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Terrorisme en Allemagne : comment Angela Merkel prépare une riposte politique radicale après sa chute de 12 points dans les sondages
©Reuters / Hannibal Hanschke

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Si Angela Merkel s'était montrée l'an dernier particulièrement accueillante envers les migrants soucieux de s'installer en Europe, les récents attentats terroristes en Allemagne pourraient bien infléchir les positions sociétales et migratoires de la coalition au pouvoir outre-Rhin.

Philippe Gustin

Philippe Gustin

Philippe Gustin est préfet, ancien ambassadeur, et co-auteur avec Stephan Martens de France-Allemagne : relancer le moteur de l’Europe (2016, Lémieux éditeur).

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Atlantico : Thomas de Maizière, le ministre de l'Intérieur allemand, vient de proposer d'instaurer la déchéance de nationalité pour les binationaux djihadistes combattant à l'étranger. Ce type de mesure semble montrer un certain durcissement brusque de la politique migratoire allemande, qu'on avait pour l'instant plutôt considérée comme très humanitaire ou un peu naïve. S'agit-il à votre sens d'un virage à 360° ?

Philippe Gustin : Si virage il y a, il n’est pas à 360° car depuis quelques mois déjà on assiste à une évolution certaine de la politique migratoire allemande. Le 4 septembre 2015, à la surprise quasi-générale tant en Allemagne qu’en Europe, la chancelière se prononçait pour une politique d’accueil très généreuse. Les viols perpétrés durant la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne, même s’il a été prouvé depuis qu’ils n’étaient pas le fait de migrants arrivés récemment, ont produit un électrochoc en Allemagne dont le parti populiste AfD a su profiter lors des élections régionales du mois de mars dernier. Le gouvernement en a tiré les conséquences en limitant l’accueil des migrants. La négociation engagée par Angela Merkel avec la Turquie pour endiguer le flux des migrants est directement inspirée de ce revirement. Ainsi, dans les faits, 13 000 étrangers ont été éloignés d’Allemagne au premier semestre 2016, soit 4 000 de plus qu’au cours de toute l’année 2015 et le pays a accueilli 117 500 réfugiés au premier semestre contre plus d’un million en 2015.

Les attentats de Würzburg et de Ansbach, les premiers revendiqués par Daesh outre-Rhin en juillet dernier, ont marqué un nouveau tournant dans l’opinion publique. Les Allemands avaient beau être conscients de la menace terroriste, ils pensaient pouvoir passer entre les gouttes des attentats. Le gouvernement doit donc annoncer des mesures pour lutter contre le terrorisme d’autant que la cote de popularité de la chancelière a chuté de 12 points en un mois et que des élections locales auront lieu en Mecklembourg-Poméranie occidentale, le Land d’Angela Merkel, le 4 septembre et à Berlin le 18 septembre.

En quoi est-ce que ces séries de mesures montrent qu'il y a aujourd'hui une évolution des enjeux migratoires en Allemagne, poussant Angela Merkel à manœuvrer ? Quels sont ces enjeux nationaux ?

Les mesures annoncées sont de deux ordres : une partie d’entre elles sont techniques et de nature à rassurer la population (76 % des Allemands estiment qu’un nouvel attentat peut survenir à tout moment, et 55 % d’entre eux pensent que l’Allemagne n’y est pas bien préparée) comme le renforcement de la vidéosurveillance et des moyens de contrôle d’Internet, le recrutement de 15 000 policiers supplémentaires d’ici 2020 ou l’extension des autorisations d’écoute et d’enquête. D’autres sont plus politiques comme les propositons de l’interdiction du voile intégral ou de l’abandon de la double nationalité pour les djihadistes binationaux combattant à l’étranger. A un an des élections générales de septembre 2017 avec un parti AfD crédité de 13 % d’intentions de vote, la CSU et une partie de la CDU font en particulier ressurgir un débat clivant pour revenir sur la loi de 2014 sur la double nationalité. Les discussions tournent entre autres autour de la ré-islamisation de nombreux Turco-Allemands mal intégrés qui pourraient être tentés d’instaurer, avec l’aide des réfugiés nouvellement arrivés, la charia en Allemagne. Pour être adopté, le programme de Thomas de Maizière devra encore être validé par les ministres de l’Intérieur des 16 Länder. Il est certain que les débats qui ont commencé dès ce week-end seront âpres sur certains sujets, comme celui de la déchéance de nationalité que le SPD, pourtant membre de la coalition gouvernementale, aura du mal à cautionner.

En quoi ces évolutions allemandes ont-ils ou pourraient-ils avoir un impact important sur la politique migratoire européenne ?

L’Allemagne a désormais rejoint le clan des pays européens touchés et préoccupés directement par les questions liées au terrorisme. Le prochain Conseil européen consacré au terrorisme sera déterminant pour mesurer la capacité de l’Union à apporter une réponse concertée à cette menace. Cette préoccupation commune entre les principaux Européens saura-t-elle pour autant générer une relance du moteur européen en panne depuis quelques temps ? Rien n’est moins sûr. Tout d’abord parce que l’Europe s’est construite jusqu’à maintenant en faisant fi d’une possible mutualisation des compétences régaliennes et qu’il sera par ailleurs particulièrement difficile d’opérer un revirement au moment où l'on assiste dans la plupart des pays membres à une tendance exacerbée aux replis identitaires. La sécurité est désormais la principale préoccupation des Européens. Reste à voir si l’Union européenne est en mesure de répondre collectivement et efficacement à cette attente légitime.

La chancelière Angela Merkel est-elle encore en mesure de maintenir le statu quo qu'elle a su imposer ces dernières années ?

Angela Merkel est fragilisée de toutes parts. Tout d’abord, la communauté d’affaires qui, soucieuse de l’évolution démographique dramatique de l’Allemagne (avec 81 millions d’habitants, le pays enregistre 100 000 naissances de moins par an que la France qui compte 66 millions d’habitants), avait été moteur dans le choix de la politique migratoire de la chancelière, est de plus en sceptique sur la capacité de la machine industrielle allemande à offrir à terme un emploi à tous les réfugiés. Par ailleurs, l’alliée historique de la CDU est hostile depuis le début à la politique migratoire défendue par la chancelière. Ensuite, le SPD, son allié au sein de la grande coalition gouvernementale, est aussi malmené dans les sondages et devra se démarquer de plus en plus au fur et à mesure que la date des élections générales approchera. Enfin, l’AfD surfe sur la vague populiste et anti-migrants. Ce parti est crédité de près de 20 % des intentions de vote pour les élections régionales du 4 septembre dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale et relèguerait même la CDU en troisième position, ce qui pourrait s’avérer fatal pour la chancelière.

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