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Quel avenir pour l’Europe, cette construction politique largement made in USA, si Washington ne s’en préoccupe plus ?
©Pixabay

United States of Europa

Le sommet de Bratislava qui se tient ce vendredi 16 septembre est l'occasion de revenir sur le long processus de construction de l'Union européenne, actuellement remis en cause. Et d'observer qu'historiquement, les Etats-Unis ont joué et jouent encore un rôle déterminant dans la constitution de cet ensemble politique.

Christophe Reveillard

Christophe Reveillard

  • Membre de l’UMR Roland Mousnier (Ecole doctorale Moderne et contemporaine Paris-Sorbonne Paris IV - Centre d’histoire de l’Europe et des relations internationales).
  • Directeur de séminaire de géopolitique, Ecole de guerre, Collège interarmées de défense (CID), Ecole militaire.
  • Auditeur du Centre des Hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes (CHEAM - promotion 1999)

Dernières publications :

L’américanisation de l’Europe occidentale au XXe siècle. Mythe et réalité préface d’André Kaspi Presses de l’Université de ParisSorbonne (PUPS) Paris, 2002, 274 p.

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Atlantico : On a tendance à oublier le rôle important qu'ont eu les Etats-Unis dans la construction de l'Union européenne. Quel fut-il précisément ? Quels étaient les objectifs originels des Américains en encourageant la constitution d'une union politique et économique dans la vieille Europe ravagée par deux guerres ?

Christophe Reveillard Les Etats-Unis ont effectivement joué un rôle très important dans la genèse de l'Union européenne. Leur première motivation était de relever l'Europe. L'idée des démocrates, exprimée par Roosevelt, Truman et encore soutenue par Obama aujourd'hui, est qu'il faut élever le niveau de vie général de la population pour sauver la démocratie. Ainsi, l'objectif du plan Marshall de 1947 était de relever l'Europe en lui permettant d'entrer dans l'ère de la consommation de masse, cette ére étant la fondation de la démocratie à l'américaine.

Est venue par la suite s'ajouter une deuxième motivation : endiguer le communisme face à la montée de l'influence soviétique dans l'Est de l'Europe. Progressivement, la seconde logique a remplacé la première : au Plan Marshall s'est substitué le production drive, le pilotage de la production en vue de permettre à l'Europe, à travers l'Otan, de se doter d'une capacité de défense sous le parapluie américain.

L'analyse des Américains - et notamment des démocrates - était que la mise en place d'une fédération des Etats européens, sur le modèle américain, était la seule façon d'empêcher un retour du totalitarisme. Cette vision était en accord avec le projet qu'ont élaboré du côté européen les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates, les deux partis dont l'alliance a jeté les bases de l'Europe des six. Les Américains ont apporté leur soutien à cette vision de l'Europe : d'une part, parce qu'ils étaient persuadés que l'antagonisme franco-allemand était générateur de divisions et d'appauvrissement de l'Europe et d'autre part, parce qu'il leur semblait que la démocratie chrétienne et aussi la sociale-démocratie, comme le montre la création de FO était un rempart contre la poussée du communisme.

Après la chute du mur en 1989, l'influence américaine a fortement évolué avec la disparition du danger soviétique. Quels sont les nouveaux objectifs ? Peut-on parler d'une volonté d'américanisation de l'espace européen ? Comment évolue en particulier l'importance des Etats-Unis sur les questions de sécurité européennes ?

L'influence américaine a évolué avant la chute du mur. La guerre du Vietnam, a, me semble-t-il, représenté un véritable tournant. Cette guerre a engendré de l'inflation aux Etats-Unis, a abouti en 1971 à la dévaluation de fait du dollar et à laréévaluation de quelques-unes des monnaies d'Europe (mark, florin, franc suisse) et du yen japonais. Cela a été le début de la phase de déclin de l'influence américaine qui a atteint son apogée avec la fin du mandat de Jimmy Carter. Ensuite, les Américains ont regagné de l'influence sous Ronald Reagan (déréglementation, guerre des étoiles etc.). Ce n'est donc pas la chute du mur qui a changé les relations mais plutôt le regain de force de l'économie américaine autour de la politique du dollar fort de Reagan, du lancement d'Internet et de la partie de poker psychologique avec l'Union soviétique, cette dernière étant tombée dans le piège de la guerre des étoiles.

L'Union européenne résulte d'une double origine : l'Europe des six (alliance des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates autour de l'idée d'une Europe confédérale pouvant aller jusqu'à la fédération) basée fondamentalement sur la réconciliation entre la France et l'Allemagne (traité de 1963 entre Adenauer et De Gaulle) et l'Association européenne de libre-échange organisée autour de la Grande Bretagne et visant avant tout à promouvoir l'abaissement des droits de douane.

Ce sont ces deux visions différentes de l'Europe entre lesquelles les citoyens européens n'ont jamais osé faire le choix. L'Europe a ainsi avancé à la fois en tentant de s'approfondir et en s'élargissant. L'élargissement répond à la logique des Anglais quand l'approfondissement correspond plutôt au projet franco-allemand de l'Europe des six.

La vision anglaise du libre-échange est aussi celle des Américains. D'une certaine manière, le général de Gaulle avait raison lorsqu'il disait que faire rentrer la Grande Bretagne en Europe, c'était faire rentrer les Etats-Unis.

On cependant l'impression depuis quelques temps que les Etats-Unis se sont désengagés de leur "mission européenne". Pourquoi ce changement de cap et quelle est leur position face aux grandes difficultés que traverse l'union ?

L'intérêt de l'Union européenne pour les Américains, c'est la zone de libre-échange. Plus l'Union européenne s'étend à un régime de libre-échange, plus le modèle américain se diffuse en Europe.  

Les Etats-Unis ne se sont pas désengagés de l'Europe. La politique américaine vis-à-vis de la Russie montre que la question européenne reste très importante. Il n'échappe à personne que l'antagonisme américano-russe est très prononcé - même s'il y a eu quelques rapprochements tactiques ces derniers temps -. La crise ukrainienne, faisant suite à la crise géorgienne, a été largement entretenue par la vision géopolitique américaine. Les Américains ont une représentation théorique de l'Ukraine qui ne correspond pas vraiment à la réalité historique. Cette vision est soutenue, entre autres, par le rôle non négligeable des Polonais, car le pays qui a des revendications historiques en Ukraine et appuie le gouvernement de Kiev. La Pologne constitue ainsi une pièce essentielle de la stratégie américaine vis-à-vis de la Russie.  A cet égard, la présidence de l'Union par Donald Tusk - qui est polonais- a été très pro-américaine.

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