Nuages à l’horizon : comment les bons chiffres estivaux de l’économie française pourraient bien masquer un prochain renversement de tendance<!-- --> | Atlantico.fr
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Le scénario d’une rechute est donc possible, mais plus vraisemblablement celui de la poursuite d’une stagnation ou d’une faible reprise après l’arrêt de la croissance au deuxième trimestre.
Le scénario d’une rechute est donc possible, mais plus vraisemblablement celui de la poursuite d’une stagnation ou d’une faible reprise après l’arrêt de la croissance au deuxième trimestre.
©Artsper - Élodie Grégoire

Mauvais présage

Le secteur des services connaît des chiffres à la hausse en août 2016. Cependant, la bonne nouvelle n'est que de courte durée : selon l'indice PMI Markit, ceux-ci devraient chuter à nouveau dans les mois à venir.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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​Atlantico : Ce lundi 5 septembre, l'Institut Markit dévoilait la composante "services" de son indice PMI, visant à mesurer le niveau d'activité de ce secteur au sein de l'économie française (voir ici). En dépit de chiffres à la hausse pour ce mois d'août 2016, Markit ​met en garde contre un prochain ralentissement en indiquant que "les dernières données de l’enquête mettent toutefois également en évidence un retour à la contraction de l’emploi ainsi que les plus faibles perspectives d’activité depuis la fin de l’année 2015". Alors qu'une reprise économique est régulièrement mise en avant par le gouvernement, le scénario d'une rechute est-il aujourd'hui envisageable ? 

Jean-Paul Betbeze : Commençons par une surprise : l’indice PMI Markit sur les services annonce pour août la plus forte hausse de l’activité depuis dix mois. Il s’établit à 52,3 en août contre 50,5 en juillet. L’indice final Markit Composite de l’Activité Globale en France s’établit de son côté à 51,9 contre 50,1 en juillet, ce qui est également un plus haut depuis dix mois. Ceci n’empêche pas les auteurs de l’analyse de souligner des interrogations sur le futur, avec des perspectives plus faibles pour les mois à venir et l’idée que les personnes interrogées ne comptent pas employer davantage. Au contraire même, elles disent réduire leurs effectifs en août et n’entendent pas remplacer les départs volontaires. 

Tout ceci est donc a priori surprenant, tant ce sursaut que les commentaires modérés, compte-tenu du fait que le climat des affaires est stable et que la consommation s’est inscrite en baisse en juillet (de seulement 0,2%, il est vrai) mais avant les derniers événements politiques et sociaux. Or, le tourisme connaît des difficultés et le moral des ménages n’est pas au beau fixe. La baisse du chômage mesurée par le BIT est au moins autant liée à des personnes qui ont trouvé un emploi qu’à d’autres qui ont cessé d’en chercher. 

Le scénario d’une rechute est donc possible, mais plus vraisemblablement celui de la poursuite d’une stagnation ou d’une faible reprise après l’arrêt de la croissance au deuxième trimestre. Après ce deuxième trimestre en effet, l’acquis de croissance (autrement dit la croissance pour 2016 s’il n’y a plus de progression de l’activité aux troisième et quatrième trimestres) est de 1,1%. Si la croissance est modeste ou nulle au troisième trimestre (ou pire), on comprend donc que les 1,5% de croissance attendus seront très difficiles à atteindre. Ceci posera bien sûr des problèmes budgétaires.

Quelles sont les causes de cette méfiance ? Quelles sont les vulnérabilités actuelles de la reprise française ? 

Les causes de cette méfiance sur le futur sont très largement psychologiques. Elles reposent sur les inquiétudes liées aux actes terroristes, mais il est aussi vrai que les questions politiques entrent en jeu tant pour ce qui se passe en France qu’en Europe, sans oublier les élections américaines. Les ménages français sont inquiets, comme les entrepreneurs. Mais les causes ne sont pas seulement psychologiques et politiques, elles s’inscrivent dans la reprise très lente de l‘économie française, bien plus lente qu’en Allemagne en particulier. Si l’on raisonne en termes de PIB par tête, la France a à peine retrouvé son niveau d’avant crise. Les difficultés qu’elle a à avancer et à accroître l’emploi pèsent sur tous les esprits. La cause majeure, économique, de cette vulnérabilité reste la profitabilité trop faible des entreprises. Elle s’inscrit à 32% (excédent brut d’exploitation sur valeur ajoutée) soit au-delà des 27/28% antérieurs, grâce au CICE, mais bien en-deçà des 36% allemands. Et toute la question est la poursuite des politiques de baisse des charges et de simplification. Même des taux d’intérêt très bas ne parviennent pas à dynamiser vraiment l’investissement. Il faudra donc plus et plus longtemps de simplification et de baisse de la fiscalité. 

Ce jeudi 8 septembre, la Banque centrale européenne annoncera sa dernière décision concernant sa politique monétaire. Au regard du contexte actuel, faut-il s'attendre à une action de la BCE ? De façon complémentaire, le gouvernement français aurait-il les moyens de renforcer la croissance actuelle ? De quelle manière ?

La BCE va poursuivre ses messages de reprise lente et peu inflationniste, en insistant sur le fait que, peu à peu, les chiffres lui donnent raison. La croissance prévisible pour l’an prochain serait ainsi de 1,6% avec 1,3% d’inflation, puis autour de 1,6% ensuite avec un peu plus d’inflation, par exemple 1,6%. Mais la BCE ne veut pas brûler toutes ses cartouches. Elle se dit que la FED n’augmentera pas ses taux en septembre mais plutôt en décembre, ce qui soutiendra le dollar et donc l’aidera. C’est à ce moment-là qu’elle pourra conforter ses prévisions pour les mois qui arrivent et confirmer sa politique d’achats de bons du trésor et d’obligations privées. Elle aura alors à résoudre un problème qui est celui des achats de bons du trésor allemands puisque sa "puissance d’achat" va vite atteindre la limite des 33% des émissions, compte-tenu de leur baisse. Ce problème va d’ailleurs se poser pour d’autres pays, il faudra que la BCE trouve une solution. Peut-être pourra-t-elle profiter de la réunion du 8 septembre pour l’esquisser. C’est un point que les marchés attendent.

Concernant la France, l’année 2016 est pratiquement jouée. 2017 va dépendre des idées que se font les entrepreneurs sur la fiscalité et la politique économique afin de déterminer leur programme d’investissement. Il est possible, compte-tenu des incertitudes actuelles, qu’ils décident de prolonger les tendances, quitte à mettre un coup d’accélérateur une fois que les politiques seront plus claires, non seulement pour 2017 mais pour les suivantes. Une des leçons de cette crise est qu’elle est durable, donc qu’elle ne peut se résoudre que par des politiques favorables aux entreprises qui s’inscrivent, elles-mêmes, dans la durée.

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