Douglas Bader, pilote de la Royal Air Force, puis prisonnier des Allemands, s'évade plusieurs fois. Pourquoi est-ce un héros de guerre ? Il réalise tous ses exploits sans jambes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
Douglas Bader, pilote de la Royal Air Force, puis prisonnier des Allemands, s'évade plusieurs fois. Pourquoi est-ce un héros de guerre ? Il réalise tous ses exploits sans jambes
©

Bonnes feuilles

Nicholas Alkemade, mitrailleur d'un bombardier britannique, survit à une chute de 6 000 mètres. Giorgio Perlasca, Italien en poste en Hongrie, sauve 5 200 Juifs de la déportation. L'aviateur américain Charlie Brown est épargné par un pilote de chasse allemand. Amedeo Guillet, officier italien, devient un héros en Afrique orientale. Adolf Galland demeure un aviateur atypique de la Luftwaffe. Les pilotes britanniques Robert Tuck et Douglas Bader multiplient les exploits en plein ciel. Les Britanniques mènent des raids commandos en Gironde et en Norvège... Un ouvrage captivant. Extrait de "Histoires extraordinaires de la seconde guerre mondiale", de Dominique Lormier, aux éditions du Cherche midi 2/2

Dominique Lormier

Dominique Lormier

Dominique Lormier, historien et écrivain, est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire militaire. Membre de l'Institut Jean-Moulin et membre d'honneur des Combattants volontaires de la Résistance, il collabore à de nombreuses revues historiques. Il est l'auteur d'une centaine d'ouvrages.

Voir la bio »

Le 8 août 1941, un très dur combat aérien se déroule au-dessus de Saint-Omer entre Spitfire et Messerschmitt 109. Après avoir descendu deux chasseurs ennemis et percuté en vol un troisième, Bader est abattu. Avec humour, il fait le récit de son "atterrissage forcé" :

"Mon coucou pique du nez et je le vois partir en miettes. Je me retourne : l’empennage a déjà disparu... Il ne me reste qu’à sauter. C’est plus facile à dire qu’à faire : l’appareil s’est mis en vrille et tourne comme une toupie affolée. Je me hisse sur mes deux bras. Je réussis à sortir une jambe mais l’autre reste coincée. Je tire de toutes mes forces. L’appareil en fait autant, dans l’autre sens. Enfin, je m’arrache : la jambe droite s’est détachée, elle descend avec l’épave. Puis mon parachute s’est ouvert. C’est tout".

Ce que Bader a la modestie de ne pas préciser, c’est qu’il s’est enfoncé la prothèse gauche dans la poitrine. 

Transporté par les Allemands à l’hôpital de Saint-Omer, ses premières paroles, lorsqu’il reprend connaissance, sont pour demander où sont ses prothèses. Celle de gauche est bien là, près de son lit, mais l’autre manque ! Pas pour longtemps, car elle est retrouvée dans les débris de son avion. On la redresse tant bien que mal car elle est tordue. Fait incroyable, l’établissement hospitalier où il se trouve est tout près de l’endroit de la tombe de son père, tué durant la Grande Guerre de 1914-1918 !

Malgré les circonstances dramatiques, il est difficile de ne pas rire au récit que fait Bader de sa rencontre avec l'un des médecins allemands : 

"Il a un haut-le-corps en écartant le tissu déchiré... puis il regarde mes décorations.

– Vous avez perdu votre jambe, dit-il enfin, s’exprimant en anglais, avec un terrible accent teutonique.

– Oui, je sais... elle s’est détachée pendant que je me débattais pour sortir de mon taxi".

À  peine rétabli, Bader s’astreint, avec un courage extraordinaire, à parcourir les couloirs de l’hôpital. Pour soutenir le moral de ses camarades, blessés et prisonniers comme lui, il refuse une chambre particulière et reste avec eux dans la salle commune.

Bientôt, il manifeste le désir de rencontrer l’adversaire qui l’a descendu.

"Mais, déclare-t-il avec humour, je ne peux accepter l’idée que ce soit peut-être un caporal-chef".

Parmi les pilotes allemands ayant participé à ce combat aérien, il n’y a pas de caporal-chef, mais tout de même un sergent. Comme cela arrive souvent dans les mêlées confuses de la chasse, il est impossible de savoir quel est celui qui a réussi l’exploit de descendre cet as anglais. Aussi, l’as allemand Adolf Galland, présent lors de l’affrontement, décide de se désigner comme le vainqueur de Bader, afin de le satisfaire. Galland va même jusqu’à inviter son adversaire prisonnier à visiter sa propre base, près de Saint-Omer. De cette rencontre chevaleresque, Galland fait un récit particulièrement intéressant :

"Après avoir parcouru la base, Bader me fit ses compliments pour l’excellent camouflage, vanta longuement les qualités du Messerschmitt et, finalement, me demanda l’autorisation de s’installer dans un appareil. Je l’aidai à se hisser dans le cockpit. Il étudia minutieusement le tableau de bord, tâta le manche, actionna prudemment les palonniers. Puis, souriant, il se pencha vers moi :

– Voulez-vous me faire un grand plaisir ? Je voudrais, une fois au moins, piloter un Messerschmitt. Me permettriez-vous de faire le tour du terrain ?

– Vous me demandez l’impossible, dis-je. Si vous en profitez pour vous échapper, je serais obligé de vous poursuivre et de tirer sur celui dont je suis si fier d’avoir fait la connaissance.

Il se mit à rire et sortit de l’appareil".

Avant de regagner l’hôpital, Bader demande à Galland d’informer sa femme et ses camarades qu’il est vivant. De plus, il désire qu’on lui fasse parvenir un uniforme de rechange, des prothèses et... une pipe. Göring, consulté, donne son accord.

La Royal Air Force est avertie, par radio, sur longueur d’onde du Secours international maritime. Quinze jours plus tard, alors que la réponse n’est pas encore parvenue, Bader s’évade par une fenêtre du deuxième étage de l’hôpital, à l’aide de trois draps noués bout à bout.

"Les Anglais, écrit Philippe Roussel, livrèrent les prothèses d’une manière assez indélicate : ils ne prirent pas contact avec les Allemands, se contentant, au cours d’une attaque contre l’aérodrome de Saint-Omer, de lâcher la caisse contenant les prothèses au milieu de la cargaison de bombes !

Bader fut repris, gardé impitoyablement puis envoyé en Allemagne où il se distingua, une fois de plus, par plusieurs tentatives d’évasion plutôt sensationnelles".

Envoyé de camp en camp, Bader se retrouve finalement incarcéré dans la célèbre forteresse de Colditz, où les officiers allemands, lassés de cet homme hors du commun mais non moins admiratifs, lui confisquent finalement ses prothèses, après son refus de promettre de ne plus s’évader.

La 1ère armée américaine libère les prisonniers de Colditz en avril 1945. Bader se rend alors à Paris pour piloter à nouveau un Spitfire. Le commandement britannique lui demande de diriger l’école de chasse de Tangmere, puis le 11e groupe de North Weald. Le 15 septembre 1945, à la tête de 300 avions, il guide le défilé aérien de la victoire dans le ciel de Londres.

De retour à la vie civile, il vole autour du monde pour la compagnie Shell, en compagnie de sa femme Thelma. En 1976, il est fait chevalier par la reine d’Angleterre, pour ses exploits militaires et son action en faveur des amputés. Après la mort de Thelma, il épouse Joan Murray, qui le soutient dans ses actions pour aider les plus démunis. Il meurt d’une crise cardiaque, le 5 septembre 1982, à l’âge de 72 ans. Le London Times écrit alors : "Il devint une légende en personnifiant l’héroïsme de la RAF durant la Seconde Guerre mondiale. »

Douglas Bader est commandeur de l’ordre de l’Empire britannique (CBE) depuis 1955.

Extrait de "Histoires extraordinaires de la seconde guerre mondiale", de Dominique Lormier, publié aux éditions du Cherche midiPour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !