Rencontre du Pape François avec l'archevêque de Canterbury : une main tendue qui ne comblera pas le fossé entre anglicanisme et catholicisme<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le pape François est en fait un homme de processus : il veut construire des ponts. La prière des vêpres dans l’Eglise romaine de San Gregorio al Cielo est un de ces ponts. François veut montrer qu’il est nécessaire d’aller vers l’autre.
Le pape François est en fait un homme de processus : il veut construire des ponts. La prière des vêpres dans l’Eglise romaine de San Gregorio al Cielo est un de ces ponts. François veut montrer qu’il est nécessaire d’aller vers l’autre.
©Reuters

Pape médiatique

Le pape François et l'archevêque de Canterbury Justin Welby célébreront ensemble ce mercredi une cérémonie de prière à Rome, une grande première historique. Alors que la volonté de rapprochement œcuménique et de dialogue inter-religieux de François n'est plus à démontrer, reste à savoir quels résultats peut bien donner cette rencontre.

Christophe Dickès

Christophe Dickès

Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique étrangère et à la papauté (L’Héritage de Benoît XVI, Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde). Il est enfin le fondateur de la radio web Storiavoce consacrée uniquement à l’histoire et à son enseignement.

 

Voir la bio »

Atlantico : Ce mercredi, le Pape François et l'archevêque de Canterbury Justin Welby célébreront ensemble à Rome la prière des vêpres, une première après près de 500 ans de schisme entre les Églises catholique et anglicane. François s'est aussi récemment illustré par des rencontres avec Kirill, patriarche orthodoxe de Moscou, ou encore avec l'imam d'Al-Azhar. Cet engagement envers le dialogue œcuménique et le dialogue inter-religieux s'inscrit-il dans la lignée des précédents pontificats ? 

Christophe Dickès : Oui tout à fait, l’engagement œcuménique a été renouvelé depuis le concile Vatican II et le décret Unitatis Redintegratio (Restauration de l’unité) de 1964. Même si, dans l’histoire, cet engagement trouve ces racines dans le protestantisme du XIXe siècle. Mais il ne faut pas confondre œcuménisme et dialogue interreligieux. Schématiquement, l’œcuménisme vise à restaurer l’unité perdue selon la parole de l’évangile de saint Jean : Ut unum sint. C’est-à-dire : "lls seront tous un". Le dialogue interreligieux vise les autres religions comme l’Islam, les croyances extrême-orientales, etc.

Tous les papes, de Paul VI (1963-1978) à François, se sont engagés en faveur de l’œcuménisme mais à des degrés divers et selon les confessions. En 1966, il y eut une première rencontre historique entre l'archevêque anglican de Canterbury, Michael Ramsey, et le pape Paul VI. Autre exemple, celui des relations avec l’orthodoxie. Elles ont été très fructueuses sous le pontificat de Benoît XVI, ce qui a permis la rencontre du pape François et de Kirill, le patriarche de Moscou, en février dernier. Sous le pontificat de Jean-Paul II, ces relations furent plus difficiles même si Jean-Paul II a écrit une encyclique majeure sur la question en 1995.

Quelle est la particularité de la "méthode François" ?

Plus que Jean-Paul II à mon sens, François s’impose comme un homme de médias et donc d’images à l’heure où, avec Internet, chaque photo peut faire le tour du monde en quelques secondes. Quand François se recueille quelques minutes contre le mur qui sépare la Palestine d’Israël, il sait que son geste aura un retentissement mondial. Cette prière avec l’archevêque de Cantorbéry entre dans le cadre de cette communication. Toute proportion gardée, elle est aussi symbolique que la rencontre du pape argentin avec l’imam de l’université du Caire en mai dernier. Quant au fond, le pape est en fait un homme de processus : il veut construire des ponts. La prière des vêpres dans l’Eglise romaine de San Gregorio al Cielo est un de ces ponts. François veut montrer qu’il est nécessaire d’aller vers l’autre.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles peut se heurter François dans cette volonté de bâtir des ponts interconfessionnels ? 

Construire des ponts est une chose, savoir où l’on va ensuite en est une autre. Il existe un fossé immense entre l’anglicanisme et le catholicisme. Fossé théologique, fossé moral mais aussi ecclésiologique (sur la conception de l’Eglise). Chez les anglicans, les femmes peuvent devenir prêtre et évêque. Les prêtres peuvent se marier et le mariage des homosexuels est reconnu par l'Eglise épiscopale des Etats-Unis, créant ainsi des divisions... Toutes ces évolutions ont provoqué de graves crises au sein même de l’anglicanisme. D’ailleurs, un des succès du pontificat de Benoît XVI est d’avoir réintégré au sein de l’Eglise catholique une partie des anglicans, qui refusaient justement ces changements. Nous étions en 2009.

Doit-on ériger cette vision au rang de priorité pour l'Église catholique, ou cette dernière a-t-elle d'autres problèmes plus urgents à résoudre ?

L’œcuménisme, encore une fois, fait partie des questions majeures que les papes successifs ont souhaité traiter. Mais il y a bien d’autres priorités pour l’Eglise catholique : "la guerre mondiale contre la famille" que le pape évoquait le week-end dernier en est une. La question de la persécution des chrétiens dans le monde en est une autre. Enfin, la priorité pour nous Occidentaux est aussi la déchristianisation. Et la crise anglicane pousse l’Eglise à ne pas emprunter le même chemin qu’eux. De fait, si l’Eglise catholique suit le même chemin que les anglicans en intégrant ces conceptions nouvelles dont je parlais dans votre question précédente, elle prendra le risque de graves crises internes. Il suffit de voir les polémiques autour d’Amoris Laetitia, l’exhortation apostolique du pape François publiée après le synode sur la famille, pour s’en convaincre. 

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Un pape et un patriarche à Cuba, ou pourquoi ce rapprochement historique est une grande avancée pour la diplomatie mondialeRencontre au sommet entre le pape et l'imam d'Al-Azhar : pourquoi François devrait tout faire pour sortir le dialogue islamo-chrétien du sens unique dans lequel il est enfermé (mais le souhaite-t-il...?)

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !