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"Ils auraient voulu un fils" : le témoignage de Marie-Pascale qui, à 49 ans, cache toujours sa féminité
©Reuters

Bonnes feuilles

On dit souvent que ce qui s’est passé dans notre petite enfance est essentiel. Lise Bartoli dit qu'à la venue au monde, certains événements ou ressentis influencent inconsciemment notre développement psychique et notre vie d’adulte. Elle demande à ses patients de lui raconter leur naissance. Chaque cas est unique, mais ce livre construit autour de 40 témoignages, résonne en tous les lecteurs. Il donne l'occasion de revivre sa naissance pour être enfin soi-même. Extrait de "Dis-moi comment tu es né, je te dirai qui tu es", de Lise Bartoli, aux éditions Payot 2/2

Lise Bartoli

Lise Bartoli

Lise Bartoli, spécialiste en périnatalité, psychologue clinicienne et hypnothérapeute, enseigne aux sages-femmes en France et à l'étranger une méthode de préparation à l'accouchement qui repose sur l'hypnose éricksonienne.

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Marie-Pascale, quarante-neuf ans, ingénieure, a deux filles aujourd’hui adultes. Elle consulte pour y voir plus clair dans son rapport aux hommes. Elle aimerait avoir une relation saine et stable. Mais elle a l’impression de ne pas comprendre les codes homme-femme et regrette que ses choix ne soient pas respectés. Je lui demande qui a choisi son prénom. Elle me répond très vite : « C’est une tradition. Dans la famille il y a toujours un Pascal ou une Pascale. Mes parents souhaitaient ardemment un garçon, un "Pascal" donc. Pas de chance, ils ont eu deux filles ! Une Pascale puis moi, une Marie-Pascale. Depuis petite, j’ai toujours été considérée comme un "garçon manqué". » Marie-Pascale est née trois ans après sa soeur et sa venue au monde a été très longue. Sa mère était toute seule, son mari était loin et n’a pas pu assister à la naissance. Marie-Pascale me raconte aussi qu’on lui a toujours répété qu’elle était un « bébé pleureur ».

La résonance révèle l’importance de la figure paternelle. Je perçois un prêtre (que l’on nomme « père » à l’Église) et une phrase s’impose à moi dans mon écoute intérieure : « Je souhaite que "le père" m’apprécie. » Un autre personnage archétypal m’apparaît, un militaire qui pense : « Je suis fort mais je doute : vais-je être compris ? Que dit-on de moi ? » Marie-Pascale réagit : « Je doute toujours beaucoup. Depuis que je suis petite. Ma mère colportait des choses fausses. J’avais beau savoir que c’était faux, je me disais "tout de même c’est ma mère, elle ne peut pas mentir autant" et je ne savais plus démêler le vrai du faux. J’ai continué de douter avec mes amoureux. Quant à mon père, il m’a toujours demandé de me surpasser. »

Lors de notre première séance d’hypnose, ma patiente a du mal à se détendre. Elle a, me dit-elle, « trop de pensées dans la tête, son mental tourne à fond ». Je lui suggère de créer un « coffre à pensées » pour les ranger. Elle visualise un coffre en bois et toutes ses pensées prennent la forme de dominos qu’elle place dans le coffre. Je l’invite à s’entraîner à ranger ses dominos chaque soir avant de s’endormir.

Lors de la séance suivante ma patiente est plus détendue. Elle s’est entraînée à l’autohypnose et se sent plus calme. Désormais, elle a un Lieu ressources qui est un temple en bois. Cette séance est importante : il s’agit de « convoquer » symboliquement ses parents afin de se décharger de ce qui, jusqu’ici, l’avait gênée pour être vraiment elle-même. Pendant sa visualisation, Marie-Pascale dépose aux pieds de son père des bilboquets et des lauriers virtuels. Elle commente : « Il fallait que je réponde à une exigence d’excellence. » Elle dépose également une jupe plissée : « C’est une jupe d’enfant sage et obéissant. » Pour sa mère, elle se décharge de diplômes et aussi d’osselets qui, pour elle, représentent les mensonges de sa mère qu’elle ne veut plus porter. Puis ma patiente imagine qu’elle brûle toutes ces affaires devant eux et est étonnée : « Finalement, ça fait de la chaleur, une bonne chaleur qui me réchauffe ! » Elle leur met ensuite leurs manteaux et leur dit au revoir. Au retour dans le temps présent, Marie-Pascale analyse : comme ses parents voulaient un garçon exemplaire et qu’elle était une fille, elle estime qu’elle a dû toute sa jeunesse se dépasser pour être la première. Elle comprend donc très bien pourquoi son inconscient dépose des diplômes et autres lauriers. Mais elle s’interroge sur la signification des bilboquets. Je lui fais remarquer que c’est un jeu d’adresse, qui demande attention et maîtrise, ce que son père a toujours exigé. En outre, ce mot a une résonance sonore proche du mot « quolibets ». Elle acquiesce.

Après cette séance, Marie-Pascale est passée, me dira-t-elle, par un « trou noir » de quarante-huit heures. Au travail, elle s’est sentie mal : « Je me suis rendu compte à quel point je ne supporte pas d’être prise en défaut. Il faut que je sois toujours à la hauteur et cela m’épuise ! » Elle me raconte un cauchemar qui l’a réveillée en pleine nuit deux jours avant notre rendez-vous : son ex-compagnon lui apprenait que sa nouvelle compagne était enceinte d’un garçon. Elle me précise que son ex voulait absolument un fils. Je pense en moi-même que son inconscient avait judicieusement choisi cet amoureux qui lui rappelait le désir de son père d’accueillir un garçon, relançant ainsi la blessure d’être née fille. Je lui propose alors de « convoquer » tous les hommes de sa vie. Tous ses ex sont présents symboliquement. Son père aussi. Elle leur crie son désir d’être en paix avec son féminin. Elle leur dit qu’à partir de maintenant elle souhaite se sentir aimée et respectée en tant que femme.

Quinze jours plus tard, ma patiente revient tout étonnée. La séance que nous avons réalisée semble avoir provoqué des retours de trois anciens petits amis qu’elle n’avait pas vus depuis des siècles… Dont son premier amour qui l’a rappelée alors qu’il venait de rompre avec sa femme. Une situation que ma patiente trouve « délicieuse mais étrange ». Cet « étrange » n’est finalement pas si étrange que cela pour une psy : ce genre de situations est assez courant. Lorsque l’inconscient individuel émet de nouvelles informations, il touche l’inconscient collectif. Ici le monde masculin de Marie-Pascale…

Cette jeune femme peut désormais poser sur ces hommes du passé un autre regard. Loin de leur renvoyer l’image d’un « garçon manqué », ils vont désormais l’aider à accueillir et glorifier toute la féminité qu’elle avait jusque-là cru devoir contenir et cacher pour être aimée.

Extrait de "Dis-moi comment tu es né, je te dirai qui tu es", de Lise Bartoli, aux éditions PayotPour acheter ce livre, cliquez ici

©Editions Payot & Rivages, 2016

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