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Attentats du 11 septembre : comment la Maison Blanche a ignoré les avertissements de la CIA
©Reuters

Triste anniversaire

Alors que l'agence centrale du renseignement américain, avertie de la menace d'un attentat imminent, tirait la sonnette d'alarme depuis de longs mois, l'ex-président George W. Bush et son équipe ont ignoré ces avertissements, estimant que le jeu n'en valait pas la chandelle.

On ne peut pas revenir en arrière, mais on peut apprendre de ses erreurs. George W. Bush et son administration ne peuvent pas ressusciter les victimes des attentats du 11 septembre, mais ils peuvent faire en sorte que ce scénario ne se reproduise pas. C'est bien dans cette optique-là qu'a été rédigé le rapport final de la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis, presque trois ans après les faits qui ont coûté la vie à quelque 3 000 personnes.

Mauvaise coordination des services de renseignement

Si celui-ci a notamment expliqué l'inadvertance des services de renseignement américains, qui n'ont pas su éviter la catastrophe, en raison de plusieurs points de défaillance administrative (trop grand fractionnement des services, difficulté à faire travailler les différents services conjointement, mauvaise répartition des budgets, mauvaise répartition des tâches), ce rapport de 585 pages détaille également comment les autorités ont été mises au courant de ce risque, sans toutefois le considérer comme une menace sérieuse. Le millefeuille administratif aurait ainsi ralenti le processus d'alerte et de réaction du gouvernement suite aux premières missives envoyées par les organismes de renseignement et de surveillance.

Et quand, enfin, ces informations parvenaient aux plus hauts dirigeants, elles se heurtaient aux oreilles sourdes des décisionnaires, trop occupés par leur vie politique pour se plonger dans des dossiers aussi complexes et pessimistes. Le site américain Politico a été le premier à révéler comment l'administration Bush a ainsi ignoré les avertissements donnés par CIA. L'article, publié en novembre 2015 et largement relayé (ici, ici et .) précise que le président a été mis au courant de la menace le 10 juillet 2001, deux mois avant les attentats. Le 6 août lui était même transmis un ultime rapport alarmiste, nommé Ben Laden déterminé à frapper les États-Unis. C'est donc clair : l'administration Bush était avertie du risque d'attentats massifs par Al-Qaïda, mais n'a pas su agir à temps pour protéger sa population.

Des attentats prévisibles

Mais bien avant, déjà en mai 2001, les services de renseignement américains multipliaient les rapports et avertissements au fur et à mesure que la menace se faisait plus pesante. "Il était évident que nous allions nous faire attaquer, que cette attaque ferait mal et que beaucoup d'Américains allaient mourir", déclarait à Politico Cofer Black, coordinateur du secteur du contre-terrorisme à la CIA au moment des attaques. Une version confirmée par George Tenet, directeur de la CIA également interrogé par le média américain : "Le monde était comme au bord de l'éruption". Un certain nombre d'indices montraient que la menace terroriste s'intensifiait : plusieurs islamistes connus des services de renseignement disparaissaient des écrans radars. Le 1er mai, la CIA prévient ainsi qu'un groupe déterminé à faire un attentat a déjà passé les frontières américaines.

Cofer Black et George Tenet exhortent le gouvernement à réagir. Ils font alors part de leur plan Blue Sky Paper, qui nécessiterait une intervention armée en Afghanistan afin contrecarrer les plans d'Al-Qaïda. La réponse qu'ils obtiennent est : "Nous ne sommes pas prêts à considérer cette affaire. Nous ne voulons pas voir le décompte débuter". Une manière d'éviter de porter la responsabilité d'un éventuel attentat. Le mieux est donc de ne pas y prêter trop attention, en attendant que la menace diminue providentiellement.

"Ils arrivent"

Pas de quoi décourager les agents de la CIA, qui multiplient leurs recherches et parviennent à monter un dossier rassemblant toutes les preuves d'un attentat imminent et de grande ampleur sur le sol américain, avec l'aide de Richard Blee, en charge de la cellule du renseignement dédiée à Al-Qaïda. George Bush étant en voyage à Boston, Black et Tenet demandent à rencontrer de toute urgence Condoleeza Rice, alors conseillère à la sécurité nationale au sein du gouvernement. Tenet se souvient : "J'ai dit, 'Condi, il faut qu'on parle'. Ce fut l'une des rares fois durant ma carrière de sept ans au poste de directeur où j'ai dit 'il faut qu'on parle, nous arrivons de suite, nous devons être là' ". Les deux membres de la CIA mettent alors en évidence les éléments à la conseillère. Richard Blee déclare d'un ton grave : "Il va y avoir des attaques terroristes contre les États-Unis dans les prochaines semaines ou mois. Elles seront spectaculaires et multiples. L'objectif d'Al-Qaïda est de détruire les États-Unis". Les deux lanceurs d'alerte attendent la réponse de Rice, une réponse en adéquation avec l'urgence de la situation. Mais celle-ci rétorque : "Qu'est-ce que vous pensez que nous devons faire ?". Black et Tenet sont dépités. "Pour moi, cela reste toujours aussi incompréhensible. Enfin, comment est-ce possible de prévenir tant de fois des hauts dirigeants sans qu'aucune décision soit prise ?"

Malgré l'inaction des dirigeants, Black et Tenet continuent d'enquêter. Fin juillet, Blee convoque Tenet et son équipe dans la salle de conférence du quartier général de la CIA. Tenet raconte à Politico : "Et je n'oublierai jamais cela, jusqu'à ma mort. Richard Blee regarda chacun de nous et déclara 'ils arrivent'. Et le silence qui suivit fut assourdissant. On pouvait sentir l'oxygène sortir de la salle. 'Ils arrivent' " .

On connait la suite. Dans le prolongement de l'opération Bojinka, prévoyant le détournement et le sabotage d'avions de lignes américains, les terroristes du 11 septembre ont ainsi transformé quatre aéronefs en armes de destruction massive. Les séquelles de ces attaques resteront encore longtemps visibles, au cœur-même de Manhattan comme dans les pensées de millions d'Américains.

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