CETA : ce Wallon qui défie le monde entier<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Les Francs, qui ont donné leur nom à la France, ont créé leur premier royaume occidental (très décentralisé) sur le territoire actuel de la Belgique et de l’Allemagne de l’Ouest.
Les Francs, qui ont donné leur nom à la France, ont créé leur premier royaume occidental (très décentralisé) sur le territoire actuel de la Belgique et de l’Allemagne de l’Ouest.
©Reuters

Leçon

Alors que les négociations du traité CETA font de plus en plus parler d'elle, le ministre-président wallon Paul Magnette et son Parlement viennent de jeter un pavé dans la mare de la si "démocratique" Union européenne.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Paul Magnette, le ministre-président wallon (si, si, ça existe !), est en train de donner une drôle de leçon de démocratie aux Européens. Son Parlement vient en effet de refuser, malgré les pressions internationales (et notamment européennes) qui s’exercent sur cette minuscule région (dont le PIB est équivalent à celui de l’ancienne région Aquitaine), son consentement à un texte négocié dans des conditions opaques. Et, contrairement à ce qui se passe en France (et ailleurs), chez les Wallons, le ministre-président obéit au Parlement.

L’affaire mérite d’être décryptée par le menu, car elle souligne une fois de plus l’absurdité de l’eurolâtrie en vigueur en France, notamment à gauche, et plus précisément encore à l’Elysée. Elle nous rappelle aussi que la France retrouverait la voix de sa grandeur en s’élevant à un standard supérieur de démocratie.

Pourquoi un front wallon du refus ?

On regardera utilement la vidéo où Paul Magnette, ministre-président wallon, explique pourquoi la Wallonie n’autorise pas le gouvernement fédéral belge à ratifier le CETA :

L’analyse, sur le fond, est simple : l’opacité dans laquelle ce traité est négocié, jointe à des manoeuvres d’intimidation pour obtenir une ratification avec des débats au mieux purement formels, n’est pas compatible avec les valeurs qui inspirent prétendument ce texte. Paul Magnette s’est livré, au passage, à une tirade tout à fait intéressante sur l’échec du multilatéralisme et sur le retour du bilatéralisme qui vaut la peine d’être écoutée.

Les Wallons proposent aujourd’hui une négociation bilatérale sur une déclaration interprétative qui dissiperait leurs doutes.

Une vraie délibération démocratique

Au passage, le Parlement wallon a utilisé une méthode, pour préparer son avis sur ce traité, qui constitue une véritable délibération démocratique dont le Parlement français ferait bien de s’inspirer. De nombreuses séances de discussions, de réflexions, d’auditions, ont eu lieu pendant deux ans avant de passer au vote. Au final, les débats ont opposé les partisans de la signature à ceux qui ont refusé le principe d’équivalence des normes.

Majoritairement, les députés wallons souhaitent que le libre-échange intègre des valeurs environnementales et sociétales fortes (notamment l’exception culturelle). On s’étonnera de ne pas voir les gauches européennes à l’unisson de ces revendications.

Nos ancêtres les Wallons

Les Wallons forment-ils aujourd’hui le dernier village gaulois en Europe ? En les écoutant, on peut le croire, et soudain, les Wallons nous rappellent leur véritable identité. Autant dire que la Wallonie est une invention des anglo-prussiens de 1815 qui ne s’appuie sur aucune rationalité historique autre qu’un goût prononcé pour le communalisme dont les racines sont profondes.

Tous les petits Wallons apprenaient en effet à une époque cette phrase célèbre de la Guerre des Gaules de César :

"Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nomment Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Ces nations diffèrent entre elles par le langage, les institutions et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les Belges sont les plus braves de tous ces peuples, parce qu’ils restent tout à fait étrangers à la politesse et à la civilisation de la province romaine, et que les marchands, allant rarement chez eux, ne leur portent point ce qui contribue à énerver le courage : d’ailleurs, voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin, ils sont continuellement en guerre avec eux".

Durant l’Antiquité, l’indépendantisme wallon constituait donc déjà une légende.

Les Wallons et leur projet impérial

Les Français oublient trop souvent, d’ailleurs, qu’à ce peuplement gaulois mais non celte selon César (ce qui se discute scientifiquement) s’est mélangé, à la fin de l’empire romain, un peuplement franc dont le plus illustre fut Charlemagne. Une petite carte pour se rafraîchir la mémoire de l’état de la France à la fin de l’époque gallo-romaine n’est pas inutile :

Comme on le voit, les Francs, qui ont donné leur nom à la France, ont créé leur premier royaume occidental (très décentralisé) sur le territoire actuel de la Belgique et de l’Allemagne de l’Ouest. L’unification de la France s’est faite sous les auspices de ce peuple initialement originaire d’Allemagne de l’Ouest dont les descendants directs ont eu, au tournant de l’an 800, l’ambition de reconstruire un empire européen avec un empereur appelé Charlemagne.

Charlemagne était né à Herstal, commune de la banlieue de Liège, et son trône se trouvait à Aix-la-Chapelle, dont Martin Schulz, président du Parlement européen, est aussi originaire. On ne peut rien comprendre à la construction européenne et à ses antagonismes internes, si ces petits accidents de l’histoire ne sont pas présents à l’esprit. Ils éclairent en profondeur la capacité de résistance aux pressions internationales que les "Wallons" sont capables d’endurer.

L’absurdité hollandienne démontrée

On entend régulièrement François Hollande et ses amis politiques vanter les bienfaits de l’Europe, de l’intégration européenne, du fédéralisme européen. En quelques jours, les Wallons ont démontré l’impasse politique de ce projet.

Si le Parlement wallon (2,5 millions d’électeurs inscrits), institution improbable et burlesque au demeurant, détient le pouvoir de bloquer un traité qui concerne plus de 500 millions de personnes, il faut y voir l’une des conséquences des choix tant vantés par les eurolâtres aujourd’hui. Le Parlement wallon tient en effet son pouvoir de la Constitution fédérale belge.

On se délectera donc de ce savoureux paradoxe dominant dans les milieux de gauche, où il n’est pas un jour sans l’éloge d’une Europe fédérale, d’une vision girondine et anti-jacobine de la société, où un maximum d’autonomie devrait être donné aux régions. Tous ces beaux discours ont une conséquence immédiate : la fin du multilatéralisme dont ils se prétendent les meilleurs amis, et le retour en force du bilatéralisme diplomatique tant méprisé depuis cinquante ans.

Vers un tour de force wallon ?

Avec un peu de persévérance, le ministre-président Paul Magnette devrait parvenir à faire une superbe clé de bras à ses partenaires européens et rappeler le bon temps où le siège de l’empire se trouvait en Wallonie. Les Wallons imposeront probablement, en échange de leur ralliement au traité, une déclaration interprétative qui remettra en cause les principes mêmes du traité.

Cet arrangement bâtard, dont les Belges sont spécialistes, constituera la meilleure démonstration du naufrage européen. Même dans les pays membres historiques de l’Union, les particularismes locaux imposent leur loi. Et c’est sur le faux peuple wallon, imposture de 1815, que butera cet avatar débile et toxique de l’Europe de Vienne appelé Union européenne.

Preuve est faite, une fois de plus, que si l’Europe veut se construire, ce n’est pas l’héritage de 1945 dont elle doit tourner la page, mais bien celui de 1815.

Cet article a également été publié sur le site d'Eric Verhaeghe, et est disponible ici.

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Arbitrage privé du TAFTA : ce double jeu du gouvernement qui accrédite la thèse du "consensus de Paris" (et fait du PS français une force motrice du néolibéralisme au niveau mondial)Entre la poursuite des négociations et les cris d’orfraie poussés par François Hollande : mais quelle est la véritable position de la France sur le TAFTA ?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !