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Windows 8 : 
quitte ou double pour Microsoft ?
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Fenêtre sur cour

Quelques fonctionnalités de Windows 8 ont fuité sur Internet. La firme de Redmond joue gros à l'occasion de la prochaine sortie de son système d'exploitation. Va-t-elle pouvoir préserver son hégémonie sur le marché des ordinateurs personnels ?

Gilles  Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la Rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek,  l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCHtv  la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux Loisirs.

Il est le co-auteur avec Marc Geoffroy d’iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

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Atlantico : Des informations sur Windows 8, la prochaine version du système d'exploitation de Microsoft, commencent à fuiter sur le web. Windows 8 peut-il permettre à Microsoft de préserver son hégémonie ?

Gilles Dounès : Le problème pour Microsoft est plutôt d'enrayer la spirale descendante amorcée depuis maintenant plusieurs années. L'hégémonie de la firme est en train de décroître depuis 2003, et ce pour plusieurs raisons :

  • La faillite sécuritaire de Windows XP qui date de l'été 2003 : à partir du mois d’août, deux vers baptisés W32 Blaster et W32 SoBig ont semé la panique dans le monde entier à travers leurs différentes répliques, jusqu’à l’automne. En novembre, Microsoft allait jusqu’à offrir 250 000 $ de récompense pour tout renseignement permettant d’identifier les coupables. Mais le mal est fait : tous les systèmes d’exploitation édités par Microsoft sont touchés, depuis Windows 95 jusqu’à Windows XP. Au plus fort de la crise, les administrateurs système n’appliquent même plus les patchs correctifs édités par Microsoft, du fait des dysfonctionnements qu’ils entraînent sur le système qui craque littéralement comme un tissu trop rapiécé. Le syllogisme imposé par Redmond  –  Microsoft c’est l’informatique ; l’informatique c’est Microsoft – vient de voler en éclats.
De plus, l’éditeur se voit contraint de revoir de fond en comble et toutes affaires cessantes, Windows XP, afin d’en améliorer la sécurité. La version suivante du logiciel, baptisée Vista va reprendre du coup plusieurs années de retard et sera très largement revue à la baisse. Les entreprises vont décaler le renouvellement ou la mise à jour de leurs flottes de PC, et perdre perdre l’habitude d’effectuer systématiquement la migration sur la nouvelle version de l’OS à chaque sortie. Bon nombre d’entre elles n’ont par exemple toujours pas achevé leur migration sur Windows 7.

  • L'absence d'innovation réelle au niveau du système d'exploitation de l'ordinateur client, du fait de l'accord intervenu avec Apple en 1998. En échange de l’abandon des poursuites pour violation de sa propriété intellectuelle, Apple obtenait entre autres la garantie que Microsoft développerait le même nombre de versions d’Office pour le Mac que pour Windows pendant 5 ans. Pour garantir l’attractivité de ces versions Mac, Microsoft pourra puiser à sa guise dans le portefeuille de brevets déposés par Apple, pour la même période. Microsoft revendra ses actions au bout de 2 ans, mais l’accord brevets contre logiciel sera reconduit en 2004, avec pour effet de tuer toute véritable innovation chez Microsoft et d’ailleurs sous les railleries d’Apple « Microsoft, start you photocopiers ». De fait, la plupart des nouveautés saillantes que l’on a pu trouver sur Windows à partir de Vista étaient déjà présentes sur Mac OS X depuis une ou 2 version.
  • Le changement de paradigme intervenu entre temps, avec un glissement du centre de gravité de l'entreprise vers l'individu du fait de l'émergence du client ultraléger. En effet, depuis Windows 95 l’accès au Web et même le logiciel tout entier était construit autour du navigateur, Internet Explorer, même si les choses ont un peu changé depuis sous la pression des autorités de régulation de la concurrence. Mais c’est bien Microsoft qui a contribué à fédérer le Web autour de son architecture. Avec l’irruption du client léger, le Smartphone ou la tablette, l’accès Web se fait désormais en grande partie grâce aux applications, les fameuses apps. Et c’est à Apple qu’on le doit, avec cette décision de changer son fusil d’épaule en mettant à disposition des développeurs, à partir de mars 2008, un véritable kit de développement logiciel alors que jusque-là pour des raisons de sécurité Steve jobs et son équipe préféraient s’en tenir à des web app, des applications Internet.

En quoi Windows 8 serait-il innovant ?

Le problème c’est qu’il n’y a pas vraiment d’innovation, dans ce qui a été montré du moins. Il y a des nouveautés par rapport aux versions précédentes de Windows, mais celles-ci étaient déjà présentes sur les dernières versions de Mac OS X comme par exemple l’App store ou la restauration intelligente du bureau en cas de crash. Ou alors, elle se contente de proposer pour la version ordinateur la reprise de la présentation des différentes applications en mosaïque, déjà présente sur Windows mobile.
C’est d’ailleurs un choix qui pose question au cabinet IDC en matière d’utilisation avec une interface graphique classique, de type souris. Ce n’est d’ailleurs pas le seul : Microsoft semble très largement faire appel au HTML 5. Mais pour ce qu’ils ont pu montrer jusqu’à présent, on n’est pas très loin de Web OS, le système d’exploitation conçu par Palm pour ses tablettes, et donc à contresens du choix qu’Apple a fait sous la pression de ses utilisateurs professionnels.
La seule véritable innovation, et elle est de taille, consiste pour l’heure à l’adoption d’un nouveau format de fichier, le ReFS qui ne sera dans un premier temps disponible que pour les serveurs et les disques de stockage. C’est d’ailleurs, mais est-ce vraiment un hasard, l’un des rares points où le système l’exploitation d’Apple n’a pas évolué depuis longtemps, sinon à la marge.


Comment expliquer le changement de stratégie communication de la firme ? (on ne dit rien d'officiel avant que tout soit prêt, contrairement à avant où l'on communiquait avant la version final du système d'exploitation)

Historiquement, il y a eu beaucoup de ce que l'on a appelé le « vaporware », c’est-à-dire des signaux de fumée pour contrer les annonces de la concurrence, et dissuader les acheteurs de changer de plate-forme ou de logiciels. Cela a surtout été valable lorsque Microsoft était en position ultra dominante, pour atteindre son acmé avec Vista, longtemps connu sous son nom de code Longhorn, et qui devait à la fois résoudre tous les problèmes rencontrés sous Windows XP et promettait monts et merveilles en matière de fonctionnalités. On a vu ce qu’il en a été, de nombreuses entreprises ont même « sauté » la case Vista pour migrer directement leur flotte depuis XP vers Windows 7. Ceci est d’ailleurs l’une des raisons de la crise traversée par l’industrie du PC ces dernières années.

Fort logiquement, Microsoft en a beaucoup rabattu de ce côté-là même si les développeurs en charge du système communiquent en direction de la communauté des développeurs via un blog, ce qui serait impensable chez Apple où même les développeurs qui ont accès aux versions d’évaluation d’OS X s’engagent à une stricte confidentialité. On en est encore loin de ce côté-là chez Microsoft.

Quelle stratégie devrait adopter Microsoft ?

Bill Gates, a en quelques sortes quitté Microsoft au moment où les spécialistes se sont aperçus que le roi était nu : à l’automne 2003,  pour se consacrer à une 2e carrière philanthropique, cette fois. Il n'est malheureusement pas de stratégie de rechange, du fait de la base installée : tout juste Microsoft peut-il faire le gros dos en misant sur l'inertie de sa masse critique, en essayant de remettre à plat ici son système sur une base entièrement nouvelle.
L'ennui, c'est que cette redistribution des cartes a déjà eu lieu avec l’arrivée disruptive des tablettes, et celle qui se prépare avec les téléviseurs connectés. Apple et Google ont une culture d'entreprise centrée sur l'utilisateur, Microsoft non. Or dans un univers multi écrans vers lesquels vont converger les mêmes contenus, c'est ce qui va faire la différence. À mon sens ils ne peuvent malheureusement qu'attendre une erreur de leurs adversaires, en préparant leur carte à jouer, au cas où… c’est ce qu’ils ont commencé à faire avec Windows 8.

Quels types d'erreurs peuvent commettre les adversaires de Microsoft ?

Jusqu’ici, du moins depuis le retour de Steve Jobs et à l’exception près de l’iPad, Apple s’est constamment placée comme une solution de renouvellement, c’est-à-dire comme une alternative certes plus chère, mais beaucoup plus satisfaisante, vis-à-vis de l’ensemble de ses concurrents souvent plus abordables. En clair, Apple  parie sur l’échec de ses concurrents en proposant une solution originale à des problèmes d’utilisation rencontrés avec une technologie donnée. C’est dans ce sens qu’on peut dire d’Apple qu’elle redéfinit les marchés sur lesquels elle se lance. Mais cette obligation d’excellence devient de fait de plus en plus difficile à tenir, au fur et à mesure que la surface de la société augmente. Les dernières enquêtes de satisfaction montrent d’ailleurs que Apple est confrontée à une baisse de l’indice de satisfaction de ses clients qui n’est pas anodine. or c’est une position qu’Apple ne peut pas se permettre d’abandonner, si elle prétend conserver ses marges.

Quant à Google, qui avec Android est l’autre rival sérieux pour Microsoft, en particulier pour ce qui est de la mobilité avec les Smartphones et les tablettes, la société a choisi de marquer Apple «au flottant», en collant au plus près de ses innovations. Reste comme Microsoft en son temps, elle est en position dominante sur un certain nombre de marchés et de plus en plus tentée d’abuser de cette position. Or les autorités de régulation de la concurrence veillent, en particulier au niveau européen.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud 

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