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Le référendum, seul moyen de réformer une France bloquée ?
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Un grand coup dans les urnes !

Bien souvent entretenue dans une vision idéologique déconnectée de la réalité, la France est difficile à réformer. Mais pour le polémiste François de Closets, le recours au référendum est une arme à double tranchant, à n'utiliser qu'en cas d'absolue nécessité. Mais c'est justement le cas sur la question des finances publiques...

François de Closets

François de Closets

François de Closets mène, depuis une trentaine d’années, une double carrière de journaliste et d’écrivain. Il connaît son premier succès avec Le Bonheur en plus (1974). Après le succès mémorable deToujours Plus ! (1982), François de Closets s’attaque aux sujets les plus divers, et ses essais, toujours dérangeants, recueillent de grands succès auprès du public. Son dernier livre, Le Divorce français, est publié aux éditions Fayard en 2008.. Il a écrit récemment "L'échéance : Français, vous n'avez encore rien vu" ( Fayard - 2011) avec Irène Inchauspé.

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy devrait annoncer un référendum dans l'interview donnée au Figaro Magazine à paraître samedi. Dans cet entretien consacré aux "valeurs", le chef de l'Etat veut utiliser le référendum sur des sujets larges, de société, manifestement pour court-circuiter les corps intermédiaires. Pensez-vous, comme le chef de l'Etat, que le référendum soit le moyen idoine pour accélérer les réformes ?

François de Closets : Le référendum est une arme très dangereuse à manier.  Côté avantages, il donne une légitimité certaine à une réforme et permet de surmonter des oppositions catégorielles. Exemple typique : le référendum instaurant l’élection du Président de la République au suffrage universel contre, il faut bien le dire, l’avis de la classe politique issue de la IV° République. De Gaulle l’a voulu et l’a réussi.
En revanche, il s’est trompé sur le référendum de 1969 qui provoqua son départ. La différence ? Dans le premier cas la question posée était d’une extrême simplicité, dans le second, la réforme du Sénat n’était accessible qu’à un élève de Sciences Po.  La séquence fut rejouée en 2005 avec le référendum constitutionnel. Moralité : si l’on soumet au public un texte compliqué, il va avoir naturellement tendance à se méfier. Si l’on avait posé la question : « Faut-il admettre de nouveaux Etats dans l’Union Européenne ?, » la réponse, dont je ne sais ce qu’elle eût été, aurait été plus significative. Mais, à l’inverse, la question trop simple perd toute signification.
On est tous à peu près d’accord sur les valeurs, mais le diable de la discorde se cache dans les détails, c'est-à-dire dans l’application. Tout le monde sera d’accord pour lutter contre la fraude fiscale, mais sera-t-on d’accord pour généraliser les peines de prison en la matière ? C’est pourtant un domaine où elles pourraient avoir un effet très dissuasif. Mais je ne suis pas certain que la majorité des Français approuveraient. Il me semble bon que, sur les questions simples de principe, on propose une alternative plutôt que tenter de plébisciter une valeur. Mais le référendum est loin d’être une expression démocratique simple et transparente.

La France, selon vous, est-elle bloquée ? 

Bloquée à triple tour à n’en pas douter ! Les Français sont entretenus dans une vision idéologique qui les coupe de la réalité. En France, on ne peut jamais se mettre d’accord sur les faits, sur le diagnostic. Nous déclarons que les faits eux-mêmes sont porteurs de valeurs positives ou négatives. Ainsi de notre situation financière. Elle relève en première approche de la comptabilité. C’est elle qui dit si la situation est dégradée ou pas, soutenable ou dangereuse. Ce travail est fait par la Cour des Comptes et devrait être la base de discussion pour toute la classe politique. Pensez-vous ?

On veut faire croire que la recherche des équilibres financiers est une attitude de droite antisociale et réactionnaire. C’est évidemment idiot car il existe des sociétés libérales, comme la société américaine très endettées et des sociétés sociale-démocrates de type scandinaves qui tiennent leurs finances. Donc, l’exigence comptable se situe en amont des choix politiques, elle doit s’imposer à tous. C’est à ce prix que des pays ont pu redresser leurs finances. En France, nous sommes incapables d’un tel consensus alors même que nos déséquilibres financiers mettent le pays en danger comme le constate Didier Migaud le Président de la Cour des Comptes. Pour débloquer la France, il faudra tordre le coup à l’idéologie et revenir au pragmatisme. C’est ce qu’imposera l’urgence extrême,  celle de l’échéance qui arrive.



Existe-t-il un risque de dérive de l'emploi du référendum vu par certain comme un outil démagogique ? 

Le risque est évident car le référendum se prête à toutes les manipulations. Souvenez-vous de Napoléon III faisant approuver par référendum ses réformes de « l’empire libéral ». C’était habile, mais ça n’a pas empêché le régime de s’effondrer peu après. Donc le pouvoir peut être tenté de poser une question pour la seule satisfaction d’obtenir une réponse positive. C’est un plébiscite déguisé. On trouve la bonne question, celle à laquelle on ne peut répondre « Non » et c’est gagné. Plus habilement, on prend le corps électoral dans le sens du poil. Il était évident en 1962 que les Français préféreraient élire eux-mêmes le chef de l’Etat.
On peut donc multiplier les référendums démagogiques. Imaginez qu’on ait organisé un référendum sur la peine de mort. Notez que le sujet s’y prête fort bien. Mais on sait ce qu’eut été le résultat. Donc, il y a toujours un risque de manœuvre politicienne dans l’organisation même de la consultation. Mais le peuple, n’est pas de reste dans la manipulation. Le plus souvent il transforme le référendum en plébiscite et, se souciant de la question comme d’une guigne, vote pour ou contre le chef de l’Etat. N’oubliez pas, en outre, que la multiplication de telles « votations » aboutit à des taux catastrophiques d’abstentions. Au total, il me semble que la procédure référendaire doit être solidement encadrée. Qu’on ne doit y recourir qu’en cas d’absolue nécessité.


Quel serait selon vous le référendum à proposer aux Français ?

Aujourd’hui, cela me semble être le cas pour l’interdiction des déficits. A condition que ce soit une règle d’airain et pas d’or. Que la proposition tienne en cinq lignes. « Tous les budgets de fonctionnement, de l’Etat, des collectivités territoriales et de la Sécurité Sociale, doivent être présentés et exécutés en équilibre. Les budgets qui ne répondent pas à cette exigence sont déclarés nuls par‘ la cour des Comptes et le Conseil Constitutionnel. Si l’exécution du budget fait apparaître un déficit, les gestionnaires responsables doivent s’en expliquer en cour de Discipline budgétaire. » Si les Français votaient la constitutionnalisation de cette règle,  la menace financière qui pèse sur notre pays reculerait.

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