Sans concessions
Le spectacle - unique en Europe - des mendiants dans la rue peut-il faire douter des ravages de l'économie collectiviste à la française ?
Marqueur étalon des candidats de la primaire de la droite et du centre, le libéralisme semble réhabilité au moins dans une partie de l'électorat français. Charles Gave, de l'Institut des libertés, prend sa défense dans un ouvrage intitulé "Sire, surtout ne faites rien !".
Charles Gave
Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.
Atlantico : Le libéralisme semble s'être invité dans la primaire de la droite et du centre, et fait même office de marqueur de comparaison entre les candidats. Pour autant, la droite française est-elle vraiment libérale ? Un candidat comme Nicolas Sarkozy, par exemple, peut-il réellement concilier libéralisme et politique identitaire ?
Charles Gave : Le libéralisme doit représenter environ 5% des voix en France. À ce titre, il s'invite dans toutes les campagnes présidentielles en France, pour retourner à son obscurité dès que l'élection a eu lieu. La soi disant droite française, surtout dans sa déclinaison gaulliste, est profondément bonapartiste, regroupée autour de son "chef", et l' exemple caricatural en est bien sûr monsieur Sarkozy.
Vous écrivez dans votre ouvrage "Sire, surtout ne faites rien !" que "les solutions collectives ne marchent pas, que chacun d'entre nous doit s'améliorer (…) et que c'est de cette somme d'amélioration individuelle que viendra le progrès". Vous ajoutez "il faut que nous passions du droit de l'État à l'Etat de droit", ce qui correspond à "soumettre notre moloch étatique au droit commun". Quels sont les ravages de cette économie collective que vous entendez dénoncer ? A l'inverse, comment traitez-vous la critique (habituelle) qui voudrait que le libéralisme soit responsable de la dernière crise économique ?
En ce qui concerne les ravages de l'économie collectiviste que vous mentionnez, on peut commencer par l'effondrement du système d'éducation qui se prolonge par le fait que le taux de chômage en France atteint des plus hauts, en continuant peut être par l'exil forcé de la partie la plus productive de la population, et en finissant par le spectacle des mendiants dans la rue que l'on ne voit dans aucun autre pays européen. Ajoutons, pour faire bonne mesure, le délabrement total de notre système de santé et de notre justice complètement politisée, et tout cela devrait suffire.
Quant à la responsabilité du libéralisme dans la crise dite des subprimes, j' y ai consacré un livre, Libéral mais non coupable, dans lequel je démontrais que cette crise était une crise du capitalisme de connivence, mais surtout de l'intervention de l'Etat américain dans les procédures de distribution du crédit aux Etats-Unis. Ce livre peut être téléchargé à partir du site de l'Institut des Libertés. La prochaine crise sera celle de l'explosion de l'euro, création purement technocratique s'il en fut.
La droite fait souvent référence à une certaine forme de superbe que la France aurait perdu. Jacques Chirac, face à Lionel Jospin notamment, employait déjà cette rhétorique en 1995. Comment concilier les attentes d'un État fort, respecté et régalien, de la droite tout en le limitant au maximum dans l'économie ? Un État à la fois fort et libéral, est-ce possible ou s'agit-il d'une contradiction de la droite française ?
Le libéralisme n'est pas une théorie économique mais une construction juridique qui prône l'égalité de tous devant la Loi. Les deux présidences de monsieur Chirac ont contribué plus que toutes autres au délitement de l'Etat français. Un Etat doit avant tout décharger à la satisfaction générale ses fonctions régaliennes, justice, ordre public, diplomatie, organisation du territoire, maintien d'une monnaie saine, et défense nationale. En abandonnant le franc, Chirac a trahi la France comme peu d'hommes politiques avant lui. Il est le dernier que l' on devrait citer quand on parle d'un Etat fort. Quand à être libéral, il ne l' a jamais été.
Finalement, comment expliquer la crainte que les Français peuvent éprouver à l'égard du libéralisme aujourd'hui, alors même qu'aux yeux de nombreux observateurs, notre économie est trop sociale ? Selon un sondage Ifop pour Atlantico publié fin mai 2016 (voir ici), l'intégralité de la population (et même à droite !) n'est pas encore tout à fait convertie… Comment la rassurer ?
Je crois simplement que les Français sont mal informés tant la classe politique veut les maintenir, en état d'infantilisme. Le libéralisme est la doctrine juridique issue des Lumières et le refuser, c'est, dans le fond, renier la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen pour adopter une doctrine de socialisme national qui est en train de nous amener dans un désastre sans précédent. Le pari que je fais est que nous sommes proches du désastre, et qu'une fois le désastre atteint, nous saurons nous redresser comme nous l'avons souvent fait dans notre longue histoire. Et l'outil de ce redressement sera la liberté et non pas l'État.
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