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Burkini et attentats ou pas, le sondage qui montre que l'image de la France aux Etats-Unis s'est nettement améliorée ces dernières années
©Wanaiifilms

Info Atlantico

Selon un sondage exclusif Ifop pour Atlantico, 54% des Américains ont une bonne image de la France, contre 45% en 2007. Une tendance générale qui s'inscrit à contre-courant de certains discours politiques outre-Atlantique au sujet de notre pays.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel est selon vous le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Cette enquête s'inscrit à la suite d'une autre enquête menée en septembre 2007 à la suite de l'élection de Nicolas Sarkozy, Président français très américanophile. On constate une amélioration de l'image de notre pays outre-Atlantique avec 54% d'Américains qui ont aujourd'hui une bonne image de notre pays, contre 45% en 2007. On le voit sur d'autres éléments : sur l'influence de la scène internationale (de 52 à 59%), sur la capacité à se moderniser (de 58 à 65%), sur la question de savoir si la France est un pays où il fait bon vivre (de 39 à 45%), etc.

Il y a donc une amélioration manifeste de l'image de notre pays outre-Atlantique, alors même que Donald Trump a récemment dressé un portrait très peu flatteur de la France et qu'un certain nombre de médias (plutôt conservateurs) ont alimenté la polémique. Souvenez-vous ainsi des cartes avec ces fameuses no-go zones de la région parisienne. Pour autant, l'image s'est améliorée depuis 2007.

Pour être tout à fait exact, nous n'avons pas de mesure intermédiaire faite entre 2007 et ces polémiques récentes. En effet, peut-être que l'image de la France s'était encore plus améliorée et qu'elle s'est re-dégradée par la suite...

Il faut bien regarder le contexte de l'étude préalable. Elle a été faite en septembre 2007, soit deux ans après les émeutes de banlieues de 2005 qui avaient été très fortement médiatisées dans la presse internationale. Nous avions également vécu un autre événement très fort avec la décision du président Jacques Chirac en 2003 de ne pas intervenir aux côtés des forces américaines en Irak. Cela avait durablement altéré l'image de la France outre-Atlantique, dans un pays encore traumatisé par le 11 septembre (on en commémorera les 15 ans ce week-end) et parti faire la guerre en Afghanistan. Dans ce schéma-là, le fait que la France fasse entendre une voix dissonnante et refuse de se battre aux côtés des Américains avait été très mal perçu.

Si vous regardez les résultats de l'enquête sur le caractère "arrogant" de la France, en repensant au discours de Dominique de Villepin aux Nations Unies, vous constatez qu'à l'époque, 59% des Américains estimaient que cela correspondait bien à notre pays. On a perdu 19 points entre-temps ! On a peut-être d'autres éléments intervenus depuis : réchauffement stratégique entre les deux pays avec la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Otan, la lutte contre l'Etat Islamique en Irak et en Syrie, intervention en Libye auprès des rebelles anti-Khadafi, etc. La situation géopolitique et stratégique n'a ainsi plus rien à voir avec celle post-2003.

On peut aussi penser que comme 2001 a été un traumatisme très profond dans la société américaine, le fait que la France soit à son tour victime du terrorisme islamiste en 2015 et plus récemment en 2016 (Nice étant, par ailleurs, l'une des villes françaises hors Paris qui parlent beaucoup aux Américains) a peut-être ravivé un sentiment d'empathie et une communauté de destin entre nos deux peuples, deux grandes démocraties frappés à 15 ans d'écart par des attaques spectaculaires.

Malgré la récente polémique entre Manuel Valls et le New York Times au sujet du burkini, malgré les nouvelles déclarations de Donald Trump, l'image de la France aux Etats-Unis semble s'améliorer depuis 10 ans. N'y a-t-il pas une forme de paradoxe ici ? Quelles peuvent être les raisons de cette bonne image de la France outre-Atlantique ?

Comme je le disais auparavant, l'amélioration se constate ici entre deux points, sans mesure intermédiaire. Il faut donc être prudent. Peut-être que l'amélioration était encore plus forte il y a deux ans et s'est dégradée depuis le début de la campagne américaine...

Il est toutefois intéressant de noter que si 54% des Américains ont une bonne image de la France (+9 points), les jugements sont extrêmement clivés politiquement. On peut penser que le clivage républicain/démocrate, exacerbé aujourd'hui avec le duel Trump/Clinton, s'illustre bien dans le rapport à la France. Le rapport à la France, c'est le rapport aux autres, à une certaine conception de la diplomatie, à certaines valeurs, etc. On a ainsi une Amérique "clintonienne" plus sensible au multilatéralisme et aux enjeux sociétaux et culturels, et une Amérique "trumpiste" plus isolationniste et plus sur une position de realpolitik. Face à la voix un peu singulière de la France, on a des réactions très épidermiques. Deux tiers des sympathisants démocrates ont une bonne image de la France, contre un tiers seulement des sympathisants républicains. On voit donc l'osmose entre Trump et toute une partie de son électorat. 40% des républicains perçoivent par ailleurs la France en déclin, contre 20% des démocrates. La France est ainsi un bon miroir des fractures américaines.


Malgré une bonne opinion en général, les Américains ne sont que 47% toutefois à souhaiter que les liens entre la France et les Etats-Unis se resserrent, contre 54% en 2007. Ils ne sont par ailleurs qu'un tiers à vouloir vivre ou travailler en France. Ce genre de résultats ne montre-t-il pas que la France et les Etats-Unis restent tout de même des alliés assez distants et éloignés aujourd'hui, eux qui étaient très proches à la fin du 18ème siècle ?

La relation franco-américaine a toujours connu des hauts et des bas. Pour l'instant, nous restons indubitablement dans une phase d'amélioration (en tout cas dans l'opinion publique) par rapport à ce qu'on a connu en 2007.

On le voit très clairement sur la perception de la relation avec la France, que nous abordons dans cette enquête. Nous sommes passés de 7% à 25% d'Américains qui pensent que la France est un allié fidèle (+18 points). De même, 44% des Américains pensent que la France est un pays allié qui sait parfois être critique, contre 39% en 2007 (+5 points). En 2007, 46% des Américains nous considéraient donc comme un allié (fidèle ou critique), contre 69% aujourd'hui (+23 points en sept ans). Amélioration du regard porté sur notre pays et les relations. A l'opposé, 33% des Américains considéraient la France comme un pays allié en de rares occasions, contre 13% aujourd'hui. Pour ce qui est de la France vue comme un pays non allié, ils étaient 9% à le penser à l'époque, 2% seulement aujourd'hui. On voit donc bien l'amélioration de la situation et l'importance de la décision de ne pas aller en Irak à l'époque. Cela étant dit, même dans ces temps-là, il n'y avait que 9% des Américains qui considéraient que la France n'était pas du tout un allié. Le lien était donc distendu mais pas rompu.

Pour revenir à votre question, il faut là aussi la resituer dans le contexte. Il y a moins d'Américains qui souhaitent que les relations se resserrent entre les deux pays. Mais quelque part, c'est normal puisqu'ils affirment dans la question précédente que les relations sont meilleures qu'avant. A l'époque, 54% des Américains disaient qu'il fallait que cela se resserre, et ce parce qu'ils avaient conscience que les positions de la France et des Etats-Unis s'étaient très fortement éloignées. Aujourd'hui, il y a une espèce de retour à l'équilibre. Il est logiquement moins urgent de resserrer les liens quand on considère que les relations sont meilleures qu'à l'époque...

Ensuite, sur le fait qu'un tiers "seulement" des Américains aimeraient vivre ou travailler en France, c'est quand même déjà pas mal... Par ailleurs, en ce qui concerne l'avenir de la relation franco-américaine, le fait que 51% des Américains de moins de 35 ans aujourd'hui soient partants pour venir travailler chez nous (que ce soit un vœu ou un projet concret) montre que malgré la barrière linguistique, l'image de la France est toujours assez attractive auprès des jeunes générations.

Intéressons-nous également à tout ce qui traite de la Silicon Valley, la French Tech, le brain drain, les créateurs d'entreprise, la capacité à structurer des filières autour de la nouvelle économie, etc. On sait que beaucoup de nos jeunes talents partent tenter leur chance aux Etats-Unis (au grand dam de nos décideurs politiques). Or, on constate ici que plus les Américians sont diplômés, plus ils ont envie de venir vivre ou travailler en France. C'est un démenti assez cinglant aux discours déclinistes sur la France qui ne serait plus ce qu'elle était, etc. Il y a encore en Amérique, dans les populations les plus stratégiques (les jeunes et les plus diplômés), un attrait manifeste pour la France.

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