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Sur les dix dernières années en France, la croissance de la pointe de consommation électrique a été deux fois plus rapide que celle de la consommation annuelle.
Sur les dix dernières années en France, la croissance de la pointe de consommation électrique a été deux fois plus rapide que celle de la consommation annuelle.
©Reuters

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Pour Emmanuel Grand et Emmanuel Austruy, tant qu'il y aura de la croissance économique et peu de solutions trouvées sur la gestion de la pointe de consommation, la "course folle" risque de continuer...

Emmanuel  Grand et Emmanuel Austruy

Emmanuel Grand et Emmanuel Austruy

Consultant en stratégie au sein d'un grand groupe de conseil, Emmanuel Grand intervient pour des missions de conseil sur l'ensemble des problématiques énergétiques auprès des autorités publiques et des entreprises du secteur de l'électricité et du gaz. Il a publié L'Europe de l'électricité et du gaz (Economica, décembre 2011).

Senior Manager au sein d'un grand cabinet de conseil de Direction Générale, Emmanuel Austruy est spécialiste des problématiques électricité et gaz, en France et en Europe. Ingénieur en électricité et maîtrise de l'énergie, il a commencé sa carrière il y a une dizaine d'année chez un des premiers opérateurs indépendants d'énergie français.

 

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Atlantico: A cause du grand froid, des records de consommation de gaz et d'électricité sont attendus en France cette semaine. Cet hiver n'étant pas spécialement plus rigoureux que les précédents, comment l'expliquer ?

Emmanuel Austruy et Emmanuel Grand : Les pointes de consommation de gaz et d'électricité sont toujours observées l'hiver en Europe, du fait de besoins de chauffage renforcés. La consommation européenne de gaz en hiver est ainsi le double de celle de l'été, et elle est d'un quart supérieure pour l'électricité. Concernant les records, ils suivent la hausse générale en France de la consommation d'énergie : en France, depuis dix ans, nous battons quasiment chaque année le record de consommation électrique.

Enfin, même si cet hiver n'est pas plus rigoureux que les précédents, la vague de froid a été précédée de températures anormalement hautes. Dans ces situations les individus surréagissent en augmentant fortement leur chauffage avant de revenir à une température mieux régulée.


Jusqu'où ira-t-on dans cette "course folle" à la consommation d'énergie ?

EA et EG : Le premier déterminant de la consommation énergétique est le niveau de vie, mesuré par le PIB. Plus celui-ci s’élève, plus les populations s'équipent et consomment des produits et services requérant de l'énergie : la consommation d'électricité et de gaz en Europe a ainsi cru d'environ 2% par an sur les quinze dernières années.

Un autre phénomène est plus inquiétant : sur les dix dernières années en France, la croissance de la pointe de consommation électrique a été deux fois plus rapide que celle de la consommation annuelle, cette augmentation étant liée à de multiples facteurs : plus forte proportion de chauffage électrique dans les logements neufs, moins de capacités de réduction de consommation chez les industriels… Or l'ensemble des infrastructures et des moyens de production a besoin d'être dimensionné pour supporter en particulier les maximums de consommation.

On pourrait donc dire que tant qu'il y aura de la croissance économique et peu de solutions trouvées sur la gestion de la pointe la "course folle" risque de continuer. Un message d'espoir réside dans la capacité des consommateurs à réagir et à réduire d'eux-mêmes leur consommation lors des pointes  : via une information et des signaux de prix adaptés, en décalant certaines consommations, les consommateurs pourraient permettre de réduire la pointe.


Sommes-nous entrés dans une nouvelle séquence de consommation d'énergie ? Quelles sont les projections sur les cinq années à venir ?

EA et EG : Les projections prévoient en Europe la poursuite de la croissance : de +1%à +2% par an pour la consommation de gaz et d'électricité. Cependant, pour les instituts de prévision, le niveau précis de cette croissance reste incertain car dépendant des mesures d'économies d'énergie qui seront effectivement mises en place par les pouvoirs publics. Selon que ces mesures soient minimales ou ambitieuses, la croissance pourrait ainsi varier du simple au double d'ici à la fin de la décennie. Il n'y a donc pas de nouvelle séquence de consommation d'énergie, mais plutôt une possibilité d'inflexion à la baisse, progressive, de cette dernière.


Le progrès technique (isolation, normes européennes, etc.) qui devrait jouer en faveur d'une baisse de la consommation énergétique, favorise-t-il  au contraire les excès ?

EA et EG : Il est un peu tôt pour juger des résultats des nouvelles normes et techniques. Les premiers résultats encourageants sont ceux des certificats d'économie d'énergie et le déploiement partout en Europe d'initiatives de réseaux intelligents, maillon essentiel pour la réduction de consommation. Afin d'éviter les excès, il conviendra dans tous les cas de doubler ces dispositifs d'incitations et de contraintes sur les consommateurs. Une nouvelle Directive sur l'efficacité énergétique est à ce sujet en préparation au niveau européen.

La France fait-elle figure d'exceptions en la matière ou se retrouve-t-elle dans une situation comparable à celle d'autres pays étrangers ?

EA et EG : La croissance de notre consommation énergétique est dans la moyenne européenne pour le gaz et l'électricité. L'exception française est d'avoir fortement favorisé le chauffage électrique au moment du développement du parc nucléaire et son électricité abondante et relativement bon marché. La conséquence directe est une sensibilité beaucoup plus forte de la consommation aux températures en France que dans le reste de l'Europe : une baisse d'un degré en hiver y implique un besoin additionnel équivalent à environ deux centrales nucléaires, la France représentant à elle seule 40% de la surconsommation européenne due au froid !

Propos recueillis par Franck Michel

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