le cas où Juppé serait le candidat désigné de la droite (33%), et de 14% dans le cas où ce serait Nicolas Sarkozy (20%). Comment expliquer qu'Emmanuel Macron peine à décoller dans les sondages ? 

Eric Verhaeghe : Disons quand même qu'être crédité de plus de 10% à une élection présidentielle sans jamais avoir tâté du scrutin démocratique n'est pas un si mauvais score. En revanche, je suis d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas d'un score d'homme providentiel susceptible de gagner l'élection. L'attente qu'Emmanuel Macron a suscité sur ce point est plutôt étonnante. En réalité, il existe en France un mythe du jeune sauveur présidentiel ou présidentiable, façon Bonaparte, Jeanne d'Arc ou même, pour remonter à beaucoup plus loin, façon Brenn. C'est le mythe du jeune héros plein d'énergie qui va changer la face du monde. Dans la société française, il existe une sorte de consensus autour de l'attente de ce héros, et, régulièrement, les Français en cherchent la figure et l'incarnation, avec la manie très répétitive d'être déçu par le personnage. Giscard en a fait les frais.

En réalité, le système présidentiel français ne fonctionne pas comme ça. Il faut 20 ans pour "fabriquer" un candidat crédible à une présidentielle. Prenez l'exemple du général De Gaulle: il est apparu dans la vie publique à la fin des années 30, et il lui a fallu attendre vingt ans pour accéder à la présidence par un système de suffrage indirect. Giscard a constitué une exception et Pompidou est arrivé au pouvoir dans des circonstances atypiques. Mais, à partir de Mitterrand, cette règle s'est systématiquement vérifiée. Mitterrand a mis 25 ans pour prendre le pouvoir. Chirac a mis plus de vingt ans si l'on songe que sa carrière a commencé au début des années 70. Sarkozy a détenu son premier mandat en 1986 et a pris la présidence en 2007. Macron peut se féliciter d'aller très vite, beaucoup plus vite qu'eux, sans avoir été candidat à aucune élection. 

Le fait qu'Emmanuel Macron soit désormais obligé de préciser ses positions sur un certain nombre de sujets - et pas seulement économiques - contrairement au flou du début qu'il entretenait et qui pouvait faire que certains plaçaient des espoirs en lui, n'est-il pas le principal élément permettant de comprendre son incapacité à percer dans les sondages ? 

Disons que Macron, peu à peu, doit passer de l'attente à la réalisation. La popularité de Macron se fonde sur la promesse du jeune sauveur. Maintenant, il doit délivrer la promesse et se coller au risque de ne peut-être (et même probablement) pas correspondre à l'espoir que certains ont nourri pour lui ou en lui. C'est toute la difficulté de l'exercice. Pour pousser un peu la comparaison, disons que Macron, d'un point de vue électoral, est aussi vierge que Jeanne d'Arc. Son entrée en campagne, sur la pointe des pieds pour l'instant, va lui faire perdre son pucelage, et c'est à la fois une épreuve de vérité et une injonction paradoxale. Un Macron s'abimera forcément dans la compétition politique, parce que, par nature, le mythe auquel il correspond, sur lequel il capitalise, est celui du sauveur porté au pouvoir par les circonstances et non par l'élection.

En descendant dans l'arène, Macron est obligé de tomber l'armure, de quitter l'Olympe des mythes romantiques français, et de s'abimer dans une course sordide où son avantage comparatif (celui de la virginité électorale) disparaît. Sur ce point, les hésitations de Macron dans sa déclaration de candidature lui jouent un mauvais tour. Il donne le sentiment d'avoir peur, de ne pas oser, là où les Français attendent un héros énergique dont la main ne tremble pas et qui se sent prêt à y aller, qui désire le pouvoir et qui le prend. Au fond, les Français veulent un sauveur qui ravit le pouvoir dans tous les sens du terme, sans attendre le consentement de l'opinion. Désormais, plus Macron tardera à déclarer sa candidature, plus il passera pour un couard qui n'a pas l'étoffe du sauveur, et moins les sondages seront bons pour lui.  

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