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SOS candidat Président non déclaré en recherche d'événements pour faire campagne (sans comptabilisation des frais)
©Reuters

Think Tanks et fondations

Si François Hollande a déclaré qu'il annoncerait sa candidature à sa réélection après la primaire de la droite et du centre, il semble depuis son discours de Wagram avoir intensifié sa présence sur le terrain en France, plus dans une posture électoraliste que présidentielle. Une campagne officieuse que ses opposants lui reprocheront certainement et qui pourrait au final davantage l'affaiblir.

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus est un journaliste politique français. Spécialiste des questions de l'Elysée et du Gouvernement pour i-Télé, il a déjà publié divers ouvrages dont Tir à vue: La folle histoire des présidentielles, avec Frédérique Bredin, aux édtions Fayard, 2011 (disponible ici). 

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Ce jeudi soir, François Hollande prononcera un discours à l'occasion des 20 ans de l'Institut Jacques Delors, un événement financé  par l'Institut. Depuis le discours de Wagram, quels sont les moyens dont use François Hollande pour faire campagne sans être candidat et sans engager de frais de campagne ? Dans quelle mesure agit-il comme un candidat non déclaré ? Quels sont les exemples pouvant l'illustrer ? 

Eric Verhaeghe : La première arme de François Hollande pour faire campagne sans faire campagne, c'est de ne pas déclarer sa candidature. Tant qu'il n'est pas officiellement candidat, tant qu'il fait planer un doute sur le fait même d'être candidat, il ne peut être accusé d'engager des dépenses de campagne sans le dire. De ce point de vue, son intérêt est de continuer à mener les efforts qu'il a entrepris depuis septembre. Il est fascinant de voir qu'il peut enchaîner, dans une même journée, trois ou quatre événements où il prononce des discours qui comportent souvent des éléments programmatiques, ou, en tout cas, comme dans la salle Wagram, des points-clés qui résonnent comme des discours de campagne. L'enchaînement de trois discours dans une journée est susceptible de lui accorder de la visibilité. Toutefois, il faut prendre ces éléments avec un peu de distance. Contrairement à Nicolas Sarkozy, qui "fait le buzz" chaque fois qu'il prononce un discours, François Hollande fonctionne toujours en accord avec lui-même, c'est-à-dire sans véritablement imprimer sa marque, ou sans arriver à canaliser l'attention des électeurs. Depuis Wagram, d'ailleurs, aucun des discours de François Hollande n'a véritablement fonctionné. Sa baisse continue dans les sondages le prouve : Hollande n'est pas l'homme du sursaut.

Jean-Jérôme Bertolus : Il faudrait tout d'abord s'entendre sur ce que veut dire "candidat non déclaré". Un candidat "non déclaré" n'existe pas, en somme. En 2011, lorsque Nicolas Sarkozy a fait des rassemblements – on peut penser à celui de Toulon (réintégré dans ses comptes de campagne), à celui de Fessenheim, etc. –, il était clairement un candidat plus ou moins déclaré. Aujourd'hui, le principal problème de François Hollande est qu'il est bien un candidat non déclaré. C'est pour cela que certains de ses proches le poussent à aller plus loin (sans forcément se déclarer), à parler aux Français d'une manière qui laisse entendre qu'il sera candidat.

C'est un Président qui en fait parfois beaucoup en termes de déplacements – et encore, cela varie d'une semaine à l'autre. Il a un emploi du temps qui parfois n'a pas la signification qu'on lui prête. Il peut être en campagne une semaine, puis ralentir la fréquence de ses déplacements la semaine suivante. Ensuite, il n'est pas forcément juste de dire que François Hollande est un candidat non déclaré depuis le discours de Wagram. Wagram, ça ne parle à personne. En mai 2016, il avait fait un brillant discours au Rond-Point, mais personne n'en était averti. Les rédactions ne l'ont pas relayé, ça n'a eu aucun écho… Pour Wagram, l'Élysée avait vraiment organisé le service après-vente, voire le service "avant-vente". Les parlementaires ont été mobilisés, lui-même a mouillé la chemise en travaillant son discours plusieurs jours auparavant, y compris lors d'un déplacement au Vietnam... Il s'est beaucoup investi et la machine politique s'est un peu mise en route. Mais en même temps, à qui parle-t-on quand on parle à 11h du matin dans un théâtre ? On ne parle pas aux Français, mais au milieu journalistique et politique. Or, être un candidat "non déclaré", ce n'est pas ça. Pour l'instant, les déplacements de François Hollande n'impriment pas. Les journalistes politiques glosent sur le match annoncé avec Nicolas Sarkozy, mais ce match a une connotation très négative dans la tête des Français. D'ailleurs, les sondages ne bougent pas du tout actuellement pour François Hollande, qui va très vite trouver sur son chemin Emmanuel Macron. Si l'on en reste à ce président selon moi trop confiné dans l'institutionnel, derrière les palais de la République, qui ne va pas au contact – à Jussieu lors de la rentrée universitaire, il est rentré par un parking et sorti par un parking –, on n'est pas en présence d'un candidat non déclaré selon moi. Un candidat non déclaré, c'est quelqu'un qui va au contact et essaie de remonter la pente dans les sondages.

Jusqu'à l'annonce officielle de sa candidature, les déplacements de François Hollande ne seront pas comptabilisés dans ses comptes de campagne. Or, les apparitions publiques de François Hollande sont quasi quotidiennes : ce lundi, il a inauguré la grande école numérique au Kremlin-Bicêtre ; mercredi, il a visité le centre de recherche de Safran ; jeudi, il prononcera une allocution sur la démocratie à la présidence de l'Assemblée nationale puis, le soir, parlera de l'Europe devant l'Institut Jacques Delors ; vendredi, il interviendra au congrès de l'Union syndicale des magistrats à Dijon. Quel est le risque pour François Hollande de se voir accuser par ses opposants d'avoir mené une campagne électorale avant l'heure et de s'être ainsi affranchi des règles en termes de dépense ? De telles accusations pourraient-elles le fragiliser davantage ?

Eric Verhaeghe : Il faut comprendre que les règles en matière de financement électorale sont tout sauf simples à interpréter. Officiellement, les dépenses de campagne sont comptabilisées un an avant les élections. Mais les dépenses liées à la primaire changent la donne. Un avis du Conseil d'Etat de 2013 a précisé la règle d'interprétation : les dépenses contractées pour la primaire ne se surajoutent pas aux dépenses contractées pour la présidentielle, si et seulement si ces dépenses visaient effectivement la primaire et ne concernaient pas la présidentielle elle-même. Ces nuances sont évidemment inextricables, d'autant que les primaires devraient être très ouvertes aux électeurs de tous bords. On peut penser que Juppé serait le candidat le plus gêné par cette interprétation du Conseil, dans la mesure où il appelle indistinctement les électeurs de droite et de gauche au scrutin, il risque bien d'être accusé d'être déjà candidat à la présidentielle avant même d'avoir gagné le permis de s'y présenter. Pour François Hollande, le choix d'une primaire tardive permet de contourner la  règle pendant plusieurs précieuses semaines. La primaire de la gauche permettra aux candidats de faire campagne jusqu'en janvier 2017 sans faire basculer leurs dépenses dans les comptes de campagne. L'intérêt de François Hollande est en effet que personne ne s'en rende compte. 

Jean-Jérôme Bertolus : François Hollande a toujours fait ce genre de déplacements. On peut se demander à quoi servent ces inaugurations et ces déplacements dans la France moderne de 2016. Quant à l'Assemblée nationale, c'est exactement dans la grande lignée de Wagram. Évidemment, l'opposition peut à juste titre s'insurger du caractère politique de ces déplacements. Mais à qui ça parle, un discours à l'Assemblée nationale sur les institutions ? Pas aux Français. Ceux qui croient vraiment en François Hollande l'espèrent, mais ce n'est pas le cas. Au sujet du déplacement à Calais, le plus extraordinaire reste le fait qu'il n'avait jamais foutu les pieds à Calais. La plupart des déplacements de François Hollande ne sont pas mentionnés dans la presse.

Arnaud Montebourg pointe effectivement Wagram. Mais encore une fois, si l'on veut parler aux Français, on ne parle pas dans un théâtre à 11h du matin. Toutefois, il est vrai que plus on va se rapprocher de la primaire de gauche, plus il sera confronté à ce risque et plus ses adversaires seront vigilants. Mais le risque sera assez minime en termes de temps, puisque pendant les mois d'octobre et de novembre l'espace médiatique sera occupé par la primaire de droite. Je pense par ailleurs qu'il sera très prudent sur ce point-là, car il saura se souvenir de l'expérience de 2012.

Alors qu'aucun président de la Vème République n'a été aussi impopulaire, François Hollande peut-il inverser la tendance au cours des deux prochains mois ?

Jean-Jérôme Bertolus : Il peut inverser la tendance car cette élection sera hors normes. Sous la Vème République, chaque élection présidentielle est un peu hors normes. C'est le prix d'une présidentielle au suffrage universel : à chaque fois, c'est du théâtre et des coups de théâtre. Il y a eu des surprises à chaque fois. On est plus sur une focale très court-termiste que sur un vrai débat d'idées. De plus, à ce stade, on constate qu'aucun candidat, déclaré ou non, ne suscite l'adhésion. On passe par des primaires à droite et à gauche. Un président qui passe par une primaire sous la Vème République, c'est hors normes. C'est du jamais vu. Il faudra aussi prendre en compte le contexte antiterroriste très particulier.

La seule chance de François Hollande, c'est qu'on peut se dire que cette campagne, plus que d'autres, sera déterminante. L'opinion publique est globalement à un tel niveau de rejet de la politique que l'élection sera déterminante. Beaucoup de gens se décideront à la dernière minute.

Par ailleurs, en mettant à plat la majorité et en faisant d'elle un champ de ruines, il va encore en profiter pour essayer de faire en sorte que la gauche se rassemble à un moment ou un autre derrière lui pour cette élection présidentielle au scrutin majoritaire à deux tours.

Au-delà de ses apparitions publiques, quelles stratégies mène-t-il en coulisse pour rallier à lui des soutiens ?

Jean-Jérôme Bertolus : Il commence extrêmement modestement, mais il faut dire que c'est un tel champ de ruines... Il essaie de faire en sorte que Martine Aubry ne soit pas contre lui, il essaie de ramener Christiane Taubira. Pour l'instant, il n'essaie même pas au-delà du Parti socialiste, mais dans le Parti socialiste, envers des gens qui n'auraient jamais dû s'éloigner de lui… Aujourd'hui, il s'efforce déjà que ces personnalités le soutiennent ou qu'elles aient au moins une neutralité bienveillante. C'est comme cela qu'il commence, mais il part de très loin ! Même les radicaux ne savent pas très bien s'ils vont se présenter à la présidentielle ou pas… C'est quand même fou, pour un groupe quasiment satellite du PS depuis toujours. Il doit donc commencer par la base de la base et essayer de reconstruire patiemment sa majorité perdue.

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