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Burkini ou Burki no ?
©Reuters

Liberté chérie

Croissance zéro au 2ème trimestre, dérapage des déficits, chômage au top, recul du classement de nos universités… Rien de ceci n’a d’importance. LE sujet de l’été, c’est le burkini.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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La France est en train de s’embraser autour d’une question accessoire comme elle adore le faire dans une sorte d’exception culturelle. Tout le monde s’écharpe autour de cette tenue. Des maires dégainent leur nouvelle arme à la mode contre le terrorisme, l’arrêté contre le burkini. La police va dorénavant devoir surveiller les plages pour obliger les femmes trop couvertes à se déshabiller pour la baignade. Même si le maire du Touquet, bien embêté, doit admettre qu’il n’y en a eu aucun jusqu’ici. C’est juste au cas où. Tandis que ceux qui dénoncent l’absurdité de la mesure sont traités de complices de l’islamisation de la France, voire des attentats islamistes. Difficile de rester serein dans ce contexte.

Soyons clairs, je trouve le burkini déplaisant comme un certain nombre de mes concitoyens de toutes confessions (nombre de musulmans ne l’apprécient pas plus que moi). Ce n’est toutefois pas la seule tenue (ou absence de tenue) à me (nous) faire cet effet. Mais à la plage comme à la plage. Chacun est libre de regarder ailleurs si la vue de certains baigneurs trouble ou dérange. A écouter le Premier ministre pourtant, ce n’est pas suffisant. Pour lui, le burkini ne rentre pas dans les traditions françaises. Interdire les tenues vestimentaires l’est-il davantage ? Ce premier pas vers une liste des manifestations religieuses ostentatoires autorisées est complétement contraire aux valeurs de la République. Comment ne pas s’inquiéter de ce nouveau recul de nos libertés aussi inutile que les précédents ? Toute cette énergie répressive devrait être investie dans la traque aux réseaux de recruteurs et aux recrutés plutôt que gaspillée dans le but de brimer et d’humilier ceux qui sont perçus, sans éléments de preuve tangibles, proches des meurtriers fondamentalistes. Nous risquons de nous retrouver à notre tour dans un Etat policier, violent et liberticide. Exactement comme le souhaitent nos ennemis.

L’arrêté municipal pris par le maire de Cannes estime que cette interdiction vestimentaire ne porte pas "d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de culte dont au demeurant les plages ne constituent pas un lieu d’exercice adéquat". Je suppose que les candidats des Républicains à la primaire qui parcourent les plages ne sont pas concernés. Traduction en clair : les musulmans doivent faire profil bas car ils sont implicitement complices des attentats. C’est d’ailleurs la ligne du fringuant président de la Fondation pour l’Islam, Jean-Pierre Chevènement, qui a appelé les musulmans à la "discrétion". Ne doutons pas que les Français de confession musulmane apprécieront la reprise en main de leur religion par ce bidule… et la condescendance à leur égard de son président jacobin laïciste de 77 ans. Une catégorie de sous-citoyens est en train d’émerger.

Pour leurs détracteurs, burkinis et autres tenues orthodoxes sont d’abord des armes politiques. C’est ce qu’écrit Jean-Louis Harel, professeur de droit et auteur de Revenir à la nation (tout un programme) et du Vrai génie du christianisme. Aussi péremptoire qu’ignorant des débats en cours au sein des communautés de théologiens et de philosophes musulmans, il écrit dans sa brève de comptoir : "L'islam est un code de droit qui prétend remplacer le droit du pays d'accueil". C’est en filigrane la théorie du grand remplacement, d’une invasion rampante, d’une islamisation sous la pression de fanatiques pratiquant un "djihad culturel". Chrétiens et Juifs ont le droit d’être orthodoxes ou visibles et offensifs sur les thèmes qui leur tiennent légitimement à cœur, par exemple la défense de l’école libre ou la contestation du Mariage pour tous. Pas les musulmans qui, même en étant des citoyens français de 4ème ou 5ème génération, ne peuvent prétendre aux mêmes droits qu’eux. Ils doivent apparaître soumis et agir comme s’ils venaient de débarquer en France.

Il est vrai que nous sommes en guerre contre un islamisme meurtrier qui a déjà fait 237 morts en France depuis le 6 janvier 2015. Avons-nous la preuve d’un lien entre les Français musulmans orthodoxes et les terroristes, ces délinquants analphabètes qui s’islamisent brutalement sous l’autorité de gourous fanatiques, souvent des imams auto-proclamés ? Si les femmes portant le burkini sont effectivement complices, arrêtons-les et jugeons-les. Autrement, l’Etat de droit exige de les respecter dans leur liberté de croyance. Des limites ont été fixées en France : pas de voile dans les écoles publiques, ni burqa dissimulant le visage. Allons-nous étendre le champ des interdits aux boucheries hallal, au voile et à tous les signes ostentatoires spécifiquement musulmans ? Une fois de plus, cette humiliation injuste et injustifiable des Français musulmans – incluant tous ceux qui n’ont jamais et ne comptent pas porter un jour le burkini - ne peut que desservir le combat que nous devons mener tous ensemble contre la véritable barbarie islamiste, celle qui tue au nom de sa foi obscurantiste.

Ne nous égarons pas sur cette pente glissante, savonnée par ceux qui, en ne cessant d’attaquer l’islam – lequel ? Il n’y a pas un islam mais une multitude de pratiques très diverses –, deviennent les alliés objectifs – ou plutôt les idiots utiles – de Daesh. Trop faible pour nous menacer, l’Etat islamique s’appuie sur les divisions internes de notre pays issues de décennies d’échec de l’Etat-providence dans l’intégration des dernières vagues d’immigration. L’Etat islamique compte sur les Français et, plus largement, les Européens pour mener la guerre entre eux à sa place. Vieille technique éprouvée qui exige une réponse de fermeté contre nos vrais adversaires, aussi vicieux que peu nombreux.

La France a vocation à rester un pays de liberté et de respect des croyances et des idées. La coexistence des pratiquants de toutes les religions fait partie de notre culture. Evitons les diversions dangereuses et restons focalisés sur nos véritables ennemis. Commençons par renforcer les moyens de la justice et du renseignement, et mettons en œuvre les mesures préconisées par la commission Fenech-Pietrasanta pour renforcer notre arsenal contre la vraie menace qui pèse sur nous tous.

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