Ce que change vraiment le boom des (jeunes) mamans de plus de 40 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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L'actrice Monica Bellucci a eu ses deux enfants après 40 ans.
L'actrice Monica Bellucci a eu ses deux enfants après 40 ans.
©Luke MacGregor / Reuters

Grossesse tardive

Développement et diffusion des moyens de contraception, allongement de la durée des études, remise en cause du mariage, recours de plus en plus fréquent à la PMA, etc. : autant d'évolutions sociales et médicales qui ont contribué, ces dernières décennies, à l'augmentation du phénomène des naissances tardives, de plus en plus intégré par nos sociétés, à l'instar du divorce.

Gérard  Neyrand

Gérard Neyrand

Gérard Neyrand est sociologue, est professeur à l’université de Toulouse), directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d’études et recherches en sciences sociales (CIMERSS, laboratoire associatif) à Bouc-Bel-Air. 

Il a publié de nombreux ouvrages dont Corps sexué de l’enfant et normes sociales. La normativité corporelle en société néolibérale  (avec  Sahra Mekboul, érès, 2014) et, Père, mère, des fonctions incertaines. Les parents changent, les normes restent ?  (avec Michel Tort et Marie-Dominique Wilpert, érès, 2013).
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Atlantico : Une récente étude de l'Insee (voir ici) révèle qu'en 2015, 5,1% des nouveaux-nés ont une mère de 40 ans ou plus, et 16,9% un père de 40 ans ou plus. Que révèlent ces naissances tardives sur les trajectoires de vie actuelles des adultes ? 

Gérard Neyrand La première chose que révèlent ces chiffres c'est, d'une part, que les trajectoires de vie sont fréquemment complexes, et que l'on peut connaître des unions plus ou moins successives, dont certaines déboucheront sur une naissance considérée comme tardive ; d'autre part, qu'aujourd'hui les couples ont tendance à repousser la venue des enfants dans le seconde phase de la jeunesse, celle où les études sont terminées et où l'installation sociale est bien avancée. 

Il est à remarquer la part beaucoup plus importante des hommes de plus de 40 ans qui deviennent pères, pour des raisons physiologiques évidentes, mais aussi parce que souvent l'écart d'âge s'accentue lors des recompositions familiales, et que les hommes peuvent être nettement plus âgés que leurs nouvelles compagnes, alors qu'à 20 ans l'écart est en moyenne de deux ans...

Quel impact a ce phénomène des naissances tardives sur la construction et le développement des enfants nés de parents ayant 40 ans ou plus ? 

L'impact est sans doute beaucoup moins important que dans les périodes précédentes, car la situation est plus fréquente, un peu de la même façon que pour les séparations conjugales. Si cela peut parfois être un peu mal vécu pour certains enfants du fait des remarques possibles de l'entourage et des copains, cela ne va jamais très loin.

Si l'on regarde maintenant du point de vue des relations à l'intérieur de la famille, il peut y avoir des effets contrastés. En effet, la plus grande expérience ou maturité des parents peut faciliter leur démarche éducative par rapport à une époque où ils pouvaient être à la fois plus inexpérimentés et plus stressés par leur insertion professionnelle. Mais lorsqu'il s'agit de premières naissances tardives, on peut trouver des cas fort différents : d'un côté, une élaboration importante de la position parentale liée à une longue réflexion; de l'autre, une difficulté à accepter le dérangement que représente la naissance de l'enfant, alors que l'on a pris des habitudes de vie en couple libre, ayant des activités chacun de son côté, et préservant une indépendance personnelle. L'arrivée de l'enfant fait éclater ce consensus, et parfois cela se termine rapidement mal, comme en témoigne la montée des séparations avec des enfants en bas âge. Si avoir des parents plus âgés n'est pas un handicap pour le développement, les situations de conflit en sont un...

Dans quelle mesure le fait d'avoir un enfant à 40 ans et-au delà impacte-t-il les mères et les pères ?

Une partie de la réponse est donnée dans la question précédente, mais il faut aussi rappeler que ces volontés de naissance tardive ont participé au développement de l'assistance médicale à la procréation apparue en 1982 en France avec la naissance d'Amandine, le premier "bébé éprouvette" français. 

On sait qu'après 35 ans, la fécondité féminine décroit très fortement, et cela explique en large partie cette croissance de l'AMP. Cela ne peut avoir qu'un impact fort sur les parents ; ces démarches étant lourdes, les réaliser suppose une motivation importante... Mais à cet âge là, plus rien n'est vraiment facile.

Quelles sont les répercussions de ce phénomène des naissances tardives sur la société dans son ensemble ?  

Ce phénomène est à inclure dans une évolution sociale globale, qui promeut l'épanouissement de l'individu, notamment grâce au rapport au conjoint, puis à l'enfant. Ce qui produit de ce fait quelques paradoxes, par exemple, celui de l'individualisme relationnel : se réaliser à travers l'autre dans une conjugalité souvent difficile à préserver, et envisager plus tardivement qu'autrefois la venue des enfants, tout en sachant que l'avenir est incertain. Le couple, comme le rapport à l'enfant, s'en trouvent fragilisés, et la société, en réponse, va s'efforcer de sécuriser les cadres de la procréation et de la famille : contribuer à une médicalisation du processus procréatif tout autant qu'au développement des logiques et des dispositifs de soutien à la parentalité.

Ce phénomène des naissances tardives n'est pas nouveau, l'étude rappelant notamment que le niveau de 2015 des naissances tardives est similaire à celui de 1948. Quelles sont les évolutions les plus notables de ce phénomène au cours du XXe siècle ? Comment peut-on les expliquer ? 

La différence avec l'après-guerre tient sans doute à ce qu'à cette période, il y a eu des naissances tardives liées aux conséquences de la guerre (séparations longues subies, recompositions familiales), alors qu'aujourd'hui, ces naissances participent à la fois de la succession pour les individus de plusieurs conjugalités, et du recul général de l'âge à la première naissance (en moyenne, 29 ans pour les femmes et 31 pour les hommes). Chaque époque possède ses propres logiques de fonctionnement, liant les phénomènes familiaux, les phénomènes économiques et les phénomènes sociaux (eux-mêmes très divers).

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