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15 ans après le 11 septembre, les musulmans américains entre gestion de la haine et espoir
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THE DAILY BEAST

15 ans après les attentats du 11 septembre, il y a de quoi désespérer à propos de la situation des musulmans aux Etats-Unis. Mais il y a encore plus de raisons d'être optimiste.

Dean Obeidallah

Dean Obeidallah

Dean Obeidallah est l'animateur du programme radio The Dean Obeidallah show diffusé sur SiriusXM, le seul programme radio national des Etats-Unis à être présenté par un Américain de confession musulmane. 

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Dean Obeidallah, The Daily Beast

Alors, ça fait quoi d’être un musulman aux Etats-Unis, quinze ans après le 11 septembre ?

On voit des signaux et des sondages inquiétants sur la façon dont nos chers compatriotes nous voient. Donald Trump et d’autres à droite nous diabolisent ouvertement. Et récemment, il y a eu une recrudescence alarmante de crimes racistes envers nous. Mais je n’ai jamais été plus optimiste sur notre futur aux Etats-Unis. Pourquoi ? Parce que les musulmans américains sont de plus en plus impliqués dans deux domaines – médias et politique – qui nous permettent de nous définir plus précisément et de renforcer notre communauté.

Il y a quinze ans, j’étais à l’angle de la 8ème rue et de la 6ème avenue, et je voyais les tours jumelles s’écrouler. Choqué et terrifié en ce moment qui devint un moment-clé de ma vie. Avant cela, j’avais peu de contact avec mes racines arabes ou la communauté musulmane. Je me considérais vraiment comme un mec blanc. Et je faisais souvent la blague que tous mes amis s’appelaient Monica, Chandler et Joey (personnages de la série américaine Friends). Pour dire les choses simplement, le 10 septembre 2001 je me suis couché en tant que blanc américain, et le 11 septembre, je faisais partie d’une minorité (haïe).

Au début, je me suis battu pour garder ''mes privilèges blancs''. En tant que blanc, je n’avais jamais à me justifier des mauvaises actions faites par quelques blancs. Maintenant, je suis devenu responsable de n’importe quelle mauvaise action faite par n’importe quel musulman dans le monde. Mais au fur et à mesure, j’ai intégré mon statut de minorité. Je me suis reconnecté à l’islam (mon père était musulman et ma mère est italienne et catholique, donc j’ai été éduqué dans les deux religions).

Aujourd’hui, je suis un fier musulman américain, ce qui est compatible et beau à la fois, contrairement à ce que certains à droite disent. Cependant, c’est alarmant de voir à quel point un bon nombre de mes compatriotes commencent à regarder les musulmans sous un mauvais jour. Un sondage fait par la chaine ABC en octobre 2001 montrait qu’une majorité d’Américains avaient une bonne image de l’islam (47% favorables, 39% défavorables). En octobre 2015, seulement 33% ont une opinion favorable contre 61%. Evidemment, quinze ans d’Al-Qaïda et de Daech jouent un rôle important. Mais leur message de terreur et de guerre entre les civilisations colle et se combine avec celui des professionnels américains de l'intolérance, qui font carrière sur la diabolisation et la haine des musulmans, et des Républicains comme Trump qui profitent de cette peur.

Le candidat républicain a élevé l’islamophobie à des niveaux jamais encore atteints par un candidat à l’élection présidentielle. De son mensonge éhonté que des ''milliers'' de musulmans dans le New Jersey s'étaient réjouis de l’attentat du 11 septembre, aux fausses accusations que les musulmans ne coopèrent pas dans la lutte contre le terrorisme, en passant par son affirmation irresponsable, "l’islam nous déteste".

Le résultat de la rhétorique de Trump et d’autres islamophobes va au-delà des mauvais sondages. Nous avons, au cours de l’année dernière, vu une augmentation des crimes contre les musulmans qui fait froid dans le dos. Des attaques sur nos lieux de cultes ; des attaques sur des personnes physiques, et au moins quinze musulmans américains morts dans des circonstances que notre communauté qualifie de "racistes", dont trois dans la ville de New York ces dernières semaines.

Ce qui fait mal au cœur, c’est que ce sont les enfants musulmans qui font face le plus à cette haine, comme le montre une étude récente qui dit que plus de 50% ont été malmenés à cause de leur religion. Avec tout ça, pourquoi suis-je optimiste ? Eh bien, pour plusieurs raisons.

Depuis le 11 septembre, notre communauté est devenue plus impliquée, avec un certain succès, dans les médias et dans la politique. Nous avons eu à prendre conscience du fait que nous étions mal décrits et définis dans ces deux mondes. Avant 2001, aucun musulman n’avait été élu au Congrès des Etats-Unis. Maintenant, il y en a deux : Keith Ellison (démocrate, Minnesota) et Andre Carson (démocrate, Indiana). Il y a également de nombreux musulmans élus au niveau régional ou local. Il y a quelques mois, l’immigrée Ilhan Omar est entrée dans l’Histoire en tant que première Américaine d’origine somalienne à gagner une primaire pour les élections d’un Etat (elle devrait l’emporter en novembre). De nombreux musulmans travaillent aussi sur des campagnes électorales, de l’élection locale à la campagne d’Hillary Clinton. Clinton est même la première candidate à avoir un coordinateur chargé des relations avec les musulmans. Un Comité national pour l’action politique des musulmans, Emerge USA, cherche à donner une voix aux musulmans et à les encourager dans l’action politique. Et mardi dernier, Obama est entré dans l’Histoire en nommant Abid Qureshi à la Cour du district de Washington, faisant de lui potentiellement le premier musulman juge fédéral. (On peut s’attendre à ce que les islamophobes s’en prennent à lui durement). 

Dans les médias, que ce soit dans les informations ou le divertissement, on voit aussi du progrès, même si c’est plus lent. Nous voyons régulièrement des gens comme Fareed Zakaria, Aasif Mandvi et Hasan Minhaj du Daily Show. Et il y a encore plus de choses qui se déroulent derrière l’écran avec un nombre croissant de musulmans employés dans les rédactions. Je connais personnellement plusieurs projets de divertissement développés par des musulmans (et tenez-vous bien, ce ne sont pas des terroristes !). 

Au-delà de ça, les jeunes Américains ont une opinion bien plus favorable des musulmans (65 %) que leurs aînés. Et plus important encore, un sondage récent vient confirmer ce que je dis depuis des années : ceux qui connaissent personnellement des musulmans ont une bien meilleure opinion des musulmans et de l’islam. Seulement 25 % des électeurs indépendants et qui ne connaissent pas de musulmans, ont une opinion favorable des musulmans. Et si cette personne connait "très bien" un musulman ? Le chiffre grimpe à 78 % (j’aimerais affecter un ami musulman à chacun d'entre eux). Et il en va de même pour les Républicains. En moyenne, 22% des électeurs républicains ont une bonne image de l’islam, mais ce chiffre monte à 59 % pour ceux qui connaissent très bien un musulman. Ce sont des sondages comme ceux-là qui m’ont incité à commencer mon show quotidien sur la radio SiriusXM, par la phrase "Je veux être ton ami musulman". Les musulmans ne représentent que 1 à 2 % de la population. Il est, de fait, impossible d’affecter un ami musulman à chaque Américain. Les médias nous donnent la possibilité d’avoir une portée plus grande. Je suis certain que les années à venir seront difficiles pour la communauté musulmane aux Etats-Unis. Mais l’islamophobie que nous voyons maintenant s’en ira : c’est ce que nous apprend l’histoire de notre pays. Les juifs et les catholiques, avant nous, ont enduré les mêmes peurs et les mêmes insultes. Au fond de mon cœur, je suis certain que nous aussi, on y arrivera.

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