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Réunion de la Celle-Saint-Cloud : pourquoi François Hollande et ses partenaires sociaux-démocrates européens sont une espèce en voie d’extinction
©Reuters

Chant du cygne

Alors que François Hollande reçoit ce jeudi plusieurs leaders des partis de gauche européens, la social-démocratie traverse un moment critique au sein de l'Union européenne. Entre contexte politique peu favorable et difficulté à se repenser idéologiquement en période de crise économique, les tenants de la gauche de gouvernement sont dans le dur.

Raul  Magni Berton

Raul Magni Berton

Raul Magni Berton est professeur de sciences politiques. Il a enseigné à Paris, Montréal et Bordeaux et enseigne depuis 2009 à l’Institut d’Études politiques de Grenoble. Spécialiste de politique comparée, il travaille sur les régimes, les élections et l’opinion publique, surtout dans les pays européens. Il a publié plusieurs livres et articles dont Démocraties libérales (Economica, 2012) et Que pensent les penseurs ? (PUG, 2015).

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Atlantico : Ce jeudi, François Hollande se réunit au château de la Celle-Saint-Cloud avec plusieurs leaders de la social-démocratie européenne. Politiquement, comment s'inscrit une telle réunion dans ce qui pourrait ressembler à un "pot de départ", tant les représentants de la social-démocratie européenne semblent fragilisés à l'aube de scrutins importants (référendum en Italie, élection présidentielle française). Assistons-nous au chant du cygne de la social-démocratie européenne ?

Raul Magni-Berton : Nous pouvonsêtre tentés de dire oui, effectivement. Les partis sociaux-démocrates aujourd'hui au pouvoir vont probablement prochainement perdre ou sont déjà dans l'opposition. En réalité, la situation est un petit peu plus compliquée dans la mesure où il n'y a pas eu ces dernières années de primes aux sortants, bien au contraire. C'est ce que l'on observe avec les partis socialistes au pouvoir, mais aussi avec les autres partis. Exception faite de l'Allemagne et de la CDU, c'est actuellement assez difficile pour tous les sortants. Pour ce qui est des défaites attendues de François Hollande ou Matteo Renzi, on ne sait pas encore bien si c'est le fardeau de la social-démocratie ou le fardeau du parti qui gouverne.

Pour revenir à cette réunion au château de la Celle-Saint-Cloud, il y a tout d'abord une vieille tradition de se réunir. Ensuite, il est clair que dans la mesure où l'Union européenne joue un rôle politique important, il y a pour eux un intérêt à rester une famille social-démocrate européenne, pour harmoniser les programmes et mettre en place des politiques applicables dans tous les pays.

Quelles sont les causes profondes de cette situation ? S'agit-il avant tout d'une question de lignes politiques, d'un problème de personnalité, d'une manière de faire de la politique ? Quelles sont les évolutions qui expliquent ce contexte ?

Le contexte actuel compte beaucoup, mais la social-démocratie est elle-même en crise, car elle a toujours eu des difficultés dans des périodes de crise et d'ouverture des frontières. Et ce pour la bonne et simple raison que la social-démocratie a une philosophie basée sur deux principes : internationalisation et redistribution. Or, le souci réside dans le fait que ces deux principes sont très compliqués à appliquer en même temps. Dès que les frontières sont ouvertes, il est très facile pour les entreprises de partir chez la concurrence. Avec l'Europe et la mondialisation, les partis socialistes européens ont dû choisir et ont globalement fait le choix de l'internationalisation en se montrant particulièrement en faveur de l'intégration européenne et en se concentrant sur des réformes civiques et sociétales.

En période de crise, le problème de l'internationalisation et de la redistribution se pose pour les électeurs. L'internationalisation les éloigne des centres de pouvoir, donc ils sentent qu'ils ne peuvent pas réagir à l'évolution du monde avec des politiques de sécurité, par exemple.

J'ai par ailleurs pu constater dans les données que j'ai observées une certaine tendance des partis protectionnistes redistributifs à gagner les élections après les gouvernements socialistes.

Face à ces difficultés, des stratégies différentes ont été adoptées selon les partis (alliance avec la CDU pour le SPD allemand, avec l'extrême-droite dans certains pays comme l'Autriche, refus d'alliance en Espagne…). À quoi peut-on s'attendre en termes de recomposition politique à moyen et long terme pour ces partis si jamais leurs difficultés venaient à perdurer ?

Les différentes stratégies sont essentiellement dues au mode de scrutin. Avec un scrutin à la proportionnelle, vous êtes plus enclin à faire des alliances. L'Espagne possède un mode de scrutin techniquement proportionnel, mais avec des effets majoritaires qui tendent à en faire un système traditionnellement bipartisan, rendant ainsi les alliances plus difficiles. Vous avez en effet la possibilité de gagner sans faire d'alliance, ce qui bien souvent n'est pas le cas dans un système proportionnel tel que l'Autriche, par exemple.

Le vrai défi qui se pose pour ces partis, mais aussi pour les autres partis de gouvernement, c'est la poussée des autres partis qui exploitent ce "trou redistributif" en parlant de protection, de sécurité, de solidarité, etc. Ces partis ont aujourd'hui le vent en poupe en Europe. Or, étant donné que les systèmes politiques tendent toujours malgré tout à devenir bipartisans, la question qui se pose est de savoir lequel des deux partis traditionnels va perdre…

Face à cela, on distingue deux sortes de stratégie pour les partis sociaux-démocrates. La première est d'essayer de résister en s'alliant avec l'autre parti traditionnel ; c'est ce que le SPD a fait en Allemagne avec la CDU, mais il n'y a pas vraiment là-bas de partis tiers qui pousse très fort. La deuxième est tout bonnement d'essayer d'être le parti qui survit ; c'est ce qu'on a pu constater en Italie avec la chute de la droite "traditionnelle" au détriment du Mouvement 5 étoiles, ce qui a constitué une victoire pour le Parti Démocrate de Matteo Renzi. 

Peut-on par ailleurs imaginer une concurrence de plus en plus forte des formations qui se situent à leur gauche sur l'échiquier politique, comme en Grèce (Syriza) ou en Espagne (Podemos) ?

Il est intéressant de noter que c'est dans les pays du sud où la gauche pousse. Vous citez l'Espagne et la Grèce, c'est un peu moins clair en Italie. Pour ce qui est du nord de l'Europe, ce sont plutôt les partis de droite qui poussent. Dans les deux cas néanmoins, les partis qui montent sont des partis protectionnistes hostiles à la dérégulation économique.

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