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Mohamed Ali, champion olympique à Rome, a bien failli ne jamais se rendre à ces JO à cause de sa peur de l'avion...
©Reuters

Bonnes feuilles

Mohamed Ali (1942-2016), né Cassius Marcellus Clay Jr., est un personnage hors du commun. Premier boxeur à devenir triple champion du monde poids lourds, il est autant connu pour un style de combat qui n’appartient qu’à lui, incarné dans son célèbre slogan "Flotte comme un papillon, pique comme une abeille", que pour ses prises de position et ses déclarations fracassantes. Extrait de "Mohamed Ali", de Claude Boli, aux éditions Gallimard 1/2

Claude Boli

Claude Boli

Claude Bali est docteur en histoire (De Montfort University, Leicester, Angleterre) et docteur en sociologie (Université de Nantes). Ses travaux portent essentiellement sur l'Angleterre contemporaine, les populations noires en Europe, l'histoire sociale du sport et la muséographie du sport. Il est Researcher Fellow à De Montfort University, et dirige actuellement le département de la Recherche au Musée National du Sport à Nice. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Manchester United. L'invention d'un club (La Martinière, 2004) ; Football : le triomphe du ballon rond (Quatre chemins/Musée National du Sport, 2008). Il a co-dirigé Allez la France ! Football et Immigration (Gallimard, 2010) et Des défis et des hommes (Snoeck Editions, 2013).

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Rome 1960

Aux Jeux Olympiques de Rome, la renommée de Cassius éclate. Il entre dans la cour des gloires nationales et devient une vedette internationale. Ses performances et sa personnalité sont reconnues au sein de la délégation américaine, des médias, et des athlètes nationaux et étrangers. En compagnie de l’équipe dirigeante de sexagénaires, dont 100 % sont issus de la communauté blanche, s’envolent pour Rome plusieurs athlètes "afro" sélectionnés principalement dans les épreuves d’athlétisme, de basket-ball et de boxe.

Gonflé à bloc par ses titres nationaux, Cassius est parmi les médaillés potentiels. Pour lui, Rome est une étape mémorable. Tout d’abord parce qu’il ne veut pas y aller. Un rocambolesque et angoissant voyage en avion quelques mois plus tôt lors des sélections qualificatives, en compagnie de son entraîneur Joe Martin, s’étant soldé par une phobie de l’avion. Des discussions très fermes avec Joe Martin parviennent à atténuer sa peur. Celui-ci se rappelle :

Il avait peur de l’avion. Nous avions eu un vol plutôt rude en allant en Californie pour les sélections. Alors, quand l’heure est venue de partir pour Rome, il a déclaré qu’il ne volerait pas, qu’il ne pouvait pas y aller. Je lui ai dit : "Dans ce cas, tu perds tes chances de devenir un grand boxeur". Il m’a répondu : "Eh bien, je n’y vais pas". Il voulait prendre un bateau ou un autre moyen de transport. Finalement, je l’ai emmené à Central Park, ici à Louisville, et on a discuté longuement, deux ou trois heures. J’ai réussi à le calmer et à le convaincre que s’il voulait devenir champion du monde des poids lourds, nous devions nous rendre à Rome et gagner les Jeux Olympiques.

Convaincu par son entourage et des spécialistes de boxe, tel Fred Stoner, et sans doute poussé par son ambition et son ego, Cassius se décide finalement à participer aux Olympiades. Quelques semaines avant les Jeux, le célèbre Sports Illustrated lui consacre un papier élogieux, qui souligne à la fois l’immense assurance du jeune boxeur et sa façon unique de faire du spectacle sur le ring, particulièrement en dansant. D’autres journalistes, en revanche, pointent déjà l’impertinence qui lui jouera, à n’en point douter, un tour à un moment ou à un autre. Dans The Courier-Journal, à Louisville, Cassius pose fièrement avec son blazer bleu de la sélection U.S. et affiche un bel optimisme. Au sein de la délégation de boxe, l’émergence d’une nouvelle génération talentueuse constitue également un motif d’optimisme. Le comité olympique américain espère que les boxeurs rééditeront les performances des Jeux d’Helsinki en 1952 où ils avaient remporté cinq titres dans les dix catégories. L’une des vedettes de cette olympiade d’Helsinki fut Floyd Patterson, champion olympique des lourds. Sans pour autant être l’un des leaders de la délégation des sportifs, Cassius est celui sur qui beaucoup d’espoirs de médaille sont fondés. Il est parmi les dix boxeurs sélectionnés. Parmi eux, sept sont noirs. Humberto Barrera, Nicholas Spanakos et Jerry Armstrong, respectivement d’origines italienne, grecque et irlandaise, complètent cette équipe plurielle à l’image de la population de la nation au drapeau étoilé.

Dans l’enceinte du village olympique qui réunit les 5 348 athlètes de différentes nations, dont ceux des pays africains récemment indépendants, le jeune Cassius, alors âgé de dix-huit ans, se distingue de multiples façons. On le voit partout et surtout on l’entend beaucoup. Lors des promenades avec ses camarades d’équipe, tel un politicien en campagne électorale, il salue et se présente auprès de toutes les personnes qu’il rencontre. Dans les artères du village, il harangue à tout-va les athlètes étrangers leur annonçant qu’il sera le prochain champion olympique. Au réfectoire, il hausse volontairement la voix afin d’attirer l’attention. Pour se faire davantage remarquer, il se rapproche de la star de l’athlétisme de l’époque, Wilma Rudolph, qui survole les épreuves de sprint en remportant trois médailles d’or. Wilma, discrète et peu diserte, tout le contraire de Cassius, déclare plus tard :

Je l’observais de loin. Tout le monde l’aimait. Tout le monde voulait le voir, l’approcher, lui parler. Il ne faisait que ça, parler, parler, parler. 

Ses camarades boxeurs, en particulier Wilbert McClure et Harry Campbell, s’amusent et s’étonnent du culot du jeune homme. Ses pitreries et ses fanfaronnades sont associées à sa jeunesse. D’autres athlètes apprécient peu l’exubérance de Cassius et décident de le montrer en quittant systématiquement l’endroit où il se trouve, faisant ainsi remarquer qu’ils ne sont pas disposés à rire de ses farces. Agacement et jalousie se mêlent. Chez d’autres athlètes, peu habitués à rencontrer ce genre d’attitude, c’est un souffle nouveau dans un moment de"tension internationale" entre les deux grandes puissances mondiales, les États-Unis et l’URSS, et leurs alliés. Cassius surprend et déconcerte. C’est un souvenir que garde Michel Jazy, coureur de fond français :

C’était étonnant de voir ce gamin, qui visiblement ne se rendait pas trop compte de l’ampleur des Jeux Olympiques, exprimer une telle confiance dans le village olympique. C’était pratiquement impossible de ne pas le remarquer avec son blazer bleu avec l’insigne du comité olympique U.S. qui paraissait trop grand sur lui. On le voyait souvent avec deux ou trois compagnons d’équipe en train de parler et de sortir des vannes pour amuser ses camarades. Nous les Français, on le trouvait plutôt sympathique et très drôle. Dans cette délégation, on peut dire qu’il y avait Cassius et la ravissante Wilma. D’ailleurs, ils étaient souvent ensemble et ça faisait un beau couple. Tous les deux étaient jeunes, grands et très beaux.

[…]

Extrait de "Mohamed Ali", de Claude Boli, publié aux éditions GallimardPour acheter ce livre, cliquez ici

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