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Corse : et ça veut dire quoi quand on crie "on est chez nous !" ?
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Un peu de respect, svp…

Certainement pas ce qui en est dit. Et en tout cas pas "nous haïssons les étrangers !".

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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A Sisco, la foule a crié "on est chez nous !" en se dirigeant vers le quartier Lupino habité par une population qui n'est pas vraiment définie comme insulaire. La manifestation faisait suite à une rixe sanglante quand des hommes armés de hachettes, de machettes, de harpons (les versions diffèrent, mais c'est toujours à l'arme blanche…) s'en sont pris à des Corses goguenards qui regardaient leurs épouses, ou leurs filles, se baigner en burkini. A Ajaccio, il y a quelques mois, on a également crié "on est chez nous !" quand des jeunes Corses ont lancé une expédition punitive contre le quartier des Jardins de l'Empereur après qu'un guet-apens y a été tendu à la police et aux pompiers.

"On est chez nous" ? Certains y décèlent une revendication haineuse. D'autres, dont je suis, une élémentaire exigence de respect. "Eux" sont "chez nous"… "Eux" ont parfaitement le droit d'être "chez nous"… Mais nous sommes parfaitement autorisés à penser que nous méritons d'être "chez nous" et non pas, comme on tend à nous l'imposer, "chez eux"… Il y a, hélas, en France de plus en plus de territoires qui sont devenus, pour beaucoup, des lieux inhospitaliers ou hostiles.

Dans de nombreux quartiers, les policiers, les gendarmes, les pompiers ne sont plus "chez nous". Il en va de même pour les Juifs, qui en ont été chassés depuis longtemps. Croit-on que les catholiques de Saint-Etienne-du-Rouvray se sentent chez eux ? Imagine-t-on que les fidèles réunis à Lourdes mais protégés par la police et l'armée se sentent pleinement chez eux ? Et les millions de "kouffars" qui peuplent notre pays et qui font l'objet d'une fatwa généralisée peuvent-ils encore se dire qu'ils sont librement "chez nous" ?

On connaît la définition de l'auberge espagnole : un endroit où l'on trouve ce que l'on y a apporté. Il n'est ni souhaitable ni acceptable que la France ressemble à ce genre de troquet. En revanche, il y a un modèle dont elle pourrait s'inspirer : celui de la plate-forme de location Airbnb. Le principe est simple. On vous met en contact, en France ou ailleurs dans le monde, avec un(e) propriétaire qui se propose de vous louer pour quelques jours (pas de CDI !!) un appartement ou une chambre dans un appartement. On propose. Vous choisissez. Et c'est Airbnb qui connecte et qui contractualise.

L'hôte s'engage à mettre à votre disposition un lieu clairement défini, à vous fournir des serviettes de toilettes, de quoi vous faire un café ou un thé le matin. En échange, vous payez. Mais pas seulement. Vous vous engagez à respecter les desideratas de l'hôte. Il ne veut pas que vous fumiez ? Vous ne fumerez pas. Même pas la chicha… Il est "gay friendly" ? Si vous êtes hétérosexuel, il paraît sage d'aller voir ailleurs.

Il est chez lui, mais il fera tout son possible pour que vous vous sentiez chez vous. On vous demandera quelques efforts. Si vous êtes bouddhiste, on vous suggérera de vous abstenir de mettre votre énorme Bouddha sur une fragile étagère qui risquerait de s'effondrer sous son poids. Si vous êtes juif pratiquant, il vous sera déconseillé de clouer une mézouza sur la porte du logement ou de la chambre : le propriétaire a peut-être d'autres hobbies. Si votre épouse ou fille a l'habitude de se promener en burkini, on trouvera légitime que le propriétaire, s'il a des enfants, se préoccupe des traumatismes nerveux que le spectacle pourrait provoquer chez eux (les Tortues Ninja, c'est déjà d'une autre génération…).

Après votre séjour, il vous sera demandé par Airbnb d'apprécier l'accueil que vous avez reçu. Vous êtes parfaitement libre d'écrire que votre hôte était un goujat malpoli et que le matelas du lit était complètement défoncé. Tout le monde verra votre commentaire et votre hôte y perdra d'éventuels clients. Il peut pareillement vous noter et décréter que vous avez été sale et irrespectueux. Vous aurez alors du mal à vous faire accepter par d'autres.

Ce code de bonne conduite mutuelle me paraît plutôt sain pour tous ceux qui veulent élire domicile chez nous. Mais vous m'objecterez que les immigrés, contrairement à ce qui se passe sur Airbnb, ne payent pas pour venir en France. Faux. Ils payent en travaillant, et donc en participant à la richesse nationale. Ils payent avec leurs cotisations sociales et leurs impôts. Ils sont nombreux. Mais tous les autres ? Je suis allé regarder attentivement la charte d'Airbnb : il n'y a rien, strictement rien, de prévu pour les bénéficiaires d'allocations.

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