Statu quo : comment Vladimir Poutine sort renforcé de sa rencontre avec Barack Obama<!-- --> | Atlantico.fr
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Il va être question d’un cessez-le-feu en Syrie, qui, bien sûr, ne sera respecté que très partiellement. Cela dit, cela sera toujours bénéfique pour les populations qui pourront connaître une trêve éphémère mais bienvenue.
Il va être question d’un cessez-le-feu en Syrie, qui, bien sûr, ne sera respecté que très partiellement. Cela dit, cela sera toujours bénéfique pour les populations qui pourront connaître une trêve éphémère mais bienvenue.
©Reuters

Diplomatie

Alors que l'opération "bouclier de l'Euphrate" lancée en Syrie par la Turquie a été à l'ordre du jour des discussions entre dirigeants lors du sommet du G20 à Hangzhou (Chine), il apparaît clair que les positions américaines ne sont pas sorties renforcées de ce week-end diplomatique.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Suite à la rencontre entre Barack Obama et Vladimir Poutine lors du somment du G20, à Hangzhou, le Président russe a pu indiquer qu'en dépit d'un accord global, certains alignements des positions, sur la désescalade de la situation en Syrie, ont pu avoir lieu. En l'absence de précisions dévoilées par les représentants de Moscou et de Washington, quelles sont les hypothèses pouvant être retenues, sur cette notion de désescalade ?

Alain Rodier : Comme d’habitude, il va être question d’un cessez-le-feu qui, bien sûr, ne sera respecté que très partiellement. Cela dit, cela sera toujours bénéfique pour les populations qui pourront connaître une trêve éphémère mais bienvenue. Je pense surtout aux quartiers rebelles d’Alep qui - le sort des armes a parlé - sont de nouveau hermétiquement assiégés. Il conviendrait également de prévoir des couloirs humanitaires qui pourraient permettre l’exfiltration d’activistes et de leurs proches comme cela a déjà été négocié à de nombreuses reprises dans le passé. Cela peut étonner les non-initiés mais ces tractations sont courantes au Proche-Orient, comme d’ailleurs les pires horreurs. Bien sûr, ces mesures ponctuelles ne sont absolument pas suffisantes pour ramener la paix civile mais cela peut donner un bol d’oxygène à ceux qui souffrent le plus, les populations civiles syriennes. Il est vrai que leur sort intéresse peu les puissances qui se livrent en Syrie à une guerre par procuration. Les wahhabites saoudiens contre les chiites iraniens, Washington contre Moscou, la Turquie contre les kurdes, etc. Problèmes à multiples entrées et dont les acteurs ont des intérêts parfois convergents mais souvent divergents.

Suite à sa rencontre avec Barack Obama, le président turc, Recep Erdogan s'est félicité du fait que la frontière turco-syrienne avait été nettoyée des terroristes. Peut-on en déduire que le sommet du G20 aurait débouché sur un cantonnement du rôle de la Turquie à la frontière syrienne, et non au-delà ?

Le point fondamental à retenir est qu’Ankara refuse l’établissement d’un Kurdistan (le Rojava) le long de sa frontière. A mon sens, cela ne va pas l’empêcher, mais un peu plus au sud. Il ne reste qu’une petite centaine de kilomètres pour que les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui sont en réalité une entité à majorité kurde, ne fassent leur jonction avec leurs homologues de la province d’Efrin située plus à l’ouest. Le point-clé à conquérir - pour les Turcs pour empêcher cette jonction, et pour les Kurdes pour la faire - reste la localité d’al-Bab. L’affaire n’est pas jouée car la population de cette région est majoritairement arabo-sunnite. Nous assistons pour l’instant à une course contre-la-montre entre ces entités. Bien malin qui connaît la suite. Cela dit, des grandes puissances veillent au grain.

Au regard des différentes négociations ayant eu lieu lors du sommet de Hangzhou, quelles sont les positions qui se retrouvent renforcées, et celles qui semblent être affaiblies ?

Indéniablement, les Américains sont les grands perdants des derniers développements survenus lors de l’opération "bouclier de l’Euphrate". Ils se sont retrouvés obligés de soutenir Ankara contre les FDS qu’ils considéraient comme "à leur pogne" pour lutter contre Daech. A savoir que les forces kurdes sont les seules à avoir la volonté nécessaire pour affronter les fous furieux de Daech. Mais Washington a été contraint de les sacrifier sur l’autel de l’amitié entretenue avec la Turquie, pays d’importance géostratégique majeure au Proche-Orient (et accessoirement, deuxième armée de l’OTAN en nombre). Le président Obama n’a plus de marge de manœuvre et ne fait que gérer le situation courante en préparant ses clubs de golf pour une retraite parfaitement méritée (il a été désigné prix Nobel de la Paix en début de mandat, nous pourrions en sourire si la situation actuelle n’était pas aussi dramatique. Au rythme où cela va, peut-être sera-t-il canonisé à l’avenir).

Le Président Poutine, lui, boit du petit lait. N’essayons pas de nous faire croire qu’il n’avait pas été prévenu de l’opération "bouclier de l’Euphrate" en amont, ce serait faire injure faite au SVR, les services de renseignement extérieur russes dont on nous rebat les oreilles sur les grandes compétences et l’agressivité. Je pense même qu’il y a eu "accord" entre Ankara et Moscou, l’aviation turque se gardant d’aller trop loin vers le sud pour ne pas chatouiller de trop près les pilotes des forces aérospatiales russes (l’armée de l’air russe) qui ont un léger passif avec leurs homologues turcs qui ont abattu un de leurs appareils (Su-24) en novembre 2015. Un retour à l’envoyeur ne serait pas pour leur déplaire.

La suite des évènements peut réserver encore des surprises stratégiques. Le président Erdoğan nous a habitué à des demi-tours inopinés. Mais je pense que l’on se dirige vers une partition de la Syrie, condamnée par tous mais rendue obligatoire par les faits. Le problème est que tous les interlocuteurs sont tous condamnables moralement : le régime de Bachar el-Assad, les tortionnaires de Daech ou les héritiers d’Al-Qaida "canal historique". Ne pouvant gagner la guerre, il va bien falloir composer.

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