Douche froide pour la Grèce : le camp des durs européens l’emporte sur ceux qui tentaient d’aider le pays à restructurer sa dette<!-- --> | Atlantico.fr
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La Grèce continue de chuter. Elle n'a ni la capacité d'avoir de la relance budgétaire, ni les moyens nécessaires pour avoir une relance productive et mettre en œuvre une politique industrielle. La Grèce est condamnée à une stagnation et une paupérisation.
La Grèce continue de chuter. Elle n'a ni la capacité d'avoir de la relance budgétaire, ni les moyens nécessaires pour avoir une relance productive et mettre en œuvre une politique industrielle. La Grèce est condamnée à une stagnation et une paupérisation.
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Tragédie grecque

Selon toute vraisemblance, le FMI ne participera pas au dernier programme d'aide à la Grèce, se contentant d'un statut de "conseiller spécial". Une victoire pour le ministre des Finances allemand Wolfgang Schaüble, farouchement opposé à une restructuration de la dette grecque. L'Allemagne est désormais seule aux manettes du dossier.

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste de questions de politique budgétaire, sociales et des systèmes de retraite.

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Atlantico : Selon une information de l'agence Reuters (lire ici), le FMI ne participera pas au dernier programme d'aide accordé à la Grèce, se contentant d'un statut de conseiller spécial. Alors que cette décision devrait couper court à tout projet de restructuration de la dette grecque, dans quelle mesure est-ce une "victoire" pour l'Allemagne et notamment son ministre des Finances Wolfgang Schaüble ?

Henri Sterdyniak : Le FMI ne pouvait pas participer à ce dernier programme d'aide à la Grèce. C'était tout à fait contraire à ses principes : le FMI ne participe qu'à des programmes dans lesquels il considère que la dette est soutenable et que la stratégie est cohérente. Or, le FMI a toujours considéré que le programme tel que le proposait l'Allemagne n'avait aucune cohérence puisqu'on demandait des efforts fabuleux à la Grèce, efforts qui ne permettaient pas de réduire la dette grecque et notamment de rembourser le FMI. Il est donc tout à fait logique que le FMI considère que la situation de la Grèce n'est pas soutenable et qu'il se retire du projet.

D'un côté, c'est un échec pour l'Allemagne puisqu'elle perd un allié et une organisation qui faisait pression pour la mise en place de politiques relativement rigoureuses. D'autre part, cela montre que le plan allemand est jugé complètement incohérent et insoutenable par une organisation aussi sérieuse que le FMI, ce qui est gênant.

De l'autre côté, l'Allemagne se retrouve maintenant aux commandes de l'opération puisque le FMI a décidé de s'y retirer. L'Allemagne n'est pas obligée maintenant d'avoir un plan de restructuration cohérent, puisqu'il n'y aura plus le FMI pour lui reprocher ce type de plans.

Ce programme sera maintenant dirigé par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), l'Eurogroupe, la Banque Centrale Européenne… Des organismes où l'influence de l'Allemagne est importante. C'est donc maintenant sur l'Allemagne que repose l'histoire.

Comment peut-on qualifier la situation de la Grèce désormais ? Alors que de gros efforts ont été faits récemment (3,3 milliards d'euros d'excédent budgétaire primaire pour les 6 premiers mois de 2016), une restructuration de la dette était l'objectif du Premier ministre Alexis Tsipras, en échange de son "obéissance" vis-à-vis de la troïka. La Grèce est-elle désormais condamnée ? Est-il possible d'imaginer une solution permettant un retour durable de la croissance en Grèce, et ce, sans passer par une telle restructuration ?

J'ai du mal à l'imaginer. L'Eurogroupe et la troïka imposent à la Grèce d'avoir un excédent primaire de 3,5% du PIB et lui imposent en permanence de poursuivre des politiques d'austérité qui ne lui permettent pas d'avoir des politiques de relance budgétaire et des politiques industrielles qui seraient une alternative à l'enfoncement dans la stagnation avec des efforts d'austérité qui pèsent sur la population et les perspectives d'investissement.

Jusqu'à présent, la Grèce continue de chuter. Elle n'a ni la capacité d'avoir de la relance budgétaire, ni les moyens nécessaires pour avoir une relance productive et mettre en œuvre une politique industrielle. La Grèce est condamnée à une stagnation et une paupérisation relativement importante.

Alors que la nécessité d'une restructuration de la dette grecque est reconnue non seulement par le FMI mais aussi par la plupart des économistes, comment expliquer la position de l'Allemagne dans ce dossier ? S'agit-il d'une simple position électoraliste, ou peut-on imaginer une logique économique ?

Il y a 3 raisons selon moi.

La première raison relève effectivement d'une logique électoraliste. Le gouvernement ne veut pas reconnaître qu'il faut perdre quelques milliards pour restructurer la dette grecque. Le gouvernement allemand refuse d'inscrire une perte de 25 milliards au titre de la Grèce. Du point de vue des électeurs, cela signifierait que les Allemands paieraient pour les Grecs, des gens qui ont une meilleure protection sociale qu'eux, etc. La première explication réside donc dans la volonté de ne pas donner des biscuits à ceux qui sont contre toute aide aux pays en difficulté.

La deuxième raison est plus "normale" : le gouvernement allemand refuse de prendre ses pertes. C'est-à-dire qu'effectivement, la Grèce doit grosso modo 380 milliards d'euros, et le gouvernement allemand considère qu'il n'y a qu'à faire tourner cette dette. Tous les ans, la Grèce rembourserait une partie qu'on lui re-prêterait, et ce mécanisme pourrait durer à l'infini… Tous les ans, on prête 40 milliards à la Grèce, qui utiliserait ces 40 milliards pour rembourser ses créanciers, et donc on n'a pas besoin d'enregistrer les pertes : il suffit simplement de faire tourner année après année la dette grecque. Du point de vue politique, c'est une meilleure solution que la première. On reporte la dette à l'infini. Si la Grèce ne rembourse pas, à la limite ce n'est pas gênant…

La troisième raison, liée à la deuxième, réside dans le fait que si la Grèce est obligée de quémander chaque année 40 milliards d'euros pour faire semblant de rembourser sa dette, cela permet de la contrôler en permanence. Si on lui faisait cadeau de sa dette, la Grèce serait libre de faire la politique qu'elle veut. L'avantage de ne pas restructurer la dette, c'est qu'on peut surveiller année après année ce que fait la Grèce. L'objectif de l'Allemagne est de maintenir une pression importante sur la Grèce pour qu'elle soit obligée de revenir régulièrement demander de l'argent. Si on lui faisait cadeau de cet argent, on ne la contrôlerait pas.

L'Allemagne ne veut pas faire de cadeau à la Grèce. Les deuxième et troisième explications impliquent que la Grèce soit indéfiniment sous la domination de la troïka ou de l'Allemagne.

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