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L'Allemagne va t-elle pouvoir contrôler ses nerfs alors qu'elle est confrontée à un casse-tête démographique impossible à résoudre ?
©Reuters

Stop ou encore ?

Pour l'Allemagne, son solde naturel négatif depuis plus de quarante ans ne constitue pas le marqueur de son déclin, comme peut le penser son voisin français. Outre l'immigration, le pays compte sur les réformes de son système de retraite pour inverser la tendance.

Hervé Le Bras

Hervé Le Bras

Hervé Le Bras est un démographe français, chercheur émérite à l'Institut national d'études démographiques (INED). 

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Atlantico : Selon le Federal Statistical Office, la population allemande est estimée à 82.2 millions de personnes, soit une hausse de 978 000 par rapport à 2015. Néanmoins, le solde naturel est négatif. Alors que la politique migratoire très favorable à l'accueil de réfugiés a donné lieu à de vives tensions politiques, dans quelle mesure l’Allemagne va-t-elle devoir trouver une autre solution que l'accueil de migrants pour lutter contre son vieillissement démographique ? Les Allemands peuvent-ils continuer ainsi ou doivent-ils accepter leur déclin ?

Hervé Le Bras : Depuis les années 1970, le solde naturel de l'Allemagne est négatif à cause d'une faible fécondité (1,4 enfants par femme) et depuis cette même époque, on prédit son déclin. Or sa population est passée de 62 à 82 millions d'habitants depuis lors. Comment ? D'abord, la réunification de 1989 lui a procuré 14 millions de personnes, puis l'accueil des Aussiedler, ces Allemands des pays de l'Est et l'ancienne URSS, 4 millions supplémentaires entre 1990 et 2000. Les migrations externes ont fait le reste. Cet examen du dernier demi-siècle montre que l'Allemagne sait trouver des solutions à sa démographie. Malgré sa faible fécondité, sa position en Europe s'est renforcée au point d'inquiéter ses partenaires, dont la France.

Si la volonté d'accueillir des migrants se maintient, vers qui l'Allemagne va-t-elle se tourner ? L'Allemagne peut-elle continuer à attirer des Espagnols et des Portugais, et à "assécher" les pays de l’Est ? Est-ce une politique soutenable que de chercher à accueillir des individus issus du Sud et de l'Est de l'Europe, et ainsi d'affaiblir leurs pays d'origine ? Quels sont les risques de voir apparaître des crises diplomatiques à ce sujet ?

L'Allemagne ne mène pas une politique délibérée d'accueil des migrants européens. En vertu de la libre circulation et de la liberté d'établissement, deux fondements de l'Union européenne, Espagnols, Grecs, Portugais, Tchèques, Polonais, etc.,viennent travailler de plein droit en Allemagne qui n'a ni la possibilité de refuser leur arrivée, ni celle de leur interdire de pratiquer leur métier sauf à sortir de l'Union comme l'a fait le Royaume-Uni. Il faut ajouter que, par le biais des remises ("remittancies"), les migrants européens soutiennent leur pays, de même que les provinciaux travaillant à Paris soutiennent leur région.

En cas de "résignation" de l'Allemagne sur cette question, comme cela semble être le cas du Japon, quelles en seraient les conséquences pour le pays ? 

La densité de l'ancienne Allemagne fédérale est trois fois supérieure à celle de la France, ce qui engendre un sentiment de surpopulation (en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, au Japon aussi). La mentalité nataliste et populationniste de la France, héritage d'un long passé de faible fécondité, n'est pas partagée par ses voisins qui ont une autre conception du déclin. Pour eux, le déclin n'est pas causé par une diminution de la population mais par l'appauvrissement économique, par la dégradation écologique, et par la régression de la démocratie, ce à quoi la France ferait bien de prêter attention plus qu'au nombre de ses habitants.

Chaque pays fait ses propres choix démographiques. Le Japon, qui refuse l'immigration comme remède à sa faible fécondité, mise sur la technologie, en particulier les robots pour faire face au vieillissement de sa population qui a, par ailleurs, la meilleure santé de la planète (espérances de vie totale, sans incapacité ou en bonne santé les plus élevées, et très faible pourcentage d'obèses). L'Allemagne compte sur l'immigration, mais aussi sur les réformes de son système de retraite (lois dites "Hartz"). Déjà, l'âge moyen constaté à la cessation d'activité est de 64,5 ans contre 61 ans en France. Les Allemands préfèrent travailler plus longtemps à faire des enfants. C'est l'inverse pour les Français. Parler de résignation dans le cas de l'Allemagne relève d'un ethnocentrisme français matiné du wishful thinking de voir ce voisin qui réussit mis en difficulté.

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