Bonnes feuilles
Quand le duel "des starlettes de la déradicalisation" met à mal un projet ambitieux
Avril 2014. Le ministère de l'Intérieur s'empare de la question épineuse de la prévention de la radicalisation avec la création du numéro vert "anti-djihad", dont la mission consiste à recueillir le signalement des personnes en voie de radicalisation. En annexe, une cellule de "déradicalisation" est créée, sous l'autorité de la préfecture de police de Paris, destinée à accompagner les familles ayant eu le courage de faire ce numéro. Pourquoi, un an plus tard, ce projet ambitieux connaîtra-t-il une fin brutale ? Julien Revial a été le témoin privilégié de cette aventure qui pourrait prêter à sourire si le sujet n'était pas aussi grave. Quels sont concrètement les moyens mis en place par l'État pour lutter contre la radicalisation religieuse ? Extrait de "Cellule de déradicalisation" de Julien Revial, aux Editions Michalon 2/2
La rivalité entre Sonia et Dounia s’affiche au grand jour dans un portrait croisé paru dans Libération le 20 février 2015 et intitulé « Deux visages de la déradicalisation ». Je pense qu’il aurait été plus véridique de titrer « LES deux visages de la déradicalisation » mais ce n’est qu’un détail.
Je suis un peu surpris par la teneur de cet article car d’habitude, les face-à-face de ce style opposent plutôt les cadors politiques (Alain Juppé/Nicolas Sarkozy), les intellectuels émérites (Michel Onfray/Alain Finkielkraut) ou les starlettes américaines (Paris Hilton/Miley Cyrus) ! La différence de méthodologie est mise en lumière : Sonia utilise la dimension théologique quand Dounia Bouzar joue sur la dimension affective, notamment en « confectionnant un gâteau d’anniversaire d’enfance ». Une parlementaire qualifie la technique de Dounia Bouzar de « psychologie de bazar » mais Pierre N’Gahane vole à son secours en déclarant qu’elle a « les bonnes méthodes » et « les réflexes républicains ».
Il prend carrément position pour elle en déclarant que c’est elle qui compte « le plus grand nombre de réussites » comme s’il s’agissait d’une compétition ! Le paragraphe sur Sonia contient moins de critiques mais pas de méprise, c’est simplement parce qu’elle est moins connue ! L’article se conclut par une révélation fracassante : « Les deux femmes ne s’apprécient guère ». Pierre N’Gahane se complaît à jouer les entremetteurs et le confirme ironiquement : « Elles ne passeraient pas leurs vacances ensemble ! ». C’est vrai que le détail est d’une importance cruciale…
Dans un article annexe intitulé « Jihad français : Mieux vaut prévenir et guérir », Monsieur le Préfet n’en finit plus de reconnaître les failles du système en avouant qu’il y a eu « du retard à l’allumage dans la prise en charge des jeunes radicalisés à la cause djihadiste ». Sonia conforte cette version par des propos moins conventionnels : « Tant que ce phénomène concernait essentiellement des musulmans arabes de cités, ça n’intéressait pas grand monde ».
Le ministère de l’Intérieur concède quant à lui que « les dispositifs sont plus ou moins trapus selon les départements ». Plus moins que plus à mon avis ! Plusieurs experts interviennent dont l’universitaire Mathieu Guidère qui explique que « la France a choisi une approche presque exclusivement répressive depuis les attentats de 1995 et qu’elle a pris dix ans de retard dans la prévention de la radicalisation » et un autre universitaire anonyme qui approuve indirectement notre recours à de jeunes médiateurs religieux : « Le problème, c’est que les personnes radicalisées ne font confiance ni aux acteurs étatiques ni aux représentants de l’islam. Ces derniers sont souvent liés à des États comme l’Algérie ou le Maroc, ou affiliés aux Frères musulmans. Les jeunes banlieusards ne veulent pas parler à ces vieux imams, qui sont perçus comme corrompus ».
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