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L'Etat Islamique en bonne voie d’être chassé du cœur des territoires chrétiens d’Irak
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Résurrection

L'Etat Islamique avait chassé les chrétiens hors de la plaine de Ninive. Ils sont désormais de retour, et en compagnie de combattants très bien armés.

Danny Gold

Danny Gold

Danny Gold est journaliste pour The Daily Beast.

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Danny Gold. The Daily Beast. Banlieue de Bartella, Irak

"Vous voyez la fumée ? Cela vient de ma ville", dit Karam Hasso, tout excité alors qu’il conduisait sur l’autoroute qui relie Erbil et Mossoul, rosaire à la main et croix accrochée à son rétroviseur.

Jusqu’à ce matin, ce petit bout de route qui amenait Qaraqosh, ville chrétienne dont est originaire Hasso, était sous contrôle de Daesh. "C’est la première fois que je la revois en deux ans", a ajouté Hasso. En 2014, les combattants de l'Etat Islamique étaient arrivés dans la plaine de Ninive par le nord et par l’est en provenance de Mossoul, en répandant la terreur et un sillage de destruction dans les villes et villages chrétiens de cette région. Les locaux racontent que les cloches des églises se sont tues pour la première fois depuis 1600 ans dans cette région lorsqu’elle est tombée dans les mains de Daesh. Les quelques chrétiens restés se sont vus offrir un choix simple : se convertir, partir ou mourir.

Barbe de trois jours, pantalon de treillis et crâne rasé, le trapu Hasso se promène le long de l’autoroute. Il dit que sa famille a vécu à Qaraqosh "depuis le début de l’Histoire", et qu’il était propriétaire de deux cafés là-bas. Il espère qu’ils n’ont pas été détruits. Il montrait une structure en béton détruite et éventrée par du métal. "Il y avait un magasin de produits d’occasion ici", dit-il.

Pour l’instant, la ville natale de Hasso est encore aux mains des soldats de Daesh. Mais l’armée irakienne et les troupes Peshmergas kurdes - soutenues par l’artillerie et les frappes aériennes de la coalition américaine - ont réussi à atteindre Qaraqosh. Cela fait partie de la plus grande opération contre l'Etat Islamique à ce jour.

Les combats ne seront pas faciles. Jeudi dernier, l’armée américaine a annoncé qu’une bombe artisanale avait tué un membre des services secrets américains pas très loin d’ici. C’est la première victime américaine dans cette bataille pour la reprise de la capitale irakienne de Daesh. Le nouveau front s’est ouvert  jeudi dernier au matin alors que les forces conjointes essayaient de libérer deux douzaines de villages. Vers la mi-journée, l’avancée vers Bartella - une petite ville à environ 12 kilomètres à l’est de Mossoul - était conséquente, notamment grâce à la ''division dorée'' de l’armée irakienne. Les Humvees de l’armée irakienne allaient et revenaient à toute vitesse sur la route de Bartella. Des structures de béton fracassées et du métal tordu jonchaient la route, avec de temps à autre un cratère dû à une explosion ou un drapeau rouge pour signaler la localisation d’une bombe artisanale.

Les soldats faisaient des signes de victoire alors que l’artillerie et les mortiers cognaient au loin. Des coups de feu sporadiques se faisaient entendre en provenance de la ville. Sur la route, un vieux combattant Peshmerga de 67 ans, aidé par deux jeunes hommes, boitait au son des explosions. Mohammad Abdul Qadire, de la ville voisine de Kalak, dit qu’il a trois fils et deux frères qui combattent en ce moment au front et qu’il ''voulait voir" ce qui s’y passait.

Le front de Bartella, c’était l’affaire des forces spéciales irakiennes avec à sa tête la Division dorée. Par le passé, cela aurait suffi à faire de cette partie une no-go zone. Les Peshmergas et les forces irakiennes ont souvent été rivaux par le passé, de nombreux kurdes reprochaient à l’armée irakienne d'avoir fui devant la progression de l'Etat Islamique en 2014. Mais maintenant, Qadir, avec ses cheveux gris, sa moustache impressionnante et ses habits traditionnels de Peshmergas (pantalons bouffants, chèche autour de la taille, et une écharpe à motifs d'échiquier autour de la tête) dit ''il n’y a pas de différence entre nous''. C’est même le sentiment d’unité qui prévalait.

A l’abri d’un Humvee de l’armée irakienne, un combattant Peshmerga était assis avec des soldats des forces spéciales irakiennes qui revenaient tout juste du front. Les combattants disaient avoir vu de nombreuses voitures piégées par Daesh ce matin. Mais aussi des snipers, des bombes artisanales et des mortiers. Le Sergent Majar Haidar Ravi, de la Division dorée, a déclaré que les combats "avaient l’air faciles, mais que les voitures piégées et attaques suicides étaient difficiles".

A un moment, il a pris une veste tâchée de sang à l’arrière du Humvee. Trois de ses collègues ont été blessés et son équipe les ont amenés en lieu sûr, dit-il. Mustafa Jabour, le Peshmerga assis avec les deux soldats irakiens, n’avait pas combattu ce jour-là, mais c’est parce qu’il est de Bartella et qu’il attendait de pouvoir retourner dans son village bientôt libéré. Il aurait voulu participer, avec d’autres combattants Peshmergas, aux combats à Bartella. Mais comme Abdul Qadir, il dit qu’il est désormais avec l’armée irakienne. "Il n’y a pas de différence entre nous". `

Cependant, il y avait encore des poches de résistance dans Bartella. Des colonnes de fumées noires et grises montaient au loin. Le bruit des fusils mitrailleurs faisait écho au milieu des bâtiments. Sur le toit d’un bâtiment de quatre étages, donnant la meilleure vue possible de la ville, le général Ma’an Al Sa’adi de la Division dorée irakienne criait ses instructions dans le talkie-walkie et encourageait les différents groupes de soldats à faire la jonction à l’intérieur de la ville. Bartella était quasiment sous contrôle et la ville voisine de Qaraqosh était encerclée. Selon le général, ses hommes devraient entrer dans la ville d’ici vendredi.

"Aujourd’hui, Daesh était ici, dans ce bâtiment'', ajoute-t-il. "Lorsque Daesh a vu l’intensité de l’attaque, cela a affecté leur moral". Alors qu’il parlait, un hélicoptère est passé au-dessus de lui, en ouvrant le feu et en lançant deux roquettes. Le général a dit qu’il pense que ses hommes ont tué près de 80 soldats de Daesh sur un total de 100 qui combattent à Bartella. Pas loin de là, sur un toit, Taher Saeed regardait la fumée qui montait de la ville au loin avec des larmes dans les yeux. Directeur d’une chaîne de télévision, il dit avoir passé les trois derniers jours sur la ligne de front et qu’il "ne pouvait s’arrêter de pleurer". Son cousin est le propriétaire du bâtiment. Lui-même a reçu des appels de sa famille au Liban, en Turquie et en Europe, et des personnes qui attendent de savoir quand est-ce qu'il sera sûr de revenir. Saeed est un catholique syriaque. Il dit qu’entrer de nouveau dans sa ville serait comme une "renaissance". "Quand j’y serai, je vais embrasser le sol", dit-il, ses yeux encore mouillés.

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