Bridget Jones's Baby : non seulement un bon film mais un film important<!-- --> | Atlantico.fr
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l est encore terriblement peu commun qu'un film avec des femmes comme personnages principaux soit considérés suffisamment commerciaux pour mériter une franchise.
l est encore terriblement peu commun qu'un film avec des femmes comme personnages principaux soit considérés suffisamment commerciaux pour mériter une franchise.
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THE DAILY BEAST

Aux Etats-Unis, le 'nouveau ''Bridget Jones'' a déclenché des polémiques inutiles sur l'apparence de Renée Zellweger. Ce n'est pas un grand film, mais c'est un bon film (sortie le 7 octobre)

Kevin Fallon

Kevin Fallon

Kevin Fallon est journaliste pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Kevin Fallon

Cela fait toujours plaisir de retrouver une "déesse dévergondée du sexe" qui nous est chère. Et la première fois que l'on retrouve Renée Zellweger à l'écran dans le rôle principal de Bridget Jones’s Baby, oui, cela provoque une réaction viscérale immédiate : on est ravi de la revoir. Un (trop) grand nombre de journalistes américains ont détourné ce qui était au départ une question intéressante (est-ce une bonne idée de faire une suite à une franchise 12 ans plus tard ?) en un sujet sexiste et inintéressant à propos du physique de l'une des actrices les plus respectées et talentueuses de ces dernières années. C'est passer à côté de l'essentiel, à plus d'un titre.

Bridget Jones’s Baby marque non seulement le retour de Renée Zellweger dans un rôle qu'elle n'avait pas joué depuis plus de dix ans, mais également son retour en tant qu'actrice, après une pause de six ans (et un film qui nous intéresse pour la première fois depuis, soyons honnête, Bridget Jones: l'âge de raison en 2004). Lorsque vous la regardez, vous retrouvez immédiatement son charme à l'écran. Son accent britannique est étudié avec soin : il est de notoriété publique que l'actrice a suivi un entraînement olympique pour maîtriser cette langue et ses tournures, et qu'elle ne s'en est pas départie une seule fois pendant les quatre mois du tournage de Bridget Jones’s Baby.

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Lorsque nous retrouvons notre héroïne, c'est la même voix so British qui nous lit son journal en voix off. Dans un clin d'œil au premier film, sorti en 2001, Bridget souffle une bougie d'anniversaire, seule dans son appartement, avec All by myself chanté par Céline Dion en fond sonore. Le rôle va toujours comme un gant à Renée Zellweger, lui permettant d'y mettre un côté naturellement empoté, plus une touche coquine effrontée. Mais ce qui est remarquable, alors que l'on apprend ce qui s'est passé pour Bridget pendant toutes ces années, c'est que l'on se rend compte qu'elle s'est posée.

Dans le monde des franchises de films et de l'impératif commercial de "donner aux gens ce qu'ils veulent", il semblerait presque audacieux de nous présenter un personnage ayant évolué de façon crédible au lieu de la faire repartir de zéro.. Bridget est désormais une productrice de télévision accomplie, une femme svelte sans problèmes de poids, avec une vie romantique des plus calmes,  En outre, avec toutes ces disgressions sexistes que nous avons eu aux Etats Unis sur le physique de Renée Zellweger, personne n'a défendu ce film comme une grande victoire dans le débat sur l'égalité des sexes, la représentation des femmes et leurs perspectives dans le secteur audiovisuel.

Il est encore terriblement peu commun qu'un film avec des femmes comme personnages principaux soit considérés suffisamment commerciaux pour mériter une franchise (Hunger Games, Divergente et The Hit Girls sont de rares exceptions), alors ne parlons pas d'un film qui s'adresse à un public presque exclusivement féminin. La trilogie de Bridget Jones n'est pas une série de films d'action. Ce sont des comédies romantiques autour d' une femme complexe, avec ses défauts, mais qui est bien réelle malgré les exagérations. Et, les trois films ont été réalisés par des femmes. En plus, l'actrice principale a 47 ans révolus. Alors que l'on attend (toujours) la franchise de super-héros qui mettra en vedette des femmes fortes, nous avons ici Bridget Jones sur des affiches et dans des publicités télévisées, toujours aussi fascinante 15 ans après.

Elle ne sauve pas le monde, c'est sûr. Mais c'est une des rares icônes visibles dans un secteur touché commercialement par l'invisibilité des femmes. Mais continuons plutôt à parler des sourcils de Renée Zellweger… D'une certaine façon (mais certainement pas de la façon dont tous les tabloïds s'en sont emparés pour le jeter de façon agressive à la tête absolument charmante de l'actrice), il est normal de parler d'apparence quand on parle du dernier Bridget Jones. C'est une trilogie qui nous invite à avoir un rapport critique à l'image du corps, d'une façon consciente et bon enfant, car c'est l'attitude même de Bridget Jones. Mais son angoisse face au kilos, au vieillissement et à la possibilité de ne pas avoir la tenue adaptée à chaque occasion n'est ni autodestructrice, ni mesquine, contrairement à ce qui blesse une actrice et une culture qui souffrent de la honte qu'on leur impose.

Bridget n'est pas sûre d'elle-même et elle fait de son mieux, c'est pour ces raisons qu'on l'adore. On ne la juge pas. Voir Bridget aux prises avec les concepts de confiance en soi et d'acceptation de soi et entreprendre courageusement de s'améliorer, alors qu'elle bataille encore avec les outils et la conviction nécessaire pour y arriver, nous rassure car cela nous rappelle que nous ne sommes pas les seuls à vivre cette situation. C'est un cadeau que Renée Zellweger nous a offert en jouant ce rôle.

Nous avons de la chance qu'elle ait à nouveau endossé le personnage. Ce n'est pas pour autant que la naissance de Bridget Jones’s Baby s'est passée sans complications. Son parcours éprouvant pour arriver à terme, ses différents réalisateurs, scénaristes divers et variés, jusqu'à ce qu'Emma Thompson finisse par être conviée sur le projet pour réécrire le scénario (et apparaître à l'écran) tandis que c'est Sharon Maguire, réalisatrice du premier volet, Le Journal de Bridget Jones qui s'est retrouvée derrière la caméra.

Il en aura fallu du monde ! Dans ce film, Bridget, séparée de M. Darcy (Colin Firth), après une fin qui semblait promettre un avenir radieux dans L'Âge de raison, est trop absorbée par son travail pour se soucier des hommes ; notre "déesse du sexe dévergondée" est devenue une femme casanière et raisonnable. Préoccupée par le désert sexuel traversé par Bridget, sa collègue Miranda (Sarah Solemani) lui conseille de se trouver "un coup d'un soir" pour revenir dans le jeu et l'embarque dans un festival de musique où elle atterrit dans le lit d'un bel étranger joué par McDreamy en personne, Patrick Dempsey.

Une semaine plus tard, elle renoue avec M. Darcy lors d'un moment de faiblesse à l'occasion du baptême de l'enfant d'un ami commun et eux aussi se retrouvent sous la couette. Lorsque Bridget se rend compte qu'elle est enceinte, elle ne peut pas dire qui des deux hommes est le père et ils doivent établir une coparentalité fonctionnelle à trois pendant que Bridget traverse ce qui est à plusieurs reprises qualifié de "grossesse gériatrique" (Bridget a 43 ans). Elle essaie de déterminer duquel des deux hommes, s'il en est un, elle est amoureuse. Il est clair dans la dernière partie un brin confuse du film que les intervenants ont été nombreux au niveau du scénario : elle n'arrive pas a résoudre la question de la paternité de façon satisfaisante, tout en passant trop de temps sur une séquence d'accouchement qui n'apporte rien de nouveau par rapport aux centaines de séquences similaires qui l'ont précédée dans l'histoire du cinéma. D'une certaine façon, cela donne un intérêt particulier à l'histoire qu'elle n'ait pas de véritable fin concluante. L'autre grand amour de Bridget, Daniel Cleaver (Hugh Grant) est absent de l'intrigue mais la possibilité de son retour dans des opus à venir reste ouverte via une péripétie que l'on ne vous racontera pas ici.

M. Darcy est donc le seul amour du passé à se battre ici pour le cœur de Bridget, et l'ancienneté de leur histoire, à la Ross et Rachel en ce qui concerne la paternité, nous pousse à espérer leur réconciliation. Mais Jack (Patrick Dempsey) n'est pas un mufle qui abuse de la séduction qu'il exerce sur Bridget comme Cleaver le faisait. Plutôt que de remplacer simplement Hugh Grant par un personnage et un acteur à la Hugh Grant, le film a l'intelligence de présenter Jack comme l'homme parfait : gentil, charmant, brillant et vraiment amoureux de Bridget. Au diable le passé, on n'a pas envie de le détester non plus.

Tout est plutôt schématique, comme on l'attend d'une comédie romantique, mais avec un élément nouveau de réalisme qui renouvelle le genre. Il s'agit d'une comédie romantique pour adultes, avec des personnages adultes, aux préoccupations et problèmes d'adultes. Il ne s'agit pas de jeunes gens d'à peine vingt ans qui rabâchent leur peur de se caser tout en tombant amoureux après une première rencontre inoubliable et  une suite entière de faux-pas. Ici, les personnages ont déjà fait leur vie et ils se demandent comment l'amour et le fait d'être parents vont bouleverser leur quotidien alors qu'ils ne sont plus si jeunes… en passant par toute une série de rencontres et de faux-pas. Il ne s'agit pas de réinventer la roue. Mais simplement de la modifier un petit peu, pour offrir un voyage d'un autre genre.

En prime, Emma Thompson est à bord, nous réjouissant comme elle seule sait le faire dans le rôle secondaire de la docteure de Bridget et on nous propose en intrigue parallèle une mise en cause pertinente et comique de l'avenir du journalisme. Somme toute, je ne crois pas qu'un destin exceptionnel attende Bridget Jones’s Baby : il devrait recevoir des critiques polies et obtenir un succès modéré au box-office. Mais son existence est remarquable d'une façon qui est passée inaperçue sous le poids d'un débat nauséabond sur le physique d'une actrice, qui révèle nos pires tendance en tant que consommateurs de divertissements et critiques en fauteuil. Bridget Jones a mûri. À son exemple, nous nous devons de mûrir également.

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