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François Hollande à l'Onu : préparez-vous à l'irruption du climat dans la campagne présidentielle
©POOL New / Reuters

Un pas de plus vers 2017 ?

Discours à l'Onu sur le climat, rencontres normalement prévues avec Leonardo DiCaprio et le couple Clinton : le séjour du président Hollande à New York s'annonce chargé. L'occasion pour le potentiel candidat à la présidentielle d'afficher sa stature internationale en vue de creuser l'écart avec ses principaux concurrents, parmi lesquels Nicolas Sarkozy.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : Ce lundi, François Hollande sera à New York pour prononcer notamment un discours à l'Onu dans le cadre d'une réunion sur le climat. Depuis plusieurs semaines maintenant, l'agenda international du président français est particulièrement chargé. Cela pourrait-il constituer l'un des éléments centraux de sa stratégie en vue de la primaire et de la présidentielle dans le cas où il se porterait officiellement candidat ? Quelles seraient les chances de réussite d'une telle stratégie, axée donc sur le volet international, pour se démarquer de ses concurrents aussi bien à droite qu'à gauche ?

Roland Hureaux : Oui, afficher une stature internationale est important pour un candidat à la présidentielle. En son temps, Jean-Marie Le Pen lui-même avait rencontré Reagan et le pape ! Ségolène Royal était allée, on s'en souvient, en Chine, féliciter les Chinois de leur "bravitude". Sarkozy avait vu Bush. Fillon est allé en Russie.

Cela conforte l'image d'homme d'Etat du candidat et montre qu'avec lui, la France ne sera pas isolée.

Ce genre de tournée à l'étranger est plus facile pour le chef d'Etat en place que pour les autres. Il est donc normal que Hollande se serve de cette carte, d'autant qu'il n'en a plus beaucoup d'autres…

C'est d'autant plus facile à l'ONU que le thème de la session est le climat , sur lequel la France s'est déjà mise en valeur lors du sommet de Paris.

C'est en outre, si j'ose dire, un thème de gauche, propre à tailler des croupières aux écologistes, même si l'évolution du climat intéresse tout le monde.

De là à dire qu'une telle stratégie aurait des chances de réussite, il y a un pas. Elle pourrait l'aider dans la primaire de gauche, c'est sûr. Elle pourrait peut-être aussi lui éviter un effondrement qui le conduirait à devoir retirer sa candidature au bénéfice d'un autre socialiste. Mais les motivations de vote à la présidentielle elle-même concernent d'abord la politique intérieure. Hollande ne surmontera pas l'immense déception des Français, spécialement ceux de gauche, en faisant un discours à l'Onu.

En marge de ce discours, François Hollande devrait rencontrer, le temps d'une photo, l'acteur Leonardo Di Caprio, connu notamment pour son engagement écologiste et ambassadeur de bonne volonté auprès de l'Onu. Par cette rencontre et sa participation à la réunion sur le climat de l'Onu, François Hollande n'espère-t-il pas ainsi se démarquer des récents propos "climato-sceptiques" de Nicolas Sarkozy, qu'il considère comme son rival "naturel" dans le cadre de la présidentielle de 2017 ?

Je ne suis pas sûr que les Français soient enthousiastes à l'idée que la prochaine élection présidentielle se résume à un nouveau duel Sarkozy-Hollande. D'ailleurs, c'est peu probable. D'ores et déjà , il est certain qu'aucun des deux n'empêchera Marine Le Pen d'être au second tour, du moins si l'on en croit les sondages. D'autre part, beaucoup d'évènements susceptibles de bousculer le jeu peuvent se produire encore.

Les communicants disent que rencontrer des vedettes déjà célèbres est bon pour la cote. Sarkozy avait ainsi rencontré José Bové et Tarik Ramadan, avec qui il ne partageait sans doute pas grand-chose. Macron était à l'anniversaire de Line Renaud. Pourquoi pas Leonardo Di Caprio pour Hollande ? Comme beaucoup de gens de Hollywood, il est de gauche et partage donc beaucoup d'idées de François Hollande.

Car contrairement à ce qu'on pense, les clivages sont à peu près les mêmes aux Etats-Unis qu'en France : une dictature de la pensée unique de plus en plus impérieuse, orientée à gauche (la gauche sociétale, pas sociale), cultivant avec véhémence le mondialisme, l'antiracisme, l'homophilie, l'écologie et rendant avec une intolérance sans mesure les dissidents infréquentables, par exemple Trump.

Sarkozy a le mérite d'avoir quelques fois des éclairs de parler vrai, de sortir de la langue de bois. Il n'avait sans doute pas prémédité d'exprimer des doutes sur le réchauffement climatique, doutes que beaucoup de Français partagent. La visite de Hollande était prévue avant et ne le visait donc pas. Mais le contraste entre Sarkozy et Hollande est clair : chez Hollande, il n'y a aucune faille dans le système, il ne pèchera jamais par rapport au politiquement correct. Il l'a dans le sang. Ce côté prévisible commence à lasser.

Un conseiller élyséen a confié, sur le site d'Europe 1, que "chaque prise de parole, même à l'Onu, doit rappeler les enjeux de la présidentielle". Quels sont ces enjeux pour le potentiel candidat François Hollande ?

La campagne n'a pas encore commencé : il est donc difficile de dire quels seront les enjeux décisifs. Mais il y a beaucoup de sujets sur lesquels Hollande est vulnérable.

Par rapport au Front national, ce sont évidemment l'immigration et le terrorisme, l'identité de la France.

Par rapport aux Républicains, la situation économique, le chômage, le dépérissement de l'industrie française, tant du côté des PMI qui ferment que des grands groupes qui passent sous contrôle étranger et qui ferment aussi : voir Alstom à Belfort.

Par derrière, la droite remettra en cause l'incapacité de faire de vraies réformes libérales susceptibles de faciliter la vie des entrepreneurs.

D'autres, mais on les entend moins ces temps-ci, mettront en cause l'euro.

Du côté de la gauche socialiste ou de l'extrême-gauche, il y a aussi la question de l'emploi mais sous un autre angle : on y déplore l'absence de l'Etat, le démantèlement du Code du travail, des services publics, etc.

L'environnement est un thème plutôt consensuel, mais grâce au sommet de Paris, François Hollande y est en pole position : il a donc intérêt à l'exploiter.

D'autres sujets, tout aussi essentiels, ne sont pas pour le moment dans le débat. D'abord notre politique étrangère désastreuse qui nous a conduits à un grave effacement et à une politique aberrante de soutien aux djihadistes de Syrie. La droite classique n'en parle pas car elle est aussi compromise dans cette politique. Le FN ne semble pas s'y intéresser. Il faudra pourtant qu'un jour le lièvre soit levé.

Quand aux thèmes positifs que pourraient agiter François Hollande dans la campagne présidentielle, je cherche et je ne trouve pas ; lui non plus sans doute.

Ce discours à l'Onu fait suite à celui prononcé, il y a plusieurs jours maintenant, à la salle Wagram. Certains éléments de ce discours pourraient être repris ce lundi, notamment ceux faisant référence aux valeurs universelles de la France. Dans quelle mesure la communauté internationale est-elle sensible à ce type de discours ?

Tour dépend de qui parle : le crédit international de Hollande est aujourd'hui très bas. S'il évoque à la tribune de l'Onu les valeurs universelles de la France, il y a peu de chances qu'il intéresse qui que ce soit. Car tout le monde sait que notre politique est entièrement inféodée à celle des Etats-Unis et que donc ce tout ce qu'il pourra dire n'est que du vent.

A l'intérieur, tout dépend de qui écoute. Mais pour une bonne moitié des Français, ces valeurs universelles de la France, telles que les entendent les socialistes, signifient précisément ce qu'ils rejettent aujourd'hui totalement : l'universalisme, les frontières ouvertes aux capitaux et aux migrants, des expéditions militaires inopportunes, un droit-de-l'hommisme béat, l'Europe, etc.

Pour d'autres, par exemple pour De Gaulle ou, plus modestement, Villepin, cela avait signifié la capacité d'être "le petit qui tient tête aux gros", une puissance qui équilibrait à sa manière l'impérium américain, un "verbe libre". Mais avec Hollande, on sait que c'est le contraire. Il y a peu de chances que ce genre de discours leur fasse plaisir. Qui se pressera pour savoir ce que Hollande aura dit à la tribune des Nations-Unies ?

L'équipe de François Hollande souhaiterait également organiser, à l'occasion de la venue du chef de l'Etat à New York, une rencontre avec le couple Clinton. S'agit-il pour le président français d'apporter son soutien à la candidature d'Hillary ? Quels sont les points communs entre la candidate à la Maison Blanche et le futur candidat à l'Elysée ?

Il est clair que nous sommes dans une lutte non seulement nationale mais aussi internationale entre les tenants du mondialisme, du droit-de-l'hommisme, de l'interventionnisme débridé d'un côté, et, de l'autre côté, ceux qui défendent des positions plus traditionnelles : une diplomatie pragmatique, un resserrement sur les intérêts nationaux, et une plus grande réticence à allumer des feux partout. Des sujets comme le mariage homosexuel sont aussi un marqueur fort entre les idéologues qui veulent effacer les frontières aussi bien des nations que des sexes et ceux qui les tiennent pour un élément de structuration de l'humanité, toujours nécessaire.

A bien des égards, aux Etats-Unis, les choses sont encore pires qu'en France : si vous contestez la théorie du genre, vous risquez d'être exclu de la plupart des universités et aucun journal de la presse mainstream ne voulait dire la vérité sur la santé d' Hillary Clinton ! De ce point de vue, François Hollande et Hillary Clinton sont dans le même camp. Ils le sont d'autant plus que tous les deux sont des faucons. Quand il y a eu en août 2013 une attaque aux armes chimiques dans la banlieue de Damas, Clinton et Hollande (et Fabius !) voulaient bombarder immédiatement la Syrie, ce qui nous aurait conduits à la guerre mondiale. Heureusement, Obama a calmé le jeu avec Poutine : il savait bien (mais Hollande aussi le savait) que l'armée d'Assad n'y était pour rien. On commence même à murmurer que certains services français auraient aidé les rebelles auteurs de cette provocation dans le but d'entraîner les Etats-Unis dans une escalade : si cela était avéré, ce n'est pas le verdict des urnes qu'il faudrait rechercher mais celui de la CPI.

Savoir si François Hollande va apporter quelque chose à Hillary Clinton en la voyant, c'est à elle de juger, mais une telle rencontre serait logique. D'autant que les liens entre le Parti socialiste français et le parti démocrate sont notoires. Les uns et les autres doivent affronter, pour des raisons analogues, la même impopularité.

Les droites classiques bon chic bon genre ayant du mal à se démarquer de ce discours universaliste, sur le fond de la même pensée unique, tout ce qui la rejette, n'a d'autre alternative - ou presque - que ce qu'il est convenu d'appeler les "populistes" : Trump ou Le Pen, ce qui est un choix quelque peu réducteur.

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