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Campagne présidentielle : Trump et Clinton au coude à coude
©Reuters

Trans-amérique Express

A quelques heures du premier débat télévisé de la campagne présidentielle américaine les deux candidats sont au coude à coude. Alors qu’il y a un mois Trump était en perdition. Voici pourquoi et comment il a refait son retard et ce qu’il faut attendre de leur face à face.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Hillary Clinton et Donald Trump vont se retrouver face à face ce lundi soir sur la scène de l’université Hofstra, de New York pour le premier débat de la campagne présidentielle américaine (deux autres se tiendront les 9 et 19 octobre, ainsi qu’un débat entre les candidats vice-président,  le 4 octobre). Rarement un tel rendez-vous aura suscité autant d’attente aux Etats-Unis. Les « bookmakers » annoncent une audience record. La chaine NBC a le privilège de retransmettre l’évènement à la télévision. Il sera aussi possible de le suivre sur son smartphone via Facebook ou Twitter.  Le débat est en  concurrence avec le traditionnel match de football du lundi soir, mais celui-ci oppose les Faucons d’Atlanta aux Saints de la Nouvelle Orleans, deux équipes moyennes. Seuls quelques fans de Louisiane et de Géorgie risquent de préférer le ballon à la politique. A tort peut-être ? Car le vrai spectacle pourrait être sur la scène d’Hofstra.

A cause, bien sûr, de la présence de Donald Trump, le candidat républicain, personnage imprévisible et « fort en gueule » ! Déjà,  lors des primaires, il avait attiré les téléspectateurs par millions et c’est cette gloire télévisuelle qui avait été un des signes avant-coureur de sa bonne fortune électorale. Ses effets de manche sont connus, et nombre d’Américains suivront le débat pour voir s’il en use face à une Hillary Clinton, que beaucoup n’aiment pas. Ils vont regarder moins pour la cohérences des idées que pour quelques formules savoureuses et, peut-être, la phrase qui tue. Un KO debout !  Un peu comme de suivre une course de Formule 1 pour voir des crashs… Bref c’est plus le spectacle politique que la substance des idées qui risque de fédérer les  téléspectateurs mais n’empêche, l’évènement est là.

Et il tombe au meilleur moment possible car l’issue de la campagne est actuellement des plus incertains.

Début août, le candidat républicain était dans les bas-fonds. Sa joute verbale avec la famille d’un ancien combattant mort en Irak, ses élucubrations incessantes,  dont l’affirmation que Barack Obama serait le « fondateur » de l’Etat Islamique, et son incapacité à présenter un message politique cohérent,   avaient fini par décourager jusqu’à ses plus fidèles supporters. Certains se demandaient même si le récent nominé n’avait pas renoncé à son ambition et s’il n’était pas en train de saborder délibérément sa campagne…

Et puis tout a basculé. Dans un premier temps, Trump a remanié son équipe. Paul Manafort, arrivé quelques semaines plus tôt comme directeur de campagne, est parti, remplacé par Steve Bannon, journaliste conservateur controversé et dirigeant du groupe de presse Breitbart. Dans un second temps Trump a adopté une attitude « présidentielle». Accusé de n’être pas digne de la fonction, il a démontré qu’il était prêt à en endosser les habits.

Il y eut d’abord une rencontre mémorable avec le président du Mexique, Enrico Pena Nieto. Celle-ci dura à peine trois heures. Mais Trump fut reçu comme s’il était déjà président. Alors que les propos virulents du candidat Trump à l’égard du Mexique et des immigrants clandestins mexicains, laissaient attendre des étincelles entre les deux hommes, ils tinrent une conférence de presse commune à l’issue de leur entretien où ils redoublèrent d’amabilités. L’évènement fut la démonstration qu’une présidence Trump était possible. Il gagna trois points dans les sondages.

Dans la foulée il se mit à utiliser un téléprompteur lors de ses meetings et à éviter de répondre à la volée aux journalistes. Pour éviter les dérapages. Alors que ses adversaires décriaient le vague de ses propositions, il prononça plusieurs discours à thème, donnant le détail de ses programmes. En matière d’immigration d’abord,  il revint sur sa promesse de déporter les onze millions de clandestins vivant aux Etats-Unis. Aux  anciens combattants il promit un accès libre aux soins de santé. Sur la défense, il annonça  une augmentation du budget des armées et un renforcement de l’appareil militaire. De quoi rassurer ceux qui, dans son propre camp, craignaient un repli et un désengagement des affaires du monde. Sur les relations raciales enfin, Trump décida d’intervenir dans le débat sur les violences communautaires et policières,  avec un message en forme de défi à l’égard des Afro-Américains: « des décennies de pouvoir démocrate n’ont rien fait pour améliorer votre condition, qu’avez-vous à perdre à essayer autre chose ? »

Dans le même temps Hillary Clinton connaissait une rare série de déboires. Elle dut affronter de nouvelles révélations embarrassantes concernant ses emails du département d’Etat. Elle tomba malade, victime d’une pneumonie, et fit un malaise en public, malaise que son entourage tenta de minimiser, voire de nier, jusqu’à être confronté à des images incontestables. Enfin lors d’un meeting elle qualifia les électeurs de Trump de personnes « déplorables », affirmant qu’ils n’étaient que des « racistes, sexistes, homophobes, xénophobes et islamophobes » à qui Trump a « donné une voix » en relayant leur rhétorique « haineuse, insultante et mesquine ». Ils sont « irrécupérables, mais heureusement ils ne sont pas l’Amérique » finit-elle par affirmer. Peut-être s’était-elle laissé aller, emportée par l’enthousiasme, mais la remarque fut jugée excessive, y compris dans son propre camp… C’est une règle de base de la politique : ne jamais dire du mal des électeurs.  On peut vilipender son adversaire et le trainer dans la boue, mais il ne faut jamais s’en prendre à ceux qui votent pour lui. C’est la garantie de se mettre tous les électeurs à dos, pas seulement ceux que l’on vise. C’est ce qui est arrivé à Mitt Romney en 2012 quand il a  avoué que « 47% des Américains » ne l’intéressaient pas car c’était des « assistés » qui ne voteraient jamais pour lui…

Enfin l’actualité a joué en faveur de Donald Trump. Les cérémonies de commémoration du 11 septembre ont rappelé que le terrorisme est une réalité. D’autant qu’une semaine plus tard, les 17 et 18 septembre, deux bombes explosaient à New York et dans le New Jersey, faisant plusieurs dizaines de blessés. Deux autres engins explosifs étaient découverts et désamorcés à temps. Enfin un suspect était arrêté : un Américain d’origine afghane, fils d’un réfugié politique, de religion musulmane, récemment radicalisé et ayant effectué plusieurs séjours au Pakistan, chez des Taliban … Bref, un « loup solitaire » comme il en existe désormais. Un homme ayant profité d’une politique migratoire généreuse pour se retourner, à terme contre son pays d’accueil. Exactement la situation que Donald Trump dénonce et combat au sujet des milliers de réfugiés syriens qu’Hillary Clinton se propose d’accueillir…. De quoi rappeler aux électeurs qu’en matière de sécurité, Donald Trump est prêt à beaucoup plus de fermeté que son adversaire. Or la sécurité face au terrorisme est avec l’avenir économique la question clé de la campagne…

De sorte qu’aujourd’hui Hillary Clinton et Donald Trump sont virtuellement à égalité. Au plan national ainsi que dans les principaux « swing states ». 

Sur les cinquante Etats américains, trente-huit sont considérés comme « acquis » à un candidat ou à l’autre. Quinze à Hillary avec un total de 198 voix au Collège électoral et vingt-trois à Trump avec un total de 165 voix (il s’agit d’Etats du sud et des rocheuses, moins peuplés). Concernant les douze autres, Hillary était largement  en tête des sondages dans la plupart d’entre eux au milieu de l’été. Lui ouvrant, toutes grandes, les portes de la Maison Blanche. Ce n’est plus le cas. Trump l’a rattrapée, voire lui est passé devant dans des Etats aussi importants que la Floride (29 voix au Collège électoral), L’Iowa (9+ voix) l’Ohio (18 voix) , la Caroline du Nord (15 voix), le Nevada (6 voix)…

Bref le suspense règne et ce débat survient au meilleur moment pour aider les Américains à se décider.

Depuis le face à face Kennedy-Nixon de 1960, les débats  télévisés sont devenus une étape incontournable des campagnes présidentielles. Une étape qui peut relancer, ou anéantir une campagne. En 2012 la performance de Mitt Romney face à un Barack Obama insipide, lors du premier débat l’avait remis en selle, sans lui épargner une défaite. En 1980 le calme et la jovialité de Reagan, face à la morosité de Jimmy Carter, avaient définitivement conquis les électeurs.

Jadis le débat télévisé était l’occasion, pour nombre d’électeurs s’intéressant de très loin à la politique, de découvrir les candidats.  Surtout,  c’était l’occasion de les découvrir sans script, ni téléprompteur. C’est-à-dire tel quel, nature. A présent, compte tenu d’Internet, des réseaux sociaux, des téléphones mobiles,  et des chaines d’informations en continu, il faudrait être martien pour ne pas déjà connaître les deux adversaires . Du coup les attentes sont différentes. Hillary Clinton est une forte en thème. On sait qu’elle connait tous les dossiers par cœur. Le défi pour elle sera de paraître plus humaine, de faire preuve d’émotion et  d’empathie sans pour autant sembler jouer un rôle. Pour Donald Trump le défi est inverse. Il doit montrer qu’il est suffisamment au fait des problèmes de l’Amérique, et du monde,  pour se voir confier la direction du pays. Depuis plusieurs jours son entourage le force à bachoter, ce qu’il n’aime guère. Lui préfère être naturel et jouer sur son atout maître sa présence scénique et sa gouaille.  Trump est convaincu que c’est sa personnalité qui l’a amené jusqu’ici, il ne va pas la laisser au vestiaire. 

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